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B. CROCE. : La résolution réglée sur la situation.

Publié le 22/02/2012

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croce
Avant de prendre une résolution, l'homme cherche à voir clair en lui et autour de lui; et tant que dure cette recherche, tant que le doute ne se dissipe pas, la volonté reste suspendue. Rien ne peut faire qu'il prenne une résolution, là où manquent les éléments pour la résolution; rien ne peut faire qu'il se dise à lui-même : « Je sais », quand il ne sait pas; rien ne peut lui faire dire : « Ce sera comme si je savais », car ce « comme si je savais » introduirait dans toute la connaissance la méthode de l'arbitraire et à un doute circonscrit ferait succéder le doute universel, la perturbation de la fonction cognitive elle-même, contre laquelle se commettrait un véritable crime de félonie. Il ne naît rien de rien. D'exceptions à cette loi, il n'en existe pas, et celles que l'on cite ne peuvent être qu'apparentes. Un homme descend prudemment la pente dangereuse d'une montagne couverte de glace : mettra-t-il ou non le pied sur cette croûte dont il ne sait et ne peut savoir la résistance? Mais il n'y a pas de temps à perdre, il faut qu'il avance, et il se risque. Dans un cas comme celui-ci, il semblait évident qu'on veuille et qu'on agisse sans connaître complètement. Mais le cas n'est pas particulier ou d'un ordre spécial : dans tout acte de la vie existe le risque de l'inconnu; et s'il n'y avait pas en nous (comme on disait jadis) la potestas voluntatem nostram extra limites intellectus nostri extendi, on ne pourrait ni faire un pas, ni lever le bras, ni porter à la bouche un morceau de pain, puisque omnia incerta ac periculis sunt plena. Ce qui doit être connu pour pouvoir former la volition n'est pas ce que nous saurions si nous étions dans une situation différente de celle où nous sommes (situation dans laquelle la volition, elle aussi, serait différente), mais ce que nous pouvons savoir dans la situation où nous nous trouvons réellement. L'homme dont nous parlons n'a ni le temps ni les moyens de vérifier la résistance de la croûte de glace, mais, puisqu'il lui faut avancer, il agit, non pas d'une façon risquée, mais assez prudemment, en mettant avec confiance le pied sur cette glace qui pourra lui être infidèle. Ce serait risqué si, ayant les moyens et le temps, il ne faisait pas cette vérification, c'est-à-dire s'il était dans une situation autre et imaginaire, et non dans cette situation présente et réelle dans laquelle il se trouve. Si je connaissais les cartes de mon adversaire comme les connaît le fripon, je jouerais autrement mais ce n'est pas parce que, joueur honnête, je ne connais que les miennes, qu'on peut dire que je joue au hasard; je joue comme je dois le faire, c'est-à-dire avec la pleine connaissance de la situation réelle dans laquelle je me trouve. B. CROCE.

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