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Conscience et vraie liberté

Publié le 30/03/2014

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Conscience et vraie liberté

 

Notre mal nous tient en l'âme : or elle ne se peut échapper à elle-même [...]. Ainsi il la faut ramener et retirer en soi : c'est la vraie solitude, et qui se peut jouir au milieu des villes et des cours des rois ; mais elle se jouit plus com¬modément à part.

Or, puisque nous entreprenons de vivre seuls et de nous passer de compa¬gnie, faisons que notre contentement dépende de nous ; déprenons-nous de toutes les liaisons qui nous attachent à autrui, gagnons sur nous de pouvoir à bon escient vivre seuls et y vivre à notre aise.

[...] Il se faut réserver une arrière-boutique toute nôtre, toute franche, en laquelle nous établissons notre vraie liberté et principale retraite et solitude. En cette-ci faut-il prendre notre ordinaire entretien de nous à nous-mêmes, et si privé que nulle accointance ou communication étrangère y trouve place ; discourir et y rire comme sans femme, sans enfant et sans biens, sans train et sans valets, afin que, quand l'occasion adviendra de leur perte, il ne nous soit pas nouveau de nous en passer. Nous avons une âme contournable en soi-même ; elle se peut faire compagnie ; elle a de quoi assaillir et de quoi défendre, de quoi recevoir et de quoi donner ; ne craignons pas en cette soli¬tude nous croupir d'oisiveté ennuyeuse.

Montaigne, Essais, livre I, 389, De la solitude, Le Seuil, 1967. 

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