Indétermination et détermination dans la liberté concrète.

Le particulier que la volonté veut est une limitation, car la volonté doit se limiter pour être volonté. Le fait que la volonté veuille quelque chose est la limite, la négation. La particularisation est ce qu'on nomme ordinairement la finitude. D'habitude la réflexion considère le premier moment, l'indéterminé, comme l'absolu et le supérieur, — et la limite, comme une simple négation de cette indétermination. Mais cette indétermination elle-même n'est qu'une négation vis-à-vis du déterminé, de la finitude : le « Je » est solitude et négation absolue. La volonté indéterminée est donc aussi unilatérale que celle qui reste seulement dans hi détermination. Ce que nous nommons « volonté » proprement dite contient les deux moments susmentionnés. On obtient ainsi le concept concret de la liberté, alors que les deux autres moments sont abstraits et unilatéraux. Cette liberté, nous l'avons déjà dans le sentiment, par exemple dans l'amitié et dans l'amour. Ici on n'est pas étroitement en soi-même. Mais on se limite volontiers par rapport à un autre, tout en sachant que dans cette limitation on est soi-même.... La liberté n'est donc ni dans l'indétermination ni dans la détermination, elle est les deux. La volonté qui se limite simplement à un quelque chose est celle de l'entêté qui croit n'être pas libre s'il n'a pas cette volonté particulière. Mais la volonté n'est pas enchaînée à une limitation; elle doit aller plus loin. Sa nature n'est pas cette étroitesse et cet enchaînement; la liberté est de vouloir quelque chose de déterminé, mais de rester en soi-même dans cette détermination, et de revenir dans l'universel. Une volonté qui ne se décide pas n'est pas une volonté actuelle; l'homme sans caractère n'arrive pas à se décider. Le fondement de l'hésitation peut résider dans la tendresse d'une âme qui sait que la détermination l'engage dans la finitude, lui confère une limite et la pousse hors de l'infinitude; or, elle ne veut pas renoncer à la totalité qu'elle a en vue. Une telle âme est morte, même si elle veut être belle. Celui qui veut de grandes choses, dit Goethe, doit savoir se limiter. C'est seulement par la résolution que l'homme entre dans l'actualité, si désagréable cela soit-il; tandis que l'inertie ne cesse de couver en soi et de se réserver toutes les possibilités. Mais possibilité n'est pas encore actualité. La volonté sûre d'elle-même ne se perd pas dans la détermination. W. F. HEGEL.