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La liberté politique du citoyen, c'est la sûreté.

Publié le 22/02/2012

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Ce n'est pas assez d'avoir traité de la liberté politique dans son rapport avec la constitution; il faut la faire voir dans le rapport qu'elle a avec le citoyen. J'ai dit que dans le premier cas elle est formée par une certaine distribution des trois pouvoirs, mais dans le second il faut la considérer sous une autre idée. Elle consiste dans la sûreté ou dans l'opinion qu'on a de sa sûreté. Il pourra arriver que la constitution soit libre et que le citoyen ne le sera point. Le citoyen pourra être libre et la constitution ne pas l'être. Dans ces cas la constitution sera libre de droit et non de fait; le citoyen sera libre de fait et non pas de droit. Il n'y a que la disposition des lois, et même des lois fondamentales qui forme la liberté dans son rapport avec la constitution. Mais dans le rapport avec le citoyen, des moeurs, des manières, des exemples reçus peuvent la faire naître; et de certaines lois civiles la favoriser. De plus dans la plupart des Etats, la liberté étant plus gênée, choquée ou abattue, que leur constitution ne le demande, il est bon de parler des lois particulières qui dans chaque constitution peuvent aider ou choquer le principe de la liberté dont chacun d'eux peut être susceptible. La liberté philosophique consiste dans l'exercice de sa volonté, ou du moins (s'il faut parler dans tous les systèmes) dans l'opinion où l'on est que l'on exerce sa volonté. La liberté politique consiste dans la sûreté ou du moins dans l'opinion que l'on a de la sûreté. Cette sûreté n'est jamais plus attaquée que dans les accusations publiques ou privées. C'est donc de la bonté des lois criminelles que dépend principalement la liberté du citoyen.... Quand l'innocence des citoyens n'est pas assurée, la liberté ne l'est pas non plus. Les connaissances que l'on a acquises dans quelques pays, et que l'on acquerra dans d'autres sur les règles les plus sûres que l'on puisse tenir dans les jugements criminels, intéresse le genre humain plus qu'aucune chose qu'il y ait au monde. Ce n'est que sur la pratique de ces connaissances que la liberté peut être fondée; et dans un état qui aurait là-dessus les meilleures lois possibles, un homme à qui on ferait son procès, et qui devrait être pendu le lendemain, serait plus libre qu'un bacha ne l'est en Turquie. Les lois qui font périr un homme sur la déposition d'un seul témoin sont fatales à la liberté. La raison en exige deux; parce qu'un témoin qui affirme et un accusé qui nie font un partage; et il faut un tiers pour le vider. Les Grecs et les Romains exigeaient une voix de plus pour condamner. Nos lois françaises en demandent deux. Les Grecs prétendaient que leur usage avait été établi par les dieux; mais c'est le nôtre. C'est le triomphe de la liberté, lorsque les lois criminelles tirent chaque peine de la nature particulière du crime. Tout l'arbitraire cesse; la peine ne descend point du caprice du législateur, mais de la nature de la chose; et ce n'est point l'homme qui fait violence à l'homme. MONTESQUIEU

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