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démographie historique

Publié le 13/04/2013

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1   PRÉSENTATION

démographie historique, branche de la démographie qui a pour objet l’étude de la structure et de l’évolution des populations du passé.

Longtemps considérée comme une discipline annexe, une science auxiliaire, la démographie historique se distingue de la démographie proprement dite par son objet et ses méthodes, l’historien démographe disposant rarement de matériaux statistiques fiables définis dans un but scientifique. Il doit utiliser des sources externes, qui, mises en relation et analysées, permettent de donner une image de la population passée d’un pays, voire, mais c’est plus difficile, du mouvement naturel de cette population. La démographie historique est, à cet égard, une science qui touche à des domaines très sensibles, qui ressortissent à l’intimité de l’individu, la culture des sociétés humaines, l’idéologie, la religion, la politique et l’économie.

2   LES SOURCES ET LES TECHNIQUES

Les techniques sont liées aux sources de l’historien démographe. Il n’y a pas eu, avant les grandes ordonnances prises par François Ier en 1539 (ordonnance de Villers-Cotterêts), de politique de recensement systématique.

Les registres paroissiaux — recensant les baptêmes, les mariages et les sépultures — constituent une source de choix, longtemps ignorée, qui donne une base quantitative aux démographes et permet d’étudier les familles : la méthode définie par Pierre Goubert dans les années cinquante consiste à rassembler tous les documents relatifs à un mariage, ainsi qu’aux descendants et aux ascendants. On peut alors en tirer des éléments fondés, comme la fréquence des conceptions prénuptiales et hors mariage ou le taux de fécondité par groupe d’âge, analyses qui permettent de prendre la mesure de comportements sociaux et de phénomènes biologiques.

Les autres techniques se rapportent à la correction des données et à l’établissement de quotients de mortalité, de nuptialité et de migration. La reconstitution de familles peut être tentée, comme à Montréal, où les démographes de l’université de Montréal et de l’université Laval ont entrepris de reconstituer la généalogie de toutes les familles franco-canadiennes depuis le XVIIe siècle.

D’autres sources sont utilisables : documents fiscaux, contrats de mariage, inscriptions funéraires, archives judiciaires, comme celles des « grands jours d’Auvergne « de 1666, qui permettent, à l’occasion des procès, de repérer par exemple l’infanticide, difficilement évaluable, mais dont on sait qu’il était largement répandu dans la France de l’Ancien Régime.

Dans tous les cas, les études menées par les historiens démographes ont permis d’arriver à de précieuses définitions. Pour la France, c’est celle d’un Ancien Régime démographique, ou encore du concept de fécondité naturelle, défini par Louis Henry. Les monographies villageoises et régionales permettent d’étudier le comportement des Français par rapport au mariage, à la famille, et de découvrir que nos ancêtres se mariaient fort tard aux XVIIe et XVIIIe siècles (27 ans pour les hommes, 25 ans pour les femmes), et que chaque mariage donnait en moyenne quatre ou cinq enfants. Ce système autorégulateur, malthusien avant Malthus, permettait à la société française de combler ses pertes, liées à une forte mortalité infantile.

3   UN CAS EXTRÊME : LA CHINE

Le dénombrement exact de la population chinoise a toujours été une quasi-chimère. Le cas chinois est néanmoins passionnant, car il est révélateur des difficultés que peuvent rencontrer les historiens démographes dans leur tâche.

Les premières estimations sérieuses sont les résultats du recensement de 1953. Pour la première fois, on a disposé d’un instrument statistique fiable ; jusqu’alors, on se fondait sur des sources externes — les recensements fiscaux ou la consommation moyenne du sel rapportée aux habitudes alimentaires —, ce qui donnait lieu aux extrapolations les plus variées.

Les recensements opérés par les Chinois au cours de leur histoire ont surtout été destinés à connaître le nombre des conscrits et des paysans corvéables. Sous les Han, il y aurait eu 60 millions d’habitants. En 750, l’institution d’un nouveau système foncier liant la fiscalité à la terre, distribuée proportionnellement à la taille des familles, donne aux recensements une valeur certaine : il y aurait eu 50 millions d’habitants. Après, les recensements ne sont plus que des recensements fiscaux, dont la fiabilité est évidemment douteuse. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que l’État chinois, préoccupé par la croissance démographique, commence à recenser ses sujets dans le cadre de milices, et ce jusqu’en 1850. Mais à cause des migrations, la Chine n’a jamais été un État fermé, c’est-à-dire stable avec seulement deux flux, l’un d’entrée, l’autre de sortie — la naissance et la mort —, les recensements du XIXe siècle ne sont pas non plus complètement fiables.

Dans les années trente, historiens et démographes anglo-saxons reprennent les estimations du XIXe siècle. Ils parviennent alors à la conclusion que la Chine comptait environ 430 millions d’habitants en 1850 et qu’elle n’en avait plus que 400 millions en 1870. Cette perte de population est due aux conséquences de la guerre des Taiping qui a ravagé cinq des provinces les plus peuplées du continent (Jiangsu, Zhejiang, Anhui, Jiangxi, Hebei). En 1947, le gouvernement nationaliste de Nankin estime la population chinoise à 450 millions d’habitants. En 1950, Zhou Enlai, s’appuyant sur des estimations partielles, avance publiquement le chiffre de 490 millions d’habitants. Aussi, grande est la surprise lorsque, en 1953, le gouvernement chinois publie les résultats du recensement national de la Chine continentale : 574 millions d’habitants. À cette occasion, on a pu constater que le creux démographique lié à la guerre des Taiping n’était pas comblé, la population des cinq provinces précitées étant, en 1953, de 145 millions d’habitants contre 170 millions environ en 1850.

De 1953 à 1993, il n’y a plus eu aucun recensement officiel, mais des projections à partir de données partielles ; en 1972, il devait y avoir environ 890 millions d’habitants en Chine. Le recensement de 1993 a donné le chiffre de 1 185 millions d’habitants. Toute la question est de savoir quelle est la marge d’erreur (1 p. 100, 2 p. 100 ou 3 p. 100) de ce recensement.

4   LA NAISSANCE DES THÉORIES DE LA POPULATION

Les théories de la population sont nées en même temps que les tentatives des États d’arriver au dénombrement exact des hommes. Ce ne fut jamais l’œuvre de démographes au sens propre du terme, mais de fonctionnaires, d’économistes au service des États. Partout où ils étaient puissants, on a cherché à dénombrer exactement les hommes. En Chine, les légalistes font procéder aux premiers recensements dès le Ier siècle de notre ère. La pensée dominante a été le plus souvent populationniste, au sens que lui donne Jean Bodin au XVIe siècle : « il n’est de richesses que d’hommes «. Au siècle suivant, les mercantilistes français, Vauban et Colbert, soutiennent la même position. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que des théoriciens, comme Cantillon, puis les physiocrates, comme Quesnay ou Turgot, déterminent l’existence d’un rapport naturel entre la population et les subsistances, les secondes déterminant la croissance de la première jusqu’à un seuil limite. Cette vision pessimiste est contrebalancée par la foi dans le progrès économique et social. Elle est ensuite élargie et reprise au XIXe siècle, mais dans un tout autre sens, par un pasteur anglican également économiste : Malthus.

Dans son Essai sur le principe de population (1798), Malthus tente d’établir une théorie générale, dont les prémisses sont justes mais les conclusions fausses. Il pense avoir découvert une loi naturelle de la population, que l’on peut résumer sommairement ainsi : la Terre peut porter un nombre limité d’êtres humains ; la tendance naturelle est à l’accroissement de l’espèce sans que les ressources agricoles croissent d’autant ; la conséquence à long terme pour l’espèce humaine ne peut être que la misère et la surpopulation. La solution qu’il propose, face à cet écart croissant entre le nombre des hommes et la diminution de leurs ressources, est la limitation des naissances par la chasteté et le recul de l’âge au mariage. Malthus n’apporte rien de franchement nouveau, mais son discours très affectif, ses affirmations et ses propositions de réformes brutales, ébranlent les idées reçues. Son impact sur la pensée économique et la démographie est énorme, en ce sens qu’en cherchant à infirmer ou à confirmer ses théorisations hâtives, les économistes classiques Jean-Baptiste Say, puis Sismondi et Marx ont permis la constitution d’une démographie scientifique. Le malthusianisme a profondément influencé les politiques des États européens entre les deux guerres. Encore aujourd’hui, la question de la surpopulation est appréhendée en termes malthusiens par les écologistes, les eugénistes et certains États comme l’Inde ou la Chine, qui ont mis en place des politiques autoritaires de restriction des naissances. Il est aujourd’hui généralement admis qu’il n’y a pas de loi naturelle de la population, mais des fluctuations liées aux conditions économiques et aux cultures des différents pays.

5   LA DÉMOGRAPHIE HISTORIQUE DEPUIS 1945

La démographie historique est une discipline relativement récente. En France, avant 1945, historiens et démographes s’ignoraient dans l’ensemble. Ce n’est qu’avec la fondation des Annales, par Marc Bloch et Lucien Febvre (1929), et avec la fondation de l’Institut national d’études démographiques (INED) par Alfred Sauvy, puis la publication de la revue Population, que la démographie historique commence à se constituer en discipline à part entière. Enfin, en 1963, Marcel Reinhard crée la Société de démographie historique et sa revue, les Annales de démographie historique.

De grandes enquêtes ont été entreprises par l’INED ; elles ont permis de sonder l’évolution de la population française entre 1670 et 1830. Le nombre des hommes est désormais mieux connu, mais aussi leurs mentalités. L’étude du mariage dans la France de l’Ancien Régime a permis de connaître le poids réel des interdits posés par l’Église et les effets de la déchristianisation sur les naissances, très précoces, par exemple, dans le sud-ouest de la France.

La discipline s’est aujourd’hui diversifiée, faisant appel à des techniques scientifiques variées et à la collaboration d’autres sciences exactes, comme la médecine ou la biologie. Les études sur les groupes sanguins menées par des biologistes et des historiens sous la direction de Jean Bernard ont permis de préciser certains aspects de la géographie du peuplement de la France et, par recoupement, des migrations françaises. Enfin, il convient de préciser l’existence aux États-Unis de l’œuvre entreprise, avec des moyens informatiques considérables, par la Société généalogique des mormons de Salt Lake City. Celle-ci a en effet entrepris de recenser tous les registres de baptêmes et de sépultures connus — tout mormon pouvant obtenir le baptême rétroactif de sa famille s’il connaît précisément son ascendance —, offrant ainsi aux historiens de la population un outil de travail inestimable.

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