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Comparaison du chapitre I et XXX. Candide, Voltaire

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

I) Une ressemblance, celle du conte

      A) Chapitre I

   Premier chapitre : l’entrée en scène de Candide. C’est le personnage éponyme et le héros du conte. C’est par le regard de Candide que va se dérouler le conte. Quelques lignes suffisent à le décrire : son aspect extérieur, son caractère, son nom. Il est caractérisé par sa sincérité : c’est un personnage naïf et crédule. Il y a un deuxième réseau de correspondance : il a de bonnes dispositions naturelles et intellectuelles. C’est un personnage susceptible de changer. Il est propice à une évolution.  L’écrivain s’attache également sur les origines de Candide : c’est un enfant illégitime, naturel. Il est recueilli par le baron, c’est une manière de conserver de l’honneur dans cette famille par rapport à cette naissance hors mariage. Il a environ 16-17 ans. Le conte lui fait découvrir le vaste monde.

Le deuxième personnage entrant en scène est le baron. Il est caractérisé par son titre noble : c’est un homme puissant et riche. Cette puissance justifie tous les défauts sur lesquels insiste plus ou moins. Il fait régner une sorte de tyrannie. Ce n’est rien d’autre qu’un hobereau de province. C’est un personnage vaniteux car il se vante d’avoir un très grand nombre de quartiers de noblesse : ce n’est qu’un masque. Tout semble bien faux chez cet homme.

Le troisième personnage est la baronne : c’est une femme énorme. Voltaire insiste sur deux ou trois détails qui deviennent des défauts. Elle est dans l’ombre de son mari.

Le quatrième personnage est Cunégonde. Elle est nubile (en âge d’être mariée). L’insistance sur l’âge de Cunégonde n’est pas anodin. C’est la promesse d’une fécondité : le fruit défendu ; fraîche, grasse et ravissante. Son prénom ridicule définit son personnage. L’écrivain insiste sur son apparence physique mais pas intellectuelle.

Le cinquième personnage est le fils du baron. Il est décrit en deux mots (Le portrait s’amenuise au fur et à mesure). En tout, il est digne de son père. Il pourra donc prendre sa place. Nous sommes dans une noblesse ancestrale. Il évoque un atavisme (ce dont on hérite de ses ancêtres).

Le dernier personnage évoqué est Pangloss. Il a un nom (comparé aux autres personnages anonymes moins importants) d’origine grecque qui signifie : avoir toujours quelque chose à dire sur tout. C’est le précepteur (cela renseigne sur le niveau social). L’auteur fait de lui une longue et élogieuse description en apparence. C’est un personnage bavard, vaniteux, doctoral. Il se perd dans ses ratiocinations (long discours ennuyeux). Tout le monde l’écoute comme si tout ce qu’il disait était parole d’Evangile. Voltaire alerte le lecteur : il utilise un terme démesuré pour la matière qu’il enseigne : la « métaphysico-théologo-cosmolo-nigologie «. Ce n’est qu’un nigaud.

Il y a un ordre logique dans la présentation des personnages. Tout est hiérarchisé dans cette noblesse Vestphalienne. La longueur des paragraphes montre l’importance que l’écrivain accorde aux personnages. Il y a un intérêt sur l’hérédité. Chacun a hérité d’un comportement. Cependant on ne sait rien de plus sur le père de Candide. Les personnages sont des pantins du destin et de Voltaire. On est bien dans une fiction.

 

      B) Chapitre XXX

       Dans le dernier chapitre, le nombre de personnages a doublé. Il y a deux grands groupes : les personnages secondaires et les rescapés du château. Le baron et la baronne sont morts étripés par les bulgares. Le fils du baron n’a pas changé. L’auteur insiste sur son impertinence extrême. Il a un fond mauvais et l’auteur insiste sur son refus d’accorder le mariage entre Cunégonde et Candide. L’existence ne l’a pas fait évoluer ; il en est incapable. Il est ridicule, grotesque, il sera éliminé. D’autres personnages secondaires sont évoqués et n’ont aucun intérêt pour nous. Ce sont des marionnettes, des faire-valoir.

Insistons sur les trois survivants :

- Cunégonde, qui aime toujours Candide, est devenue laide. A cette laideur physique, elle est devenue insupportable, acariâtre. Pour ce personnage, tout est un échec.

- Pangloss qui n’a pas changé. Il se perd dans les mêmes raisonnements : Il ne pense pas par lui-même. C’est un personnage stupide dans son obstination. Il s’accroche dans sa façon de raisonner. Il existe uniquement par la parole qui est vide de sens. Il est aussi vide de sens que le baron. « Tout (est) dans les apparences «. Voltaire est très dur à l’égard de ce personnage vaniteux. Son optimisme intransigeant le condamne. Il a connu des situations difficiles mais il n’a pas changé et garde son optimisme stupide. Pangloss se donne des manières. Il se croit plus grand qu’il n’est. Il a pourtant terriblement influencé Candide donc il est dangereux. Voltaire consacre un quart du dernier chapitre pour définitivement l’éliminer.

- Candide est le seul à avoir changé, c’est le seul qui a mûri par les malheurs qu’il a rencontré. C’est désormais un homme qui réfléchit par lui-même. Il est capable de se marier contre l’avis du frère de Cunégonde. Il a acquis de l’autorité, de l’assurance. Il règne en maître. Il interrompt Pangloss et le fait taire. Il est capable aussi de se remettre en cause. Cette maturité ne lui a pas fait perdre sa candeur qui est désormais une qualité.

 

II) Trois univers sont présents

Il y a trois univers qui attirent l’attention : le château, l’Eldorado, la métairie près de Constantinople. Ces trois lieux constituent une sorte d’utopie.

 

      A) Le château de Thunder-ten-tronckh

        Le premier chapitre se situe à Thunder-ten-tronckh.  Nous sommes bien dans l’univers du conte avec ce nom fantaisiste. La démarche de la description des personnages et du cadre spatio-temporel est sommaire. La Vestphalie au XVIII ème siècle est une région très peu connue. Elle est auréolée de mystère. Elle est toute entière traversée de guerres. Cela augure mal de la suite. La deuxième caractéristique de cet univers est qu’il est très fortement hiérarchisé (Allemagne de l’époque). Chacun occupe sa place qu’il ne doit pas quitter. Candide n’a pas sa place. Le troisième élément est que le jeune homme ose aimer une jeune fille qui lui est hiérarchiquement supérieure. Toute l’ironie de l’écrivain est représentée par le nombre de quartiers qu’il évoque. Ce monde est clos sur lui-même : tout dans le conte sera vu de l’intérieur. Le jeu des points de vue sera en permanence capitale à la bonne compréhension du texte. C’est la position de Voltaire qui est intéressante. C’est un monde où le temps semble s’être arrêté. L’utilisation de l’imparfait fige le temps, il contribue à faire disparaître toute logique entre les phrases. Voltaire s’amuse et satire la tradition du conte et fait appel aux connaissances livresques du lecteur. Candide risque de déclencher l’horloge du temps et le retour à une certaine réalité. On le voit avec le jeu d’échos présent dans le texte. C’est le monde des illusions : l’illusion aristocratique. La noblesse n’a, en effet, plus sa place au XVIII ème siècle. Elle se perd dans la vanité, se croit supérieure. Il y a également l’illusion romanesque : le roman est né en France au XVII ème siècle : c’est un genre secondaire. Le XVIII ème siècle va voir le roman se développer. Le thème principal des romans est l’amour. Le premier chapitre de Candide n’échappe pas à ce lieu commun. Tout est faux dans le monde de Thunder-ten-tronckh. L’amour doit aussi être faux. Cunégonde et Candide ont cru que « coucher « veut dire aimer.  Si l’amour est uniquement cela, il serait voué à l’échec. Il y a également une illusion de la philosophie. Pangloss a une idée fausse de la philosophie. Il a une illusion de l’absolu qui ferait de la Terre le meilleur des mondes possibles. Pangloss se leurre totalement. Inévitablement, Pangloss est amené à des désillusions mais le plus grave est qu’il ne change pas. Il reste dans son absurdité. La dernière illusion est que, ici, tout est imagination. Le château de Thunder-ten-tronckh est un paradis terrestre. Voltaire invite ainsi le lecteur à lire un conte comme une parodie des saintes écritures. Adam est assimilé à Candide, Eve à Cunégonde, Dieu au baron. Cela explique les allusions parodiques de la Bible. Ce premier univers est sous des apparences du conte traditionnel mais il y a beaucoup de critiques sur la société. Le chapitre I et XXX se font échos dans leur structure. Nous sommes dans l’univers des contes (qui comment par « un jour «). C’est Paquette avec Pangloss qui déclenche l’expulsion de Candide.

 

      B) L’univers de la métairie

       L’univers de la métairie est l’opposé exact du château de Thunder-ten-tronckh. C’est un univers clos où le bonheur est possible. La métairie est un lieu de révélation, de prise de conscience, où le bonheur se réalise. La métairie est un lieu salutaire. Elle sauve en effet les personnages de l’ennui, de l’inquiétude. Elle sauve de toutes les formes d’idéologie. Elle réhabilite les valeurs notamment celle du travail. Le bonheur est enfin connu, loin de l’humanité bestiale. A chaque fois qu’il décrit l’Homme, Voltaire utilise des animaux : ours, lion, loup….

 

III) Quelle sagesse Voltaire nous invite à déduire ?

Par rapport à ces deux univers, on peut se demander quelle sagesse Voltaire nous invite à déduire. Pour le château, il n’y a pas de sagesse à tirer. Tout est condamné et critiqué. Pour la métairie : Tous les personnages qui se retrouvent dans le dernier chapitre sont de grands voyageurs malgré eux : ils ont connu de nombreux malheurs. Ils vivent mal cet enfermement. C’est pourtant dans cette métairie que Voltaire les « emprisonne «. Les personnages vont pouvoir voir autour d’eux le monde et ses malheurs. Ce spectacle devra leur rappeler les malheurs qu’ils ont connus mais en même temps, le monde de la métairie semble ignorant des malheurs. Les personnages pourront don tirer un enseignement logique qui les poussera à vouloir rester. Comme c’est un conte, Voltaire conserve le caractère essentiel de la fin d’un conte : une moralité qui est ici « Il faut cultiver son jardin «. Pangloss et Martin ne la comprennent pas. C’est une sagesse toute philosophique (depuis l’Antiquité) qui repose sur trois aspects :

    - le refus des ambitions : On se montre beaucoup plus simple. C’est pour cela que Voltaire énumère sur une page les grands personnages qui avaient trop d’ambitions. Il les énumère pour que ses personnages ne connaissent pas la même fin : une mort violente. C’est donc la « vie à la campagne «.

    - Le refus des raisonnements et des discours inutiles. Voltaire n’a cessé d’évoquer les discours de Pangloss.

    - Montrer tout les bienfaits du travail. Le travail est salvateur. Le vieillard en est le parfait exemple. Les personnages se dirigent donc vers les activités manuelles et non plus intellectuelles. La culture des terres, l’artisanat … sont des termes répétant les mots « travailler « et « cultiver «.

 

Conclusion

Le premier chapitre et le dernier mettent tout deux en scène « le jardin « de manière différente. Là où tout était donné par Dieu, ce sont les Hommes qui doivent cultiver leur terre pour avoir ce dont ils ont besoin. Ce sont deux chapitres très important qui, dans leur comparaison, mettent en évidence les buts de Voltaire. Sur le fond des deux chapitres, il y a une opposition. C’est l’opposition du monde de l’illusion au monde de la réalité.

Dans le chapitre XXX, Voltaire favorise les valeurs de solidarité, d’égalité, il recherche les vrais fondements de l’Homme dans l’univers. Entre le chapitre I et XXX, on bascule de l’amour à l’amitié (« l’amitié est plus forte que l’amour «). On passe de l’oisiveté au travail (le travail peut permettre à l’Homme de s’épanouir). Il doit être accompagné de sagesse : d’action, de rendement, de relation humaine. L’illusion de l’optimisme est une réalité, qui n’est pour autant pas pessimiste. A la fin du conte, Candide est devenu le maître. Il jouit enfin des biens qu’il possède. Il a une sagesse fondée sur cette solidarité entre les êtres.

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