Devoir de Philosophie

LA COSMOGONIE D'HÉSIODE

Publié le 30/03/2011

Extrait du document

       Sur ce thème, Hésiode est évidemment incontournable ! Pour la Théogonie, on peut utiliser la traduction d'Annie Bonnafé (collection Rivages Poche), qui est plus moderne et plus « amusante « que celle de Paul Mazon dans la CUF, et qui présente des choix de traduction intéressants, même s'ils sont parfois discutables.  Les textes d'Hésiode figurent parmi les plus anciens textes conservés ; ils ne sont guère moins anciens qu'Homère. Les deux œuvres d'Hésiode les plus connues sont Les Travaux et les Jours et la Théogonie. Le sujet de la Théogonie est indiqué en partie par le titre : il s'agit de la « Naissance des dieux «, mais aussi de la « Généalogie des dieux « et encore de la « Genèse des dieux « en même temps que de la « Genèse du Monde «, ces deux « Genèses « étant étroitement liées.  Dans le long prologue de la Théogonie, Hésiode raconte de quelle manière il a eu connaissance des faits qu'il va raconter : ce sont les Muses qui les lui ont enseignés, alors qu'il gardait son troupeau : avec l'autorisation de Zeus, elles lui racontent la naissance des dieux. Le récit des Muses commence au vers 116. Le récit se fait dans un ordre chronologique. Il débute par une « cosmogonie «, mythe de la naissance du monde, mais aussi récit de conflits de « successions «.    Analyse du texte d'Hésiode    [ Note : Dans la traduction (photocopie), les mots en italiques ne figurent pas dans le texte d'Hésiode : ce sont des tentatives d'explications des mots grecs par Annie Bonnafé. ]    I    Dans un premier temps, Hésiode présente le surgissement de la triade originelle : Chaos, Gaia, Éros, les trois puissances fondamentales (Gaia est accompagnée du Tartare, mais le vers 119 est peut-être une interpolation).  Ce texte pose un problème : celui du surgissement de Chaos (vers 116). La traductrice écrit « naquit «, mais le texte grec dit simplement « il y eut «. En fait que signifie exactement « γένετ' « (au vers 116) ? Pour répondre à cette question, il faut d'abord s'interroger sur le sens du mot « Χάος «. On rattache ce mot à « χάσκω «, qui signifie « béer, s'ouvrir «. « Χάος « ce n'est ni le Néant, ni le Vide, ni le Non-Être (ce qui serait aristotélicien), ni la Confusion (ce qui serait stoïcien). C'est la faille, la déchirure. Le vers 116 signifie donc : « Au début, il y eut une déchirure «, ce qui fait les délices des psychanalystes ! On pourrait se poser la question : « Qu'y a-t-il eu avant la déchirure ? « On pourrait aussi se demander : « Qu'y a-t-il eu avant le Big Bang ? «  Puis (vers 117) apparaît Gaia (avec ou sans le Tartare, ce qui n'a pas une grande importance). Si « Χάος « est la « déchirure «, « Γαῖα « est définie au contraire comme étant « aux larges flancs «, « à la large poitrine « (« εὐρύστερνος «) et comme « à jamais stable «, horizontale. Le mot « Γαῖα « est féminin : c'est la première image féminine qui commence à organiser l'espace. « Γαῖα «, c'est la mère universelle.  « Ἔρος « (vers 120), lui, est un principe vital, une force primitive. Ici, ce n'est pas l'amour sexué, pas encore. Lui aussi s'oppose à « Χάος «, car il est un principe d'union. « Χάος «, c'est l'expansion, alors que « Ἔρος «, c'est la cohésion.  On pourrait dire que « Χάος « c'est la déchirure de la naissance, l'angoisse, la peur. Le premier signe qui apparaît après cette déchirure, c'est la figure maternelle. Puis Éros, lequel n'a pas de descendance propre alors que Chaos en a une : les figures de la peur.    À partir de l'apparition d'Éros, les dieux ne cessent pas de se reproduire. C'est d'abord (vers 123-125) Chaos qui commence à « produire « (le vers 125 est certainement une interpolation). Les premiers descendants de Chaos sont « Ἔρεβός « (Érèbe) et « Νὺξ « (Nyx, la Nuit), deux figures du Noir, qui traduisent la déchirure et la béance (vers 123). L'Érèbe, c'est l'espace infra-terrestre, encore inférieur au Tartare, la nuit chtonienne. Nyx, c'est la nuit ouranienne. De « Χάος «, naissent la guerre, la souffrance, l'obscurité.  Gaia, c'est la terre plate. L'espace commence à se structurer avec le Noir au-dessus de la terre et le Noir au-dessous. Nuit donne naissance (vers 124) à deux figures de la lumière : « Ἡμέρη « Jour, qui se lève sous la terre, et « Αἰθήρ « (Éther, « Clair-Éclat «). Gaia est au centre, avec un double aspect : Lumière et Noir. (L'importance de la Nuit chez Hésiode est peut-être la trace d'anciennes cosmogonies.)  Après la descendance de Chaos, Hésiode présente celle de Gaia (vers 126-132). D'abord (au vers 127) « Οὐρανὸς «, naît de Gaia par « parthénogenèse « (exactement comme la descendance de Chaos !). Ouranos est exactement semblable à Gaia : il a la même taille, la même forme, il est lui aussi « à jamais stable «, il est lui aussi une « galette «, qui se superpose à une autre galette, Gaia, qui a donc donné naissance à son double mais aussi à son contraire (puisque « Οὐρανὸς « est masculin alors que « Γαῖα « est féminin).  Puis « Οὔρεα « (les Hauts Monts, vers 129, qui vont combler l'espace entre la Terre et « Οὐρανὸς «) et « Πόντος « (Flot-Marin, vers132). Mais tout ceci se fait sans « φιλότης « (vers 132), c'est à dire sans amour sexué.    Au fur et à mesure de ces enfantements, l'espace se construit. Le cadre est en place. Tous ces dieux sont des concepts, plutôt que de vrais personnages. Ici s'arrête la « cosmogonie « proprement dite.    II    Dans un deuxième temps, les enfantements se font désormais par « φιλότης «. Gaia entre dans le lit d'Ouranos.  Ils conçoivent une première série d'enfants : les Titans et Titanides, six garçons et six filles. D'abord naissent les cinq premiers garçons, puis les six filles, puis (au vers 137) « Κρόνος «, le petit dernier, qui est « ὁπλότατος « (vers 137) : cet adjectif signifie certes « bon cadet «, mais aussi « bien armé «. Dans la Théogonie d'Hésiode, c'est toujours le dernier-né qui est « bien armé «.  Puis une deuxième série d'enfants : les Cyclopes (« Yeux Ronds «, au vers 144). Puis une troisième série d'enfants : les « Hécatonchires «, les « innommables « (vers 148), qu'Hésiode va évidemment nommer ! ceux qu'il ne faut pas décrire et que naturellement Hésiode va décrire !  Qu'ont-ils tous en commun ? Ils sont monstrueux. Ce sont des puissances fortement redoutables, fortement reliées à la vigueur de la Terre. Ce sont des forces brutes. Ils sont intermédiaires entre la Terre et le Ciel.  Mais, dans la suite, on apprend que ces « enfants « qui sont nés, en réalité ne sont pas nés ! En fait, ce premier début est un « ratage «. Chaque fois qu'un enfant monstrueux doit naître, Ouranos le cache au « profond de la cachette de la Terre « (vers 158). Ces enfants « portaient le fardeau de la haine de leur « géniteur « (vers 155). La Terre, énorme, en est réduite àp gémir. La reproduction sexuée se passe mal, car le Père ne veut pas de ces enfants. En effet Ouranos est à la foisl e fils et l'époux de Gaia et veut la garder pour lui seul. Ouranos est né pour recouvrir Gaia, pour la « cacher de toutes parts «.  Le petit dernier, « Κρόνος «, reprend les termes même de sa mère (vers 164-166 et 170-172). Ouranos passe son temps à recouvrir la Terre, à faire son travail de géniteur, mais les enfants ne sont pas prévus ! La Création est « mal partie «. « Κρόνος « se met en embuscade dans le vagin de sa mère et châtre son père ! Ouranos, désormais castré, ne va plus s'abattre sur Gaia : il va remonter à sa place, être enfin un séjour stable pour les dieux futurs. Les enfants vont pouvoir naître.  Aphrodite naît du sperme d'Ouranos. Désormais se met en place la une reproduction sexuée.  Conséquences de la castration : Ouranos n'est plus géniteur, il a un rôle spatial ; la génération issue de Cronos est née. Mais la malédiction lancée par Ouranos contre Cronos pour avoir porté la main sur son père va s'abattre de génération en génération. Cronos épouse Rhéa, qui est le « double « de Gaia. Lui aussi refuse de voir naître ses propres enfants. Il ne veut pas être détrôné. Il ne les enfouit pas dans le ventre de leur mère. Il les avale. Pour sauver Zeus, qui est lui aussi le « petit dernier «, Rhéa le cache et donne à Cronos, à la place de Zeus, une pierre enveloppée de langes, que Cronos avale. Zeus, à son tour, va faire la guerre à son père et le reléguer dans les profondeurs du Tartare.  Plus tard, Métis (la ruse féminine) est enceinte et doit donner naissance à un enfant de Zeus. Zeus avale cette fois la mère enceinte, puisque maintenir les enfants dans le ventre de la mère ou les avaler, « ça ne marche pas « ! L'enfant qui naît ainsi de Zeus lui-même sera Athéna, la vierge guerrière, qui, elle, ne détrône pas son père.    Ce texte d'Hésiode présente une énigme : Tout ce qui est arrivé s'est produit par la volonté de Zeus, y compris ce qui se passe avant sa naissance !      Question : Éros n'est-il pas le fils d'Aphrodite ?  Réponse : Pas chez Hésiode. Éros est antérieur à Aphrodite. Il entre par la suite dans le cortège d'Aphrodite. En fait, dans la Théogonie d'Hésiode, Éros n'a pas une fonctionnalité très claire. D'ailleurs, la Théogonie d'Hésiode présente des strates de pensées différentes.

« cohésion.On pourrait dire que « Χάος » c'est la déchirure de la naissance, l'angoisse, la peur.

Le premier signe qui apparaîtaprès cette déchirure, c'est la figure maternelle.

Puis Éros, lequel n'a pas de descendance propre alors que Chaos ena une : les figures de la peur. À partir de l'apparition d'Éros, les dieux ne cessent pas de se reproduire.

C'est d'abord (vers 123-125) Chaos quicommence à « produire » (le vers 125 est certainement une interpolation).

Les premiers descendants de Chaos sont« ρεβ ς » (Érèbe) et « Ν ξ » (Nyx, la Nuit), deux figures du Noir, qui traduisent la déchirure et la béance (vers123).

L'Érèbe, c'est l'espace infra-terrestre, encore inférieur au Tartare, la nuit chtonienne.

Nyx, c'est la nuitouranienne.

De « Χάος », naissent la guerre, la souffrance, l'obscurité.Gaia, c'est la terre plate.

L'espace commence à se structurer avec le Noir au-dessus de la terre et le Noir au-dessous.

Nuit donne naissance (vers 124) à deux figures de la lumière : « μ ρη » Jour, qui se lève sous la terre,et « Α θ ρ » (Éther, « Clair-Éclat »).

Gaia est au centre, avec un double aspect : Lumière et Noir.

(L'importancede la Nuit chez Hésiode est peut-être la trace d'anciennes cosmogonies.)Après la descendance de Chaos, Hésiode présente celle de Gaia (vers 126-132).

D'abord (au vers 127) « Ο ραν ς», naît de Gaia par « parthénogenèse » (exactement comme la descendance de Chaos !).

Ouranos est exactementsemblable à Gaia : il a la même taille, la même forme, il est lui aussi « à jamais stable », il est lui aussi une « galette», qui se superpose à une autre galette, Gaia, qui a donc donné naissance à son double mais aussi à son contraire(puisque « Ο ραν ς » est masculin alors que « Γα α » est féminin).Puis « Ο ρεα » (les Hauts Monts, vers 129, qui vont combler l'espace entre la Terre et « Ο ραν ς ») et « Π ντος» (Flot-Marin, vers132).

Mais tout ceci se fait sans « φιλότης » (vers 132), c'est à dire sans amour sexué. Au fur et à mesure de ces enfantements, l'espace se construit.

Le cadre est en place.

Tous ces dieux sont desconcepts, plutôt que de vrais personnages.

Ici s'arrête la « cosmogonie » proprement dite. II Dans un deuxième temps, les enfantements se font désormais par « φιλότης ».

Gaia entre dans le lit d'Ouranos.Ils conçoivent une première série d'enfants : les Titans et Titanides, six garçons et six filles.

D'abord naissent lescinq premiers garçons, puis les six filles, puis (au vers 137) « Κρόνος », le petit dernier, qui est « πλ τατος »(vers 137) : cet adjectif signifie certes « bon cadet », mais aussi « bien armé ».

Dans la Théogonie d'Hésiode, c'esttoujours le dernier-né qui est « bien armé ».Puis une deuxième série d'enfants : les Cyclopes (« Yeux Ronds », au vers 144).

Puis une troisième série d'enfants :les « Hécatonchires », les « innommables » (vers 148), qu'Hésiode va évidemment nommer ! ceux qu'il ne faut pasdécrire et que naturellement Hésiode va décrire !Qu'ont-ils tous en commun ? Ils sont monstrueux.

Ce sont des puissances fortement redoutables, fortement reliéesà la vigueur de la Terre.

Ce sont des forces brutes.

Ils sont intermédiaires entre la Terre et le Ciel.Mais, dans la suite, on apprend que ces « enfants » qui sont nés, en réalité ne sont pas nés ! En fait, ce premierdébut est un « ratage ».

Chaque fois qu'un enfant monstrueux doit naître, Ouranos le cache au « profond de lacachette de la Terre » (vers 158).

Ces enfants « portaient le fardeau de la haine de leur « géniteur » (vers 155).

LaTerre, énorme, en est réduite àp gémir.

La reproduction sexuée se passe mal, car le Père ne veut pas de cesenfants.

En effet Ouranos est à la foisl e fils et l'époux de Gaia et veut la garder pour lui seul.

Ouranos est né pourrecouvrir Gaia, pour la « cacher de toutes parts ».Le petit dernier, « Κρόνος », reprend les termes même de sa mère (vers 164-166 et 170-172).

Ouranos passe sontemps à recouvrir la Terre, à faire son travail de géniteur, mais les enfants ne sont pas prévus ! La Création est «mal partie ».

« Κρόνος » se met en embuscade dans le vagin de sa mère et châtre son père ! Ouranos, désormaiscastré, ne va plus s'abattre sur Gaia : il va remonter à sa place, être enfin un séjour stable pour les dieux futurs.Les enfants vont pouvoir naître.Aphrodite naît du sperme d'Ouranos.

Désormais se met en place la une reproduction sexuée.Conséquences de la castration : Ouranos n'est plus géniteur, il a un rôle spatial ; la génération issue de Cronos estnée.

Mais la malédiction lancée par Ouranos contre Cronos pour avoir porté la main sur son père va s'abattre degénération en génération.

Cronos épouse Rhéa, qui est le « double » de Gaia.

Lui aussi refuse de voir naître sespropres enfants.

Il ne veut pas être détrôné.

Il ne les enfouit pas dans le ventre de leur mère.

Il les avale.

Poursauver Zeus, qui est lui aussi le « petit dernier », Rhéa le cache et donne à Cronos, à la place de Zeus, une pierreenveloppée de langes, que Cronos avale.

Zeus, à son tour, va faire la guerre à son père et le reléguer dans lesprofondeurs du Tartare.Plus tard, Métis (la ruse féminine) est enceinte et doit donner naissance à un enfant de Zeus.

Zeus avale cette foisla mère enceinte, puisque maintenir les enfants dans le ventre de la mère ou les avaler, « ça ne marche pas » !L'enfant qui naît ainsi de Zeus lui-même sera Athéna, la vierge guerrière, qui, elle, ne détrône pas son père. Ce texte d'Hésiode présente une énigme : Tout ce qui est arrivé s'est produit par la volonté de Zeus, y compris cequi se passe avant sa naissance ! Question : Éros n'est-il pas le fils d'Aphrodite ?Réponse : Pas chez Hésiode.

Éros est antérieur à Aphrodite.

Il entre par la suite dans le cortège d'Aphrodite.

Enfait, dans la Théogonie d'Hésiode, Éros n'a pas une fonctionnalité très claire.

D'ailleurs, la Théogonie d'Hésiodeprésente des strates de pensées différentes.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles