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Combien il est louable à un prince de tenir sa parole (...) chacun en convient: Machiavel

Publié le 08/03/2014

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PHILOSOPHIE : COMMENTAIRE 

 

Nicolas Machiavel, dans son traité politique Le Prince, expose ce qui selon lui doivent être l'art et la manière de gouverner d'un homme politique. Dans le Chapitre XVIII de cet oeuvre, Machiavel aborde le sujet de la fidélité et de la parole donnée. Le problème énoncée ici est celui du rapport entre politique et morale. 

 

Machiavel commence ce chapitre par une louange adressée aux princes fidèles: "Combien il est louable à un prince de tenir sa parole,(...) chacun en convient". Mais, cet éloge est de courte durée, et s'avère être totalement ironique Il est en effet tout de suite après contredit par l'expérience du penseur: "Les princes qui ont fait de grandes choses sont ceux qui ont tenu peu compte de leur parole", ceux qui, "grâce à la ruse", et non pas la fidélité, sont parvenus à leur fin. Machiavel expose donc dans ce texte les bases de sa philosophie. Ce n'est pas l'idéalisme qui prédomine, mais bien le réalisme. Ce n'est pas avec des idéaux que l'on peut progresser. La seule et unique chose qui importe, c'est l'efficacité de la politique. C'est elle la plus suprême des valeurs, et pour l'atteindre, les idéaux doivent donc parfois être mis de côté. 

La suite du chapitre va ensuite justifier, à partir de ce principe, l'infidélité de certains rois ou politiques à la parole donnée. Le philosophe explique donc comment , par ce procédé, l'homme se doit de mener sa politique. Il existe en fait deux manières possibles. Ce sont celles de "l'homme", et de "la bête". La métaphore employée montre donc qu'on doit être à la fois un homme, c'est à dire être capable de respecter des lois, et avoir une morale, et être une bête, c'est à dire ne suivre que son propre but, sans se préoccuper de la manière qui nous permet de l'atteindre. Cela signifie donc que les idéaux doivent être, s'il le faut, mis de côté. Pour gouverner les hommes, il faut donc "savoir bien user de la bête et de l'homme", en faisant bien appel aux deux méthodes. User de l'homme, c'est faire appel à la loi, et respecter une morale de vie. User de la bête sera définie dans le paragraphe suivant. C'est un juste rapport entre ces deux moyens qui permettra au prince de bien gouverner. 

Le Prince est donc poussé à savoir également "bien user de la bête". Encore une fois, le penseur utilise une métaphore: celle du renard et du lion. Il y a donc deux manières d'agir comme une bête. On doit se montrer tantôt lion, tantôt renard. Faire donc usage tantôt de la force du lion, tantôt de la ruse du renard. Machiavel insiste sur le fait qu'un souverain se doit d'être rusé comme un renard . "Ceux qui se fondent uniquement sur le lion n'y entendent rien". La ruse mentionée par le penseur est celle poussée à l'extrême: Elle est en effet liée à la notion d'infidélité à sa propre parole, au cas d'un homme qui parjure. Mais, cette infidélité, ou cette trahison, doit être habilement dissimulée. Un homme qui parjure doit donc dissimuler son propre parjure. Ce qui, selon Machiavel, justifie le recours à la ruse, est un constat propre à la nature humaine. En effet, les hommes se caractérisent par leur méchanceté, et leur malhonnêteté. Un souverain ne peut pas, par conséquent, se fier à eux. Pour agir, il n'a donc pas à attendre d'avoir été trompé pour tromper. De plus, la naïveté des sujets montre que la ruse du Prince serait totalement efficace, comme il le montre :"et les hommes sont si naïfs (...) que celui qui trome trouvera toujours quelqu'un qui se laissera tromper". Encore une fois, Machiavel base son raisonnement sur l'expérience de l'humanité, montrant que c'est de cette manière que la politique d'un homme triomphe: "on pourrait en donner une infinité d'exemples modernes (...) et c'est celui qui a su le mieux user du renard qui a triomphé". La vision de la réalité du philosophe lui permet encore une fois d'argumenter sa propre thèse. Sans l'usage malicieux de la ruse, on ne peut gouverner. 

Tout cela est un jeu d'apparences. Le prince doit sembler avoir toutes les qualités, mais ce n'en est pas une obligation. Il semblerait même que "s"il les avait et s'il les observait toujours, elles lui porteraient préjudice". La qualité du prince ne doit pas être son sens de la justice et de la morale, mais plutôt son habileté. Il doit être capable de s'adapter à une quelconque situation pour le bien de sa politique. Il doit, à tout moment, faire croire à ces sujets que sa politique va dans une certaine direction, alors qu'en fait ce n'est pas du tout le cas Mentir, parjurer, ne pas respecter les lois peut donc se justifier, car c'est uniquement dans ce cas que le prince pourra garder le contrôle de ses biens, et de ses sujets. Machiavel insiste donc sur le fait que c'est uniquement par cette voie qu'un homme peut réussir à garder ses pouvoirs. Si cela lui porte préjudice, le prince doit être capable de cesser son bon gouvernement. Autrement, continuer dans la voie de la morale pourrait remettre en question l'ordre établi. Il doit "savoir entrer dans le mal, s'il y est contraint". La vision de ce penseur est donc totalement réaliste, rationnaliste, et rien n'est accordée aux valeurs morales de la société, jugées coupables d'un grand nombre d'erreurs faites par le passé. 

Par ce texte, Machiavel réfute donc la pensée générale, qui postule que le Prince doit agir en son royaume avec un sens aigu de la justice. Il distingue deux moyens, deux instruments qui sont à disposition du prince pour qu'il puisse maintenir ou renforcer son pouvoir. Il y a donc d'un côté la loi humaine, mais également la force animale. Une bonne manière de gouverner ne se juge pas par la morale qu'elle emploie, mais par son habileté, et sa capacité de s'adapter aux situations périlleuses. Les valeurs morales de la société, jugées trop distantes de la réalité, sont fortement critiquées. 

 

Cette théorie de Machiavel peut tout de même être contredite. En effet, nombre de points sur lequel il s'appuie portent à confusion. 

Le philosophe nous énonce que pour bien gouverner il faut parfois savoir faire preuve de malice, en mentant quand cela semble être nécessaire. Mais ces mensonges sont parfois très graves. Ils peuvent être des parjures, qui viennent trahir un traité ou un pacte signé par des chefs d'états. Or, c'est le non respect de ces traités qui a entraîné la plupart des guerres, au cours de l'histoire de l'humanité. Si un seul Prince agirait comme le requiert Machiavel, cela pourrait déjà avoir des conséquences très graves sur tout un peuple. Mais si tout souverain ou chef d'état se fierait à cette théorie, le monde serait toujours en guerre, sur toute sa surface. Ce premier point nous montre déjà ce que peuvent être les conséquences de la théorie de ce philosophe florentin. La ruse du renard qu'il a mentionné ne servirait pas à échapper aux représailles des autres peuples, qui ne sont tout de même pas aussi naïfs qu'il le pense. Machiavel s'est donc trompé sur l'intelligence des humains, et c'est l'expérience, sur lequel il s'était tant appuyé, qui le montre. 

Si ce premier point montre les impacts de la théorie du penseur dans les relations extérieures, il faut savoir que ceux sur la politique à l'intérieur d'un pays peuvent être également importants, si ce n'est plus. En effet, quand un chef d'état assume ses fonctions, il jure fidélité au peuple qui l'a permis d'accéder à cette charge. Les actions du nouveau chef d'état doivent être effectuées au nom du bien et du bonheur de ce dernier. Le trahir parfois, comme le recommande Machiavel, ce serait trahir ce qui a permis au souverain d'accéder à cette place, et de trahir donc les fondations de son pouvoir. De plus, cela ne passerait pas inaperçu, car c'est le peuple qui récolte directement ce que sème son souverain. Il n'est donc pas difficile pour le peuple de constater que le souverain leur a menti. Cela peut amener des révoltes, voire des révolutions, qui remettront totalement en cause le pouvoir alors en place. La théorie de Machiavel sur la façon de gouverner s'avère donc inopportune aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur d'un état. 

De plus, pour vivre pleinement, l'homme se doit d'être soumis à des lois, des règles précises. Si ces dernières n'existeraient pas, le monde ne pourrait pas offrir assez d'espaces aux libertés de chacun, et cela créerait de nombreuses querelles entre les individus. Or, cette vision de la politique de Machiavel postulerait que les lois peuvent ne pas être respectées par un Prince, quand cela lui semble juste. Le non respect de règles de la part du souverain ferait donc indéniablement basculer la société humaine vers une certaine forme d'anarchie. Par ailleurs, si c'est la personne la plus importante d'un état qui s'avère être un hors-la-loi, cela ne peut être qu'un mauvais exemple à suivre pour son peuple. 

 

Tout cela montre donc que la théorie de Machiavel sur la manière de gouvernerr d'un Prince est fausse. Le principe de cette théorie, c'est à dire le non-respect des lois, porterait irrémédiablement la société humaine à sa perte, car elle renierait ce sur quoi elle se fonde.

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