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COMMENTAIRE DU TEXTE DE JANKELEVITCH: LE PARDON

Publié le 22/07/2010

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jankelevitch

Le pardon est mort dans les camps de la mort, L’imprescriptible, texte de 1971 est publié pour maintenir jusqu’à la fin des temps le deuil des victimes de la barbarie nazie. Ce texte est une réaction à un projet de 1965 concernant la prescription des crimes de guerre. Ce projet tient à une dimension juridique qui vise à prescrire tous les crimes et délits, passé le délai de vingt années. Le texte nous interroge sur une double dimension, l’une juridique, l’autre morale : Juridique : le crime contre l’humanité est-il un crime comme les autres ?  Morale : comment ce qui est impardonnable peut, après vingt ans, devenir pardonnable ?  La thèse développée par l’auteur est qu’un tel crime est impardonnable, imprescriptible « Lorsqu’un acte nie l’essence de l’homme en tant qu’homme, la prescription qui tendrait à l’absoudre au nom de la morale, contredit elle-même  la morale « Le délai de prescription de 20 ans est posé par le droit au nom de la morale. Un individu doit pouvoir être pardonné de ses agissements dès lors qu’il a payé sa dette à la société. Selon Jankélévitch, ce principe est acceptable lorsqu’il s’agit de droit commun mais ne l’est plus du tout en cas de crime contre l’humanité. C’est pourquoi, « la prescription au nom de la morale contredit la morale «. C’est ce qui est confirmé par une seconde thèse « oublier ce crime gigantesque contre l’humanité serait un nouveau crime contre le genre humain « ces deux thèses apportent les réponses aux questions soulevées : Le crime contre l’humanité n’est pas un crime comme les autres.  L’impardonnable est et doit demeurer éternellement tel.  L’objectif de l’auteur est d’apporter les arguments qui confirment cette prise de position, c’est pourquoi il use d’arguments dont l’intensité va crescendo.  1. Des arguments juridiques.  2. Des arguments ontologiques.  3. Des arguments de la temporalité.    I. LES ARGUMENTS JURIDIQUES.    Le but est de cadrer et de déterminer le type de crime dont il est question. Avant tout ce crime fait exploser les cadres juridiques classiques : - C’est un crime international, c’est un crime différent du fait divers et c’est un crime exceptionnel. Ces trois arguments montrent que le crime contre l’humanité ne peut pas être compris comme le crime de droit commun. Il impose la création d’un droit spécifique qui pourrait fournir les cadres aux jugements de tels faits (la cour pénale internationale est fondée à le faire). Pourquoi le crime contre l’humanité échappe aux règles du droit commun ?  Le crime est en général circonstancié et limité à un nombre restreint d’individus, c’est un fait divers. Ici c’est une affaire de nations, l’Allemagne en tant que nation doit prendre en charge la totalité des fautes et ne doit pas se sentir atteinte dans son intégrité et dans sa souveraineté. De fait le crime contre l’humanité ne peut être soumis au critère de la souveraineté, ce n’est pas parce qu’une nation est souveraine qu’elle peut légalement et légitimement produire de telles exactions, c’est pourquoi le crime contre l’humanité engage l’ensemble des nations « les allemands n’ont pas à nous reprocher notre immixion dans leurs affaires. Ce ne sont pas leurs affaires (…), l’Allemagne est bien plutôt le seul pays qui n’ait pas à se mêler de cette question «.    II. LES ARGUMENTS ONTOLOGIQUES    Le crime contre l’humanité possède plusieurs caractéristiques, c’est un crime contre l’essence humaine ou hominité, c’est un crime contre l’ipséité, c’est un crime métaphysique.  Type de crime qui s’attaque à ce qu’est l’homme non pas en tant que tel ou tel individu déterminé, mais simplement en tant qu’homme existant. Dans ce type de crime, les hommes dénient à d’autres hommes le droit d’exister « les crimes racistes (…) adversaire logique «. Ces crimes sont sans fondement valable, comment et au nom de quel critère se permet-on de supprimer la vie à des hommes ? « L’allemand n’a pas voulu (…) pernicieuses «. Le fait que ce sont des hommes qui produisent de tels agissements impose le fait que la question de la prescription est scandaleuse « de l’autre une chose innommable, inavouable et terrifiante, une chose dont on détourne sa pensée et que nulle parole humaine n’ose décrire (…) les orchestres jouaient du Schubert tandis qu’on pendait les détenus.  Il ne faut pas se débarrasser de l’holocauste au nom d’une prétendue prescription possible. Celui-ci doit toujours être présent, vivant en l’esprit de tous les hommes ; le « plus jamais ça « est l’affaire de tous et de chacun, ce qui impose de ne pas laisser le temps lisser de telles atrocités.  Dans le crime contre l’humanité, ce qui était visé était d’empêcher certaines personnes de vivre parce qu’elles étaient elles-mêmes, il s’attaquait à la personne en tant que telle et non pas à se idées, ses croyances. En effet en exterminant les juifs, ils s’attaquaient non pas à la religion mais à l’essence même de l’être humain. C’est en ce sens que nous sommes tous visés et concernés car ce qui a été fait aux juifs aurait très bien pu arriver à d’autres. Donc ce crime est un crime contre l’humanité (essence de l’homme) mais aussi contre l’humanité (ensemble de personnes) et il ne peut pas y avoir de prescription pour cela.    III. LES ARGUMENTS DE LA TEMPORALITE.    L’œuvre du temps est de permettre de faire le deuil d’actes qui se sont déroulés à un moment déterminé. On sait que le temps permet d’ancrer l’action dans le passé, c’est le souvenir. Mais il favorise « le pardon et l’oubli « au sens où « ne plus penser à « équivaut à ne plus se le représenter, or la représentation doit être maintenue, les images ne doivent pas être occultées. Il y a, comme le dit Primo Levi, « un devoir de mémoire «. C’est pourquoi « le temps liquidateur et cicatriseur n’atténue en rien la colossale hécatombe : au contraire il ne cesse d’en aviver l’horreur «. Sur ce point la thèse de Jankélévitch est claire « il est en général incompréhensible que le temps, processus naturel sans valeur normative, puisse exercer une action atténuante sur l’insoutenable horreur d’Auschwitz «.  On sait que le crime contre l’humanité diffère radicalement du crime de droit commun. Autant le temps peut-il permettre le pardon et l’oubli relativement à un crime de droit commun, autant concernant le crime contre l’humanité, cela est impossible. Deux facteurs concourent à cela : d’une part le fait que le crime contre l’humanité engage l’homme en tant qu’homme, le fait que ce soit incommensurable.    IV. CONCLUSION.    Dans cet extrait, l’objectif de l’auteur était de montrer que les crimes contre l’humanité ne pouvaient pas et ne devaient pas être prescrits. Il montre l’importance de la responsabilisation de la nation, cela est lié au fait qu’un peuple est solidaire des points positifs comme des fautes. L’Allemagne n’a donc pas à demander la prescription et le pardon. Pardonner un tel crime ce serait produire un nouveau crime contre l’humanité.

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