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Dix ans après la chute du Mur, Varsovie, Prague et Budapest rejoignent l'OTAN

Publié le 17/01/2022

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12 mars 1999 L'heure est aux cérémonies et aux congratulations officielles : un peu moins de dix ans après la chute du mur de Berlin, trois anciens membres du pacte de Varsovie (la Pologne, la Hongrie et la République tchèque) vont devenir, vendredi 12 mars, membres à part entière de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN). Symboliquement, c'est à Independence (Missouri), dans la bibliothèque Harry- Truman, président des Etats-Unis lors de la signature, en 1949, du traité fondateur de l'Alliance atlantique, que les trois ministres des affaires étrangères des pays accueillis doivent remettre à Madeleine Albright, gardienne du traité, les instruments de ratification de l'adhésion votés par leurs Parlements respectifs. Mardi 16, les premiers ministres polonais, hongrois et tchèque seront reçus solennellement au siège de l'Alliance, à Bruxelles, pour assister à la montée des couleurs aux côtés de celles des seize autres pays membres. Ces adhésions, fermement souhaitées par les dirigeants des pays concernés, soutenus à des degrés divers par une majorité de leur opinion publique, ont fait l'objet d'âpres discussions entre les membres de l'Alliance, opposant notamment la France et les Etats- Unis sur l'ampleur de cet élargissement. Paris s'était fait l'avocat, mollement suivi par les autres membres européens de l'OTAN, d'un élargissement à cinq, incluant la Slovénie et surtout la Roumanie, ardemment soutenue par Jacques Chirac. Au bout du compte, au sommet de Madrid, en juillet 1997, Bill Clinton impose ses vues : l'élargissement est limité à trois pays, les autres candidats étant divisés en deux catégories, ceux nommément cités comme ayant vocation à faire partie de l'Alliance (Slovénie, Roumanie, les trois pays baltes), et ceux, non nommés, dont les progrès en matière de démocratie, de libéralisation de l'économie, de normalisation des rapports avec leurs voisins, de mise à niveau de leurs structures militaires doivent encore faire de notables progrès pour pouvoir prétendre à une candidature. Le choix des trois pays admis répond alors tout autant à des critères de politique intérieure américaine qu'à une évaluation géopolitique de la situation en Europe centrale et orientale. Disposant de lobbies puissants à Washington et de communautés immigrées influentes électoralement dans plusieurs Etats, Polonais, Hongrois et Tchèques ont réussi à séduire un Congrès américain a priori hostile à tout élargissement pour des raisons financières. La justification éthique de cette sélection n'arrive qu'après-coup : l'Alliance et les Etats-Unis auraient à leur égard une "dette morale" pour avoir laissé, sans réagir, les chars soviétiques entrer en Hongrie en 1956, en Tchécoslovaquie en 1968, et le général Jaruzelski proclamer l'état de guerre en 1981... Cette décision provoque déception et amertume chez les "recalés", qui se demandent aujourd'hui si l'affirmation, formulée à Madrid, selon laquelle l'élargissement de l'Alliance est un "processus continu " ne relève pas de la pure rhétorique. La préparation du sommet de Washington, qui s'ouvrira le 23 avril, donne lieu, au sein du Conseil atlantique, à de byzantines discussions sur les formulations susceptibles de donner un contenu et une crédibilité à la politique de la "porte ouverte" qui y sera solennellement proclamée. Une chose est certaine : aucune nouvelle invitation formelle à entrer dans l'Alliance ne sera lancée. Aux postulants, il sera proposé un paquet "Madrid plus", consistant essentiellement à assurer un "suivi " régulier des efforts d'adaptation des pays concernés. Deux points font l'objet de discussions non encore closes : si l'on est à peu près d'accord sur la liste des neufs pays "nominés" (Slovénie, Roumanie, Lituanie, Lettonie, Estonie, Slovaquie, Bulgarie, Macédoine et Albanie), l'ordre dans lequel ils seront présentés n'est pas encore établi. Les partisans d'un nouvel élargissement souhaitent qu'une échéance précise soit fixée pour le nouvel examen des candidatures . Les pays les plus opposés à un nouvel élargissement (Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas) proposent un ordre alphabétique qui mettrait paradoxalement en tête l'Albanie, la nation actuellement la plus éloignée des critères d'adhésion. Plus probablement, l'option soutenue par la France et les Etats-Unis, consistant à classer les pays par "paquets", en fonction décroissante de leur "aptitude", devrait s'imposer. Cette formule devra tenir compte des évolutions survenues depuis le sommet de Madrid. De l'avis des experts politiques et militaires, certains pays, comme la Slovaquie et la Bulgarie, ont progressé aux regard des critères d'adhésion ; d'autres, en revanche, comme la Roumanie, auraient régressé. Paris a d'ailleurs mis un bémol au soutien affiché et massif à l'entrée de Bucarest dans l'Alliance, qui s'inscrivait, en 1997, dans un contexte d'affrontement entre les présidents Chirac et Clinton sur la réforme des structures internes de l'OTAN, relatif notamment à l'attribution, souhaitée par Paris, à un officier européen du commandement sud des forces de l'OTAN, situé à Naples. Le différend ayant été tranché en défaveur de la France, et le débat sur la fameuse "identité européenne de défense et de sécurité" lancé par Jacques Chirac lors du sommet de l'OTAN de Berlin en 1995 n'ayant guère avancé, Bill Clinton et Madeleine Albright pourront faire du jubilé de l'Alliance, en avril, une glorification sans nuage d'une organisation dont les Etats-Unis assument, depuis cinquante ans, le leadership politique et militaire. LUC ROSENZWEIG Le Monde du 12 mars 1999

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