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Inquisition

Publié le 07/02/2013

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1   PRÉSENTATION

Inquisition, institution judiciaire créée au Moyen Âge par la papauté, afin de rechercher, juger et condamner les individus soupçonnés d’hérésie (c’est-à-dire de toute croyance s’écartant du dogme officiel de l’Église).

Du latin inquisitio (« enquête «, « recherche «), l’Inquisition est une institution judiciaire relevant du droit canonique, dont la particularité est de conférer au juge (inquisiteur ou assimilé) l’initiative de la poursuite d’un individu ; elle ne nécessite donc aucune accusation ou dénonciation préalable, contrairement aux tribunaux classiques (laïques et religieux).

2   L’INQUISITION MÉDIÉVALE
2.1   Origines

Les premières procédures inquisitoriales de l’Église médiévale sont utilisées pour des affaires internes au clergé, telle la pratique de la simonie (commerce des charges ecclésiastiques). Puis, au xiie siècle, avec la crainte générée par la résurgence des croyances hérétiques — en particulier de celle des albigeois, hérésie cathare du sud de la France —, la pratique du jugement inquisitorial est étendue au monde séculier. La lutte contre les hérésies prend alors deux formes : le combat physique, sur le champ de bataille, comme l’illustre la croisade des albigeois, et le combat spirituel, au cœur des tribunaux inquisitoriaux. De surcroît, progressivement, le champ définitionnel de l’hérésie s’étend aux schismatiques, aux convertis relaps (juifs et musulmans convertis qui continuent de pratiquer secrètement leur ancienne religion) et à d’autres groupes ou individus tels les dissidents fraticelles, les sorcières et les devins.

Au début du xiiie siècle, le pape Innocent III entame la codification de la procédure inquisitoriale contre les hérétiques albigeois (bulle Vergentis in senium, 1199 ; décret Licet Heli, 1213). Elle est complétée et étendue par certains décrets du concile de Latran IV (1215).

2.2   La lutte contre les hérésies

L’Inquisition proprement dite se déploie à partir de 1231, lorsque le pape Grégoire IX publie la constitution Excommunicamus, qui inaugure la fonction de l’inquisiteur (sous juridiction spécifique de la papauté), lequel se joint désormais à l’évêque dans la surveillance de l’orthodoxie des fidèles, et institue des punitions sévères aux individus reconnus coupables d’hérésie. La plupart des inquisiteurs sont choisis parmi les dominicains et les franciscains, en raison de leur solide formation théologique et de leur vocation de prêche.

Si certains princes d’Europe occultent cette nouvelle autorité religieuse et préfèrent lutter personnellement contre les hérésies (cas de l’Angleterre, de la plupart des couronnes de la péninsule Ibérique et de la Scandinavie), d’autres (comme en Aragon, en France, dans certaines régions du Saint Empire et aux Pays-Bas) appuient le travail de l’Inquisition en leurs terres.

Cependant, les dérives des premiers inquisiteurs illustrent le manque de contrôle des débuts de l’Inquisition. En témoignent les exactions menées par Conrad de Marbourg en Rhénanie et celles de Robert le Bougre en Bourgogne ; ce dernier écume les campagnes dans les années 1250, et condamne 21 personnes au bûcher ; suspendu par le pape Grégoire IX pour ses excès de violence, il est ensuite condamné à la prison. Les inquisiteurs de la deuxième génération — tels Pierre de Vérone, inquisiteur à Milan, et Bernard Gui à Toulouse (auteur du Manuel de l’inquisiteur, le premier du genre) — sont plus modérés, et donnent à l’Inquisition son cadre et son efficacité.

2.3   Le fonctionnement du tribunal inquisitorial

Chaque tribunal est constitué de deux inquisiteurs aux pouvoirs identiques, conférés directement par le pape ; ils sont aidés par des assistants, des notaires et des représentants de la police. Personnages extrêmement puissants (capables d’excommunier un prince), les inquisiteurs ont toutefois la réputation d’être justes et cléments — exception faite des premiers inquisiteurs aux dérives abusives.

Pendant quelques semaines ou quelques mois, les inquisiteurs s’installent dans une localité. Ils ordonnent que tous les coupables d’hérésie se présentent de leur plein gré (procédure d’enquête générale), mais peuvent également poursuivre eux-mêmes toute personne suspecte (par citation individuelle). Des punitions moins sévères sont infligées aux personnes qui se présentent volontairement, dans les délais impartis, et confessent leur hérésie, tandis que celles qui doivent être recherchées pour être jugées ou refusent de comparaître sont directement excommuniées. Un délai d’environ un mois est accordé pour des aveux spontanés, avant qu’un procès ne s’engage.

Lorsque les inquisiteurs décident de juger un individu suspecté d’hérésie, le prêtre du suspect lui porte sa convocation. La police inquisitoriale va ensuite chercher les personnes qui refusent d’obéir à une convocation (le droit d’asile ne s’applique pas aux hérétiques). Les accusés reçoivent un état des charges relevées contre eux. Jusqu’à ce que le pape Boniface VIII abroge cette disposition, les noms des accusateurs ne sont pas communiqués aux accusés ; ces derniers peuvent par ailleurs établir une liste de leurs « ennemis « personnels, qui sont ensuite récusés comme témoins. Les accusés doivent en outre répondre à ces accusations après avoir prêté serment. En règle générale, deux témoignages sont considérés comme une preuve de culpabilité.

Les inquisiteurs peuvent faire emprisonner les suspects accusés de mensonge. En 1252, par la bulle Ad extirpendam, le pape Innocent IV légalise le recours à la torture pour obtenir les aveux des suspects, procédure jusqu’alors étrangère à la tradition du droit canon.

À la fin la procédure inquisitoriale, les peines et les condamnations de ceux passés aux aveux ou jugés coupables sont annoncées lors d’une cérémonie publique ; c’est le sermo generalis ou autodafé. La peine peut être diverse : pèlerinage, flagellation publique, amende ou port de la croix. Dans les cas les plus graves, elle peut s’étendre à la confiscation des biens et à l’emprisonnement à vie. Enfin, l’Église se refusant à appliquer elle-même le châtiment suprême (la peine capitale), les inquisiteurs peuvent en demander l’exécution et remettre le coupable au roi ou au seigneur, bras séculier chargé de prononcer la sentence de mort et de l’exécuter. La peine du feu (le bûcher) est exceptionnelle, et s’applique à l’accusé qui refuse d’avouer (le relaps ou l’obstiné).

3   L’INQUISITION ESPAGNOLE
3.1   Un redoutable instrument d’État…

L’Inquisition espagnole est instituée en 1478 à l’initiative des Rois Catholiques Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille, qui ont reçu du pape Sixte IV le pouvoir de nommer personnellement trois inquisiteurs sur leurs terres. Initialement, l’Inquisition espagnole doit se consacrer exclusivement à la question des marranes (juifs convertis soupçonnés de relaps). Toutefois, dès 1502 — la Reconquista chrétienne de la péninsule venant de s’achever (1492) —, elle prend en charge le procès des morisques (musulmans convertis soupçonnés de relaps) puis, à partir de 1520, elle intègre à ses compétences l’instruction des individus suspectés de protestantisme.

De surcroît, quelques années après la création de l’Inquisition, la papauté en confie le contrôle total aux souverains. Et en 1483, le Conseil de l’Inquisition suprême et général (tribunal connu sous le nom de Suprema) est créé, unique institution d’Espagne (non encore unifiée) ayant alors compétence sur toute la péninsule. Ainsi, l’Inquisition espagnole devient-elle plus un instrument de l’État que celui de l’Église, bien qu’elle demeure dirigée par des dominicains.

Les procédures de la Suprema sont semblables à son équivalent médiéval. Devenue le symbole de la cruauté et de l’obscurantisme, l’Inquisition espagnole établit plus de 100 000 accusations en dix-sept ans d’activité sous la seule tutelle de Tomás de Torquemada (le plus célèbre des Grands Inquisiteurs), dont 2 000 condamnations à mort. Néanmoins, grâce à son organisation rigoureuse et au soutien que lui accordent les monarques espagnols, en particulier Philippe II, elle a un impact inégalé sur la religion, la politique et la culture de l’Espagne.

3.2   … qui fait école

Dans les colonies espagnoles du Mexique et du Pérou, le Grand Inquisiteur et son tribunal ont autorité sur les tribunaux locaux, qui ont plus affaire à la sorcellerie qu’à l’hérésie. En 1517, les Espagnols installent l’Inquisition en Sicile (mais échouent à Naples et à Milan). En 1522, elle est établit aux Pays-Bas espagnols par Charles Quint, mais ne parvient pas à y juguler le protestantisme. Par ailleurs, dans de nombreux pays protestants, il existe des institutions similaires dans la répression à l’Inquisition espagnole, tel le consistoire de Genève à l’époque de Jean Calvin. Suspendue durant la période napoléonienne (1808-1814), l’Inquisition espagnole est définitivement supprimée en 1834.

Les Portugais instaurent également l’Inquisition en 1531, à l’initiative du roi Jean III le Pieux ; suspendue à plusieurs reprises à ses débuts, elle est définitivement établie en 1547. Indépendante comme en Espagne, mais plus terrible encore que sa consœur, l’Inquisition portugaise est active jusqu’en 1788, et officiellement abolie en 1822.

4   L’INQUISITION ROMAINE
4.1   Un organe de surveillance des esprits

En 1542, inquiet de la pénétration du protestantisme (luthérien) en Italie, le pape Paul III se laisse convaincre par le cardinal Carafa et institue l’Inquisition à Rome par le biais de la constitution Licet ab initio. L’Inquisition romaine est appelée « Sacrée Congrégation de l’Inquisition romaine et universelle «. Six cardinaux, dont Carafa, forment la commission originelle, dont les pouvoirs s’étendent à toute l’Église romaine. Plus libre du contrôle épiscopal que l’institution médiévale dont elle est issue, l’Inquisition romaine conçoit aussi sa fonction de manière différente. Alors que l’Inquisition médiévale se concentrait sur des croyances populaires génératrices de troubles de l’ordre public, l’Inquisition romaine veille à l’orthodoxie doctrinale telle qu’elle est définie dans les écrits des théologiens et des hommes d’Église.

Au cours de ses douze premières années d’existence, les activités de l’Inquisition romaine sont relativement limitées, presque exclusivement consacrées à l’Italie. Lorsque, en 1555, le cardinal Carafa est élu pape (sous le nom de Paul IV), il ordonne qu’on poursuive avec détermination tous les suspects, n’épargnant ni les évêques ni les cardinaux (comme le prélat anglais Reginald Pole). Aussi charge-t-il la congrégation de dresser une liste des livres qui portent atteinte à la foi ou à la morale ; en 1557, il fait publier le premier Index (Index librorum prohibitorum, catalogue des livres prohibés par l’Église). Tout en cherchant à freiner le zèle de l’Inquisition romaine, qui juge et condamne Galilée en 1633, les papes suivants ont tendance à considérer cette institution comme un instrument ordinaire permettant de veiller à l’ordre dans l’Église et à l’orthodoxie doctrinale.

4.2   Les réformes récentes

En 1908, le titre de l’institution est changé pour celui de « Sacrée Congrégation du Saint-Office «. Au lendemain du concile Vatican II, le pape Paul VI réorganise le Saint-Office (suppression de l’Index en 1965) et le rebaptise « Congrégation pour la doctrine de la foi « (1967). Aujourd’hui, « la tâche propre de la Congrégation pour la doctrine de la foi est de promouvoir et de protéger la doctrine et les mœurs conformes à la foi dans tout le monde catholique : tout ce qui, de quelque manière, concerne ce domaine relève donc de sa compétence « (article 48, Constitution apostolique de 1988).

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