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Duby, le Dimanche de Bouvines (extrait)

Publié le 13/04/2013

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Dès les premières lignes de l’ouvrage de Georges Duby, le Dimanche de Bouvines, publié en 1973, le lecteur est saisi par l’effet de réel qui s’en dégage. Après l’histoire « totale « des Annales, ce chef de file de la Nouvelle Histoire réhabilite le récit et l’événement. Ainsi le récit de l’« événement mémorable « que constitue la bataille de Bouvines, remportée par l’armée française menée par Philippe II Auguste contre une coalition de puissances européennes, le 27 juillet 1214, permet à Georges Duby d’élaborer, avec un art subtil du discours historique et de la mise en scène, un essai d’histoire sociale et mentale.

Le Dimanche de Bouvines de Georges Duby

 

L’année 1214, le 27 juillet tombait un dimanche. Le dimanche est le jour du Seigneur. On le lui doit tout entier. J’ai connu des paysans qui tremblaient encore un peu lorsque le mauvais temps les forçait à moissonner un dimanche : ils sentaient sur eux la colère du ciel. Les paroissiens du xiiie siècle la sentaient beaucoup plus menaçante. Et le prêtre de leur église ne prohibait pas seulement, ce jour-là, le travail manuel. Il essayait de les convaincre de purifier tout à fait le temps dominical, de le garder des trois souillures, celles de l’argent, du sexe et du sang répandu. C’est pourquoi, en ce temps, nul ne maniait volontiers les deniers le dimanche. C’est pourquoi les maris, le dimanche, évitaient, s’ils étaient pieux, d’approcher de trop près leur femme, et les hommes d’armes, s’ils étaient pieux, de tirer l’épée. Or, le dimanche 27 juillet 1214, des milliers de guerriers transgressèrent l’interdit. Ils se battirent, et furieusement, près du pont de Bouvines, en Flandre. Des rois les conduisaient, celui d’Allemagne et celui de France. Chargés par Dieu de maintenir l’ordre du monde, sacrés par les évêques, à demi prêtres eux-mêmes, ils auraient dû mieux que personne respecter les prescriptions de l’Église. Ils osèrent pourtant s’affronter ce jour-là, appeler aux armes leurs compagnons, engager un combat. Non point une simple escarmouche, mais une bataille, une vraie. C’était, de surcroît, la première bataille qu’un roi de France se risquait à livrer depuis plus d’un siècle. Enfin, la victoire que Dieu donna à ceux qu’il aimait fut éclatante, plus que toutes celles dont on pouvait se souvenir. Un triomphe digne de César ou de l’empereur Charles des chansons. Pour toutes ces raisons, les champs à moitié moissonnés de Bouvines furent ce jour-là le lieu d’un événement mémorable. […]

 

 

Source : Duby (Georges), le Dimanche de Bouvines, Paris, Gallimard, 1973.

 

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