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doléances, cahiers de

Publié le 11/02/2013

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1   PRÉSENTATION

doléances, cahiers de, documents rédigés par les différents ordres de la société pour préparer les états généraux convoqués par le roi de France.

Les cahiers de doléances de 1789, les derniers du genre, revêtent un caractère particulier, du fait de la Révolution qui les a suivis.

2   DÉFINITION D’UNE TRADITION SÉCULAIRE

Apparus au xve siècle, les cahiers de doléances recensent les revendications et les plaintes émises au niveau local par chaque ordre de la société (clergé, noblesse et tiers état) lorsque le roi décide de faire appel aux états généraux. Les cahiers du tiers état sont les plus nombreux et leur rédaction se fait à deux niveaux. Chaque paroisse rurale ou chaque corps urbain de métier rédige d’abord un premier cahier lors d'une assemblée de paroisse ou de métier. Des représentants montrent ensuite ce cahier à l'assemblée de bailliage ou de sénéchaussée, qui élabore la synthèse des différents cahiers paroissiaux dans un cahier de bailliage, lequel est transmis au roi. Parallèlement, la noblesse dans les provinces et le clergé par diocèse procèdent à la rédaction de cahiers que réceptionne en l’état et directement le roi.

3   UN CAS PARTICULIER, LES CAHIERS DE 1789
3.1   Une source extraordinaire sur la France du XVIIIe siècle

Les cahiers de doléances de 1789 revêtent une importance spécifique parce qu’ils ont précédé la Révolution française. En outre, aux quelque soixante mille cahiers du tiers état sont associés, par centaines, des brochures et pamphlets proposant des réformes de l'État monarchique ; Louis XVI a en effet appelé toutes les « lumières « du royaume à proposer leurs solutions pour résorber le déficit budgétaire. Enfin, ces cahiers — pratiquement tous conservés à la différence des cahiers de 1614 — constituent pour les historiens une extraordinaire source pour la connaissance des institutions et des pratiques de l'Ancien Régime.

3.2   Qui sont les rédacteurs des cahiers ?

Nombre de cahiers de doléances sont en fait la copie de modèles rédigés par des spécialistes, comme Thouret pour la Normandie ; dans le bailliage de Nancy, 11 modèles ont été identifiés, qu'utilisent deux tiers des paroisses du bailliage. Il ne s’agit pas néanmoins d’une copie pure et simple ; la plupart du temps, le « modèle « et ses considérations générales sur les réformes de l'État est suivi par les revendications locales les plus prosaïques — donc les plus intéressantes pour la connaissance de la période. Par ailleurs, ces cahiers sont souvent, et pour cause, rédigés par ceux qui savent lire et écrire, c'est-à-dire qu'ils émanent des « coqs de village «, des laboureurs, des notaires ; ils portent rarement la marque directe du langage et de la colère du peuple misérable. Ils en transmettent cependant, avec une évidente clarté, le message.

3.3   Quelles sont les grandes revendications ?
3.3.1   Dans les cahiers du tiers état

Les cahiers du tiers état manifestent unanimement un profond attachement au roi et dénoncent les dérives de son administration, les mauvais conseillers ou l'oubli des coutumes. Les cahiers des métiers sont très amers vis-à-vis des dérives libérales, génératrices de chômage et de mauvaises productions. Les cahiers des paroisses rurales dénoncent avec une rare intensité les abus de la féodalité — l’historien Jules Michelet rappelle au xixe siècle ceux de l'Orléanais où, dans telle paroisse, les villageois sont obligés la nuit de battre les étangs pour empêcher les grenouilles de coasser, car cela dérange la châtelaine locale. Au-delà de l'anecdote, ces cahiers révèlent l'ampleur de la « réaction féodale « de la fin du XVIIIe siècle et l'amertume des paysans qui, dans la prospérité du siècle des Lumières, ont pensé pouvoir oublier ces abus d'un autre âge.

Autre accusée, l'administration fiscale ; le système de l'affermage des impôts donne en effet aux collecteurs d'impôts une latitude importante dans les rythmes et les modalités du recouvrement des taxes et des prélèvements directs. Les officiers et les sergents, les gabelous et les percepteurs font ainsi l'objet de récriminations puissantes. Vis-à-vis de l'impôt comme vis-à-vis de la féodalité, les cahiers des paroisses font sans cesse référence aux anciennes coutumes et aux « bons rois « Louis XII et Henri IV qui ont su baisser les impôts dans un temps de paix. Les cahiers des paroisses et les cahiers des corporations sont des cahiers infiniment réactionnaires et passéistes.

Les cahiers de bailliage traduisent beaucoup mieux les revendications des élites éclairées du royaume. Ils proposent en général une réforme fiscale, l'abolition des privilèges, une réforme des institutions inspirée de l'Angleterre avec la mise en place d'une Constitution et le passage à une économie libérale telle que la prônent les physiocrates et, en Angleterre, Adam Smith et ses émules. Ces cahiers de bailliages constituent la base des revendications du tiers état lors des premières séances des États généraux.

3.3.2   Dans les cahiers des ordres privilégiés

Les cahiers des ordres privilégiés présentent des revendications ambiguës. Ainsi, la noblesse demande-t-elle fréquemment une Constitution et la liberté de la presse ; elle reconnaît la nécessité d'une certaine égalité fiscale et politique ; mais, en ce qui concerne les privilèges honorifiques et les hiérarchies sociales, elle y reste indéfectiblement attachée.

Pour sa part, le clergé souhaite massivement (haut et bas clergés confondus) que le catholicisme demeure religion d'État ; à la différence du tiers état, la majorité des cahiers du clergé est favorable au maintien du vote par ordre lors des États généraux. Les cahiers du clergé expriment souvent les tensions internes à l'ordre, en particulier sur la question de la fiscalité et sur celle de la rémunération des curés de paroisse, réduite à la portion congrue, qui laisse beaucoup d'entre eux dans une situation proche de la misère.

3.4   Une remise en cause de l’absolutisme ?

Ainsi, à leur façon, les cahiers des trois ordres énoncent une critique globale du système absolutiste. Marqués par l'esprit libéral des Lumières ou imprégnés par la référence aux coutumes et le mythe des âges d'or, ils témoignent d'une société en profond désarroi. Plus encore peut-être que par leur résultat final, les cahiers sont, par les assemblées qui permettent leur rédaction, la première occasion pour tout un peuple de prendre conscience des incohérences de l'Ancien Régime.

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