DE PINDARE A MALHERBE

   La tension, l'imagination, l'érudition des Odes Pindariques étaient l'effet d'une inspiration généreuse en même temps que de la volonté arrêtée de rivaliser avec le Maître antique. Mais les élégiaques latins, Horace surtout, Anacréon, les poètes Néo-Latins, la simple et gentille Marie ont montré à Ronsard les mérites de la simplicité et de la sincérité. Il ne craint pas de paraître spontané et détendu, tel Jupiter descendu de l'Olympe chez les hommes. La clarté et la précision de la langue suivent le naturel de l'inspiration; Ronsard n'abandonne pas l'idée d'enrichir la langue française, mais il fait de plus en plus appel au fonds français et n'abuse plus des mots composés, forgés plus ou moins heureusement sur le modèle antique. Les corrections apportées aux Odes de 1550 dans les rééditions successives témoignent toutes d'un souci de logique dans la pensée et de précision dans l'expression, qui font songer à la future réforme de Malherbe. La seconde ode dédiée à la Fontaine Bellerie en est un exemple frappant. Le poète avait d'abord rédigé la troisième strophe en ces termes :    A tout jamais puisses-tu être En honneur et religion Au bœuf, et au bouvier champêtre De ta voisine région... .    Ce texte présentait plusieurs pléonasmes : honneur et religion sont à peu près synonymes, bouvier et champêtre font double emploi, un bouvier étant nécessairement champêtre. Dès 1555, Ronsard a corrigé plusieurs négligences dans l'ensemble de l'ode, et dans le texte de 1587, cette strophe est complètement remaniée :    Ainsi toujours puisses-tu être En religion à tous ceux Qui te boiront, ou feront paître Tes verts rivages à leurs bœufs.    La troisième édition des quatre premiers livres des Odes, parue en janvier 1555, est caractéristique de cet effort de Ronsard; elle comprend notamment un poème, qui, par la régularité des strophes, la vigueur de l'expression et la simplicité du vocabulaire annonce les meilleures pièces de Malherbe : l'Ode au Vendômois.