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Israéliens et Palestiniens redéfinissent le calendrier d'application des accords de Wye River

Publié le 17/01/2022

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4 septembre 1999 La logique politique commandait un accord et, de fait, les signes d'une signature imminente ne manquaient pas. Mais, jouant le chaud et le froid, comme souvent dans ce processus rarement paisible, Israéliens et Palestiniens, vendredi 3 septembre, se sont consciencieusement et alternativement appliqués à démentir ce que, quelques heures plus tôt, ils affirmaient avec aplomb. Vendredi soir, finalement, à l'issue d'une rencontre entre Yasser Arafat et Madeleine Albright, Nabil Chaath, proche collaborateur du président de l'Autorité palestinienne, déclarait que Palestiniens et Israéliens avaient fait affaire : l'accord de Wye River, signé une première fois en octobre 1998 avec Benyamin Nétanyahou, mais très partiellement appliqué par la partie israélienne, venait d'être à nouveau scellé avec son successeur Ehoud Barak. Au terme de six semaines de négociations souvent tendues, ce dernier est parvenu à y faire rajouter quelques codicilles inédits. La signature formelle de cette nouvelle mouture devait avoir lieu samedi 4 septembre, en début de soirée, à Charm el Cheikh, station balnéaire située en Egypte, à la pointe sud du Sinaï. Continuité territoriale Durant toute la journée de vendredi, volte-face et soudaines manifestations de prudence avaient succédé aux déclarations affirmant que les choses étaient bien engagées ; Yasser Arafat, qui, quittant Alexandrie dans l'après-midi, assurait que tout était réglé, se rétractait dès son arrivée à Gaza, quelques heures plus tard, déclarant que de "nombreuses difficultés" restaient à surmonter. Ballottés d'Alexandrie, où la cérémonie de la signature devait originellement se tenir le 2 septembre, au Caire, puis du Caire à Charm el Cheikh, journalistes et observateurs étrangers commençaient à douter de l'issue. En début de soirée, à Jérusalem, les Israéliens, jusque-là plutôt sereins, évoquaient même un possible échec bien qu'une équipe de leurs services de sécurité ait rejoint l'Egypte pour préparer l'éventuelle arrivée d'Ehoud Barak. Sous réserve d'un inventaire plus précis - le contenu du texte ne devait être rendu public que dans la soirée de samedi -, l'accord de Charm el Cheikh rapporterait à M. Arafat 11 % de territoires palestiniens supplémentaires, jusque- là occupés par Israël. Selon différentes sources, les négociateurs seraient tombés d'accord sur un retrait en trois phases : un premier dès le début de la semaine prochaine, un second en octobre et le dernier le 20 janvier 2000 au plus tard. Au terme de ces trois mouvements, l'Autorité palestinienne contrôlerait 42 % de la Cisjordanie d'avant 1967, Jérusalem-Est exceptée. La surface des territoires ainsi rétrocédés est identique à celle qu'avait acceptée M. Nétanyahou, qui n'en avait cependant restitué que 2 %. Dans l'ancienne version de l'accord de Wye River, deux autres pour cent n'étaient rendus que pour constituer une "réserve naturelle", artifice interdisant aux Palestiniens de s'y installer ; ils sont, cette fois, devenus un territoire ordinaire. Enfin, les portions de territoires qui seront rendues sont contiguës, assurant à l'Autorité palestinienne une meilleure continuité territoriale. Un compromis a également été trouvé sur la question des prisonniers, l'un des points les plus sensibles de la négociation. En octobre 1998, M. Nétanyahou s'était engagé à élargir 750 d'entre eux. Ils n'en libéra que 250, dont 150 prisonniers de droit commun. Depuis, les Palestiniens ont dressé la liste, estimée à 400, des détenus qu'ils considèrent être des prisonniers politiques, détenus pour leurs idées ou des actes de violence politique commis avant les accords d'Oslo de 1993. M. Barak n'acceptait d'en libérer que 350, estimant ne pas pouvoir assumer, devant son opinion publique, la libération d'une cinquantaine d'autres "ayant du sang sur les mains", c'est-à-dire impliqués dans de graves attentats. L'arrangement convenu permettra la libération de 200 prisonniers dès la signature de l'accord ; 150 autres seront libérés dix jours plus tard ; enfin un nombre indéterminé d'autres prisonniers bénéficieront d'une grâce spéciale à l'occasion du Ramadan, en décembre. Un comité du suivi examinera ensuite au cas par cas la situation des prisonniers restants. Avec la promesse d'être autorisés à lancer, dès octobre, la construction du port de Gaza et celle de pouvoir emprunter très rapidement des passages protégés leur permettant de circuler plus librement entre Gaza et les territoires de Cisjordanie sous juridiction de l'Autorité palestinienne, les Palestiniens auraient également obtenu les assurances européennes et américaines que l'accord de Wye River remanié serait cette fois respecté. Peu désireux de se retrouver seul face à M. Barak, Yasser Arafat leur a demandé de se réinvestir dans le processus de paix et de garantir l'application de l'accord qu'il s'apprête à signer. Cette demande, qui ne plaît guère au premier ministre d'Israël qui s'y est, apparemment en vain, résolument opposé, a été à l'origine des difficultés de ces derniers jours autant, sinon plus, que la question des prisonniers. M. Barak, cependant, est loin de repartir les mains vides. Son principal objectif, qui était d'en terminer avec les accords intérimaires et d'entamer une fois pour toutes les discussions finales, serait même atteint, puisque les Palestiniens auraient accepté la perspective d'un accord-cadre qui devrait être conclu le 15 février 2000. Phase finale de la négociation Dans quelques jours, les deux parties commenceraient donc de nouvelles négociations sur les sujets restés pendants : les frontières du futur Etat palestinien, les colonies israéliennes, le statut de Jérusalem et le sort des réfugiés. Le but ne serait pas de régler immédiatement ces problèmes, mais de se mettre d'accord sur les principes qui régiraient la négociation finale où ils seraient traités. M. Barak, qui n'a jamais caché son scepticisme pour la méthode mise au point à Oslo, à ses yeux à la fois trop vague sur les moyens et trop contraignante dans le temps, espère ainsi bénéficier d'un autre cadre de référence, plus contraignant sur les objectifs, mais non limité dans la durée. Car s'il est probable que le principe de l'Etat palestinien ne fera pas problème, il en va autrement de la question des réfugiés et, surtout, du statut de Jérusalem, sujets qui paraissent aujourd'hui quasi impossibles à régler tant les divergences sont profondes. En remplaçant l'accord d'Oslo par le nouvel accord-cadre qui reste à négocier, M. Barak ouvre la voie à un scénario dont la probabilité a singulièrement augmenté au cours des derniers mois : régler ce qui peut l'être et "geler" le reste, jusqu'à ce qu'une autre situation en permette le règlement. Peut- être. GEORGES MARION Le Monde du 6 septembre 1999

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