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Etude de « la fessée », dans Les Confessions de Rousseau

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

 

 

   * Problématique : en quoi cet extrait dévoile-t-il les difficultés engendrées par l’ aveu (dans le cadre de l’écriture autobiographique) ?

Axes de lecture :

   I. La difficulté d’un aveu embarrassant

 

   1. .les périphrases

Question : comment Rousseau nomme-t-il cette fessée ? (3 ou 4 minutes)

Périphrases qui sont des euphémismes : 

1er paragraphe : « un exemple aussi commun que funeste «

2ème paragraphe : « la punition des enfants «, « un châtiment « (3 fois), le « même traitement «, « la correction «

3ème paragraphe : cette « récidive «, « châtiment «

4ème paragraphe : « châtiment d’enfant «

Question : Selon vous, pourquoi  Rousseau n’emploie-t-il pas le terme de « fessée « ?(pas de temps de recherche pour les élèves)

Le terme de « fessée « n’apparaît jamais, témoignant de la honte de Rousseau face à cet épisode de son enfance

   2.  Les ellipses

 

 Question : Quelles phases de la punition sont évacuées du récit de Rousseau ? (3 minutes)

   * Pourquoi a-t-il été puni ?

   * Comment la fessée s’est-elle déroulée ?

Disparition du cadre dans lequel la punition a été administrée : « cette menace d’un châtiment tout nouveau pour moi me semblait très effrayante ; mais après l’exécution, je la trouvais moins terrible « (2éme paragraphe) : on passe directement de l’avant-fessée à l’après fessée.

   3. Quasi-absence du corps dans un extrait décrivant l’éveil des sens

Question : Comment Rousseau, dans cet extrait, décrit-il les corps ? (3minutes)

Absence de description du corps de Rousseau, ou évocation masquée : « Mlle Lambercier, s’étant sans doute aperçue à quelque signe que ce sentiment n’allait pas à son but « (chapitre 3)

 Limitation de la description de Mlle Lambercier à sa main : « la même main « (paragraphe 2), « reçu à 8 ans par la main d’une fille de 30 « (4ème paragraphe)

   4. Multiplication des conjonctions :

   * Adversatif « mais « (4 fois)

   * Coordonnants « et « (12 fois)

Question : Quel effet cela donne-t-il à la lecture ? (réponse directe attendue)

   * Ralentissement du rythme pour retarder l’aveu : ces conjonctions se multiplient au paroxysme de l’extrait, lors du récit de la dernière fessée reçue de la main de madame Lambercier, trahissant l’émotion de Rousseau et son trouble.

   * 

   5. Le refus de toute responsabilité

« cette récidive… arriva sans qu’il y eût de ma faute, c'est-à-dire de ma volonté «(paragraphe 3)

« Il fallait même toute la vérité de cette affection et toute ma douceur naturelle pour m’empêcher de chercher le retour du même traitement en le méritant «/ « si je m’abstenais de mériter la correction, c’était uniquement de peur de fâcher Mlle Lambercier « (paragraphe 2)

Emploi du passif pour affirmer son impuissance face à son approche de la sexualité orientée par cet épisode de son enfance : « mes sens furent allumés « (sous entendu par Mlle Lambercier)

Conclusion partielle : On comprend par ces procédés la difficulté d’un aveu annoncé par Rousseau au début de l’extrait (1er paragraphe : « il est embarrassant de s’expliquer mieux, mais cependant il le faut «). Mais d’où vient cette honte ? 

 

   II. L’expression des sens 

 

   1. Le masochisme

« ce châtiment m’affectionna davantage encore à celle qui me l’avait imposé « (2ème paragraphe)

« j’avais trouvé dans la douleur, dans la honte même, un mélange de sensualité qui m’avait laissé plus de désir que de crainte « (2ème paragraphe)

« si je m’abstenais de mériter la correction, c’était uniquement de peur de fâcher Mlle Lambercier « (paragraphe 2 ) : donc cela sous-entend qu’il a aimé ça !

« j’en profitai « (paragraphe 3)

   2.  Vocabulaire sensuel

Question : Repérez les termes relevant du champ lexical du désir

Paragraphe 2 : la fessée est pour Rousseau «  un mélange de sensualité qui m’a laissé plus de désir que de crainte «

Paragraphe 4 : « mes désirs « (2 fois)/ « sens allumés «/ «un sang brûlant de sensualité «

« avec un sang brûlant de sensualité presque dès ma naissance « (paragraphe 4) : Rousseau reconnaît sa prédisposition à la sensualité..

   3.  Les sens masqués

Pourtant, Rousseau déforme et tait certains éléments du récit :

« Melle Lambercier, s’étant sans doute aperçue à quelque signe que ce châtiment n’allait pas à son but, déclara qu’elle y renonçait « (paragraphe 3) : ce « signe « est la marque visible du plaisir que le jeune Jean Jacques éprouve face à la punition.

Rousseau affirme que la fessée est reçue « à huit ans par la main d’une fille de trente « (paragraphe 4), or Rousseau avait en fait 11 ans et Mlle Lambercier 40 : travestissement de la réalité pour se justifier. Mais notons cependant que la figure maternelle de vient pour Rousseau une femme (donc génératrice de désir).

Question de l’authenticité soulevée par Renoir : mauvaise foi ? honte ? souvenir flou ? : ici, c’est la honte et la peur d’être jugé qui poussent Rousseau à édulcorer son souvenir.

   III. Nécessité de l’aveu

1ère phrase de l’extrait : « Il est embarrassant de s’expliquer mieux, mais cependant il le faut «

Question :  Quelle nécessité a pu pousser Rousseau à faire cet aveu gênant alors que ses Confessions ont pour objectif de le réhabiliter aux yeux du monde ?

   1.  Critique de l’éducation

« Qu’on changerait de méthode avec la jeunesse, si l’on voyait mieux les effets éloignés de celle qu’on emploie toujours indistinctement et souvent indiscrètement ! La grande leçon qu’on peut tirer d’un exemple aussi commun que funeste me fait résoudre à le donner « (paragraphe 1)

La fessée n’atteint pas son objectif : elle « a décidé de mes goûts… dans le sens contraire à ce qui devait s’ensuivre naturellement « (parag 4)

Ici, Rousseau critique la fessée qui peut éveiller les sens de l’enfant et le pousser vers le vice. Son aveu, quoique difficile, sert d’illustration à l’idée qu’il se fait de l’éducation. L’exemple donne plus de poids aux méthodes d’éducation que prône l’Emile :( idée+exemple)

   2. Le risque d’une obsession durable

« tourmenté longtemps sans savoir de quoi, je dévorais d’un œil ardent les belles personnes «(paragraphe 4)

« mon imagination me les rappelait sans cesse, uniquement pour les mettre en œuvre ma mode, et en faire autant de demoiselles Lambercier « (par 4)

« qui croirait que ce châtiment… a décidé de mes goûts, de mes désirs, de mes passions, de moi pour le reste de ma vie ? « (paragraphe 4 )

   3. Du petit garçon au jeune homme : un souvenir douloureux pour Rousseau

Juste avant cet extrait, enfance paradisiaque à Bossey, en pension chez les Lambercier. Dans l’extrait, rupture avec ce bonheur complet encore présent dans le 2ème paragraphe : « l’affection d’une mère «/ punition « quand nous l’avions méritée « : impression de justice chez les Lambercier.

Mais la fessée rompt cette sérénité, avec un sentiment d’injustice pour Rousseau.« nous avions jusque là couché dans sa chambre, et même en hiver quelquefois dans son lit. Deux jours après on nous fit coucher dans une autre chambre, et j’eus désormais l’honneur, dont je me serais bien passé, d’être traîté par elle en grand garçon « (paragraphe 3)

Ce qui aurait dû être un honneur, passer de la petite enfance à l’âge de raison, voire plus, semble être une punition autrement plus désagréable qu’une fessée pour Rousseau…

Pour Rousseau, la punition est plutôt ce qui découle de la fessée (changement de comportement à son égard) plus que la fessée en elle-même.

Conclusion : L’épisode de la fessée reçue par Rousseau durant son enfance présente plusieurs avantages :

   * Annoncer l’épisode du ruban volé (livre 2, résume l’épisode !) : la fessée est la première manifestation d’une culpabilité durable, le ruban sera la seconde.

   * Se servir de l’aveu honteux pour affirmer sa bonne foi : qui dévoile ses fantasmes les plus honteux ne peut qu’être honnête. D’ailleurs, quelques pages plus loin : « Ce n’est pas ce qui est criminel qui coûte le plus à dire, c’est ce qui est ridicule et honteux … après ce que je viens d’oser dire, rien ne peut plus m’arrêter «

   * Rousseau peut affirmer à nouveau son point de vue sur la façon d’éduquer les enfants, comme dans son Emile.

 

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