Devoir de Philosophie

Dissertation : Peut on parler de dyarchie sous la 5ème République ?

Publié le 02/03/2014

Extrait du document

Dissertation : Peut on parler de dyarchie sous la 5ème République ? 

 

« Certes on ne saurait accepter qu'une dyarchie existât au sommet. Mais justement, il n'en est rien «. Cette déclaration du Général de Gaulle en conférence de presse du 31 janvier 1964 soulève de profondes interrogations parmi les journalistes, les constitutionnalistes et les Français. 

Peut on parler d’une dyarchie sous la 5ème République ? 

Il semble nécessaire d'éclairer cette notion clé: la dyarchie. Cette dernière surprend, d'autant plus qu'elle est habituellement évoquée pour décrire le fonctionnement du régime sous les deux rois de Sparte. La dyarchie correspond à un système renfermant un gouvernement composé de deux rois, deux chefs, deux pouvoirs. L’expression « dyarchie de l’exécutif « (dyarchie venant du grec = commander) s’emploie lorsque l’on veut désigner le fait que les deux têtes de l’exécutif détiennent des pouvoirs sensiblement équivalents. On pense alors à la dyarchie de Sparte où le Gouvernement était assuré par deux rois aux pouvoirs égaux. L’expression est donc polémique car sous la Cinquième République, les pouvoirs du Premier Ministre et du Président ne sont pas sensiblement égaux. La notion de dyarchie se dit donc d’un État où le pouvoir est exercée simultanément (en même temps) par deux personnes. La 5ème République est un régime parlementaire français, mit en place en 1958 par l’application de la Constitution du 4 octobre 1958, et qui est toujours d’actualité. 

L’intérêt de ce sujet est de comprendre la relation que le Premier ministre et le Président de la République peuvent avoir sous cette nouvelle République, en effet, sous les 3ème et 4ème République française, la place du Président de la République n’est pas du tout la même que celle que lui donne la Constitution de 1958. Il faut alors savoir comment cette évolution s’est effectuée, et quelles sont les prérogatives que le Chef de l'État et le Chef du gouvernement se partage ou au contraire les prérogatives où ils ont la seule compétence. Il faut comprendre le fonctionnement de notre exécutif. 

Le problème est de savoir dans quelle mesure la pratique des institutions depuis De Gaulle a permis la mise en place d’une dyarchie à la tête de l’exécutif ? 

La lecture gaullienne de l’exercice du pouvoir exécutif permet un renforcement de la tendance présidentialiste du régime, ce qui réduit et même exclut la dyarchie exécutive (I). Cependant, la lecture post-gaullienne de l’exercice du pouvoir exécutif remet en cause cette tendance en laissant apparaître une certaine dyarchie, qui est a son niveau de paroxysme en cas de cohabitation (II). 

I – La lecture gaullienne : un renforcement de la tendance présidentialiste du régime, excluant la dyarchie exécutive 

 

(A) La Constitution de 1958 donnant des pouvoirs propres au Chef de l'État 

 

Le Président de la République est défini comme étant le Chef de l'État. Son statut est le premier à être défini dans la Constitution de 1958 par les articles 5 à 19. 

Selon l'article 5, il « veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l'État. Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités «. 

Le Président de la République sera d'ailleurs défini par M. Debré comme la « clef de voûte « du régime. 

Le Président est donc la personnification de l'État, en continuité avec la tradition monarchique française. Les constituants ont par conséquent souhaité lui donner d'importantes prérogatives afin de lui assurer la stature qui convient à son rôle de représentant de la Nation. Les exigences de la démocratie pourront justifier son élection au suffrage universel direct (depuis le 6 novembre 1962) et la limitation de son mandat à 5 ans (depuis le 2 octobre 2000). 

Ses principales prérogatives sont définies dans la constitution de 1958 et ses amendements : 

Il nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement (article 8) 

Il préside le Conseil des ministres 

Il peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale. Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit la première 

Il accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères 

Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. Il en informe la Nation par un message. Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d'accomplir leur mission. Le Conseil constitutionnel est consulté à leur sujet. Le Parlement se réunit de plein droit. L'Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels (article 16) 

Recours au référendum (article 12) 

 

(B) Une interprétation de la Constitution de 1958 selon De Gaulle : une immixtion du Chef de l'État sur le Premier ministre 

 

Une légitimité venant du peuple qui le rend plus fort grâce au référendum de 1962 qui rend l’élection présidentielle au suffrage universelle direct. 

Cette position centrale et déterminante du chef de l’État dans le système institutionnel, la volonté affirmée du général de Gaulle qu’il n’existe aucun écran entre le peuple et lui-même, rendaient logique l’élection du président de la République au suffrage universel. 

Remplace le 1er ministre pour la nomination du Gouvernement 

« Certes, il existe un gouvernement qui détermine la politique de la nation. Mais tout le monde sait et attend qu’il procède de mon choix et n’agisse que moyennant ma confiance. Certes, il y a un Parlement, dont l’une des deux chambres a la faculté de censurer les ministres, mais la masse nationale et moi-même ne voyons là rien qui limite ma responsabilité, d’autant mieux que je suis en mesure de dissoudre, le cas échéant, l’Assemblée opposante, d’en appeler au pays au-dessus du Parlement par la voie du référendum, et, en cas de péril public, de prendre toutes les mesures qui me sembleraient nécessaires. « 

Cette vision quasi monarchique du pouvoir présidentiel va se trouver mise en pratique entre 1958 et 1962, du fait de la conjoncture, la situation périlleuse qui règne en raison de la guerre d’Algérie. 

Il entend livrer le combat d’une pratique présidentielle affirmant dans les faits la primauté du chef de l’État. Passage à un régime Présidentiel ? 

 

II – La lecture post-gaullienne : apparition d’une forme de dyarchie de l’exécutif, à son paroxysme en cas de cohabitation 

 

(A) Une approche différente de la Constitution, une dyarchie tempérée 

 

Le rôle du Premier ministre est de diriger l'action du gouvernement, mais en réalité celle-ci est décidée par le président de la République dans ses grandes lignes, lorsque la tendance politique de la majorité parlementaire est la même que celle du chef de l'État. Dans ce cas, le Premier ministre est théoriquement le chef de gouvernement, mais dans les faits, c'est le président de la République qui assure ce rôle, le Premier ministre ne faisant qu'appliquer la politique du chef de l'État. Il a même parfois le rôle d'un « fusible «. Il dispose néanmoins de pouvoirs propres face aux autres membres du gouvernement qui ne dépendent pas de lui. 

Il est habituellement choisi parce qu'il est à la tête du courant politique le plus puissant de la majorité parlementaire de l'Assemblée nationale, ou parmi ses représentants, sinon parmi les personnalités proches de ce courant majoritaire. 

L’étude des pouvoirs présidentiels pourrait donner l’impression que le gouvernement ne joue qu’un rôle secondaire. Il n’en est rien. En effet, si le président intervient de manière essentielle dans la décision et parfois dans l’impulsion, il ne dispose pas des moyens juridiques et administratifs qui lui permettraient de préparer les décisions, de les exécuter et de gérer quotidiennement l'État. Le président n’intervient pas non plus dans le processus législatif. Compte tenu de ces contraintes, il faut une volonté forte et une grande persévérance à la présidence pour faire aboutir une réforme. C’est dire que sans le concours du gouvernement, la présidence n’a pas les moyens de conduire la politique voulue par le président. 

Pouvoirs propres du 1er ministre : 

L'article 21 énonce que le Premier ministre dirige l'action du gouvernement, il est responsable de la Défense nationale, assure de l'exécution des lois. 

Il propose la nomination et la révocation des ministres (article 8). Il engage la responsabilité du gouvernement devant l'Assemblée nationale 

Il dispose du pouvoir réglementaire autonome (par décrets). Celui-ci s'étend sur des matières situées hors du champ de la loi déterminé par l'article 34 de la constitution. Il peut changer les lois et les décrets votés avant 1958, si leur domaine est passé dans la compétence réglementaire. Mais pour cela, il faut un décret pris après avis du Conseil des ministres. 

Premier ministre est le Chef du gouvernement, il partage donc des prérogatives avec le Chef de l’Etat : 

Droit de grâce (article 17) 

Promulgation des lois (article 10) 

Réforme constitutionnelle (article 89) 

Le Premier ministre, sur délégation du président de la République, peut nommer aux emplois civils et militaires, et peut présider exceptionnellement le Conseil des ministres. 

 

(B) La cohabitation, une dyarchie de l’exécutif respectée et appliquée 

 

La cohabitation ne conduit pas à interpréter la Constitution de 1958 ; elle contraint plutôt à la lire, tant il est vrai que quelques décennies de pratique " présidentialiste " de nos institutions avaient fini par reléguer dans l'ombre certaines de ses dispositions. 

A partir du moment où le chef de l'État n'est plus le maître du gouvernement et le leader de la majorité, c’est la véritable application de la Constitution qui est mit en place. 

Lorsque le Premier ministre est issu d'un courant politique opposé à celui du président de la République, on parle de cohabitation car, dans ce cas, les deux chefs du pouvoir exécutif agissent dans leurs domaines de compétence respectifs. Dans ce cas, le Premier ministre, ne dépendant pas du président de la République, applique sa propre politique et a l'autorité sur les autres ministres. C'est alors un chef de gouvernement, le président de la République restant le chef de l'État et chef des armées et s'occupant en général plus de politique étrangère (le « domaine réservé «). 

Lors de sa prise de fonction le Premier ministre remet (c'est l'usage) une lettre de démission non datée. Le président de la république peut donc forcer le Premier ministre à démissionner sauf en période de cohabitation. 

Véritable dyarchie en période de cohabitation, car les deux Chefs appliquent réellement les pouvoirs qui leur sont donné par la Constitution de 1958, on retrouve un véritable régime à deux têtes et deux pouvoirs. 

En définitive, les cohabitations installent à la tête de l'État une dualité de commandement, une "dyarchie", celle-là même que le général de Gaulle avait fermement rejetée dans sa conférence de presse de 1964, bien qu'elle fût, dès l'origine, présente dans le texte constitutionnel. On est donc passé, entre le Président et le Premier ministre, d'une relation de subordination - le terme est sans doute excessif - à une relation, obligée, de coopération. 

Liens utiles