La poésie : émotion ou rigueur ?

Introduction : Les poètes se sont servis de la poésie comme support pour faire passer leurs émotions à travers les mots, allant de leurs joies à leurs peines , en passant par des thèmes tels que le temps, l'amour ou la mort. Pierre Claudel écrit en 1927 dans Lettre à l'abbé Brémond sur l'inspiration poétique : « La poésie ne peut exister sans l'émotion, ou si l'on veut, un mouvement de l'âme qui règle les paroles. «.  Dans un premier temps, nous aborderons l'importance d'émotion et du naturel dans la poésie; dans un second mouvement, nous verrons comment la forme rigoureuse du poème peut en elle-même caractériser le genre. La poésie : émotion ou rigueur ?    Paul Claudel écrit « La poésie ne peut exister sans l'émotion « à l'abbé Brémond. Une émotion, de sa définition , est un trouble subit causé par un sentiment vif. La poésie est un moyen pour le poète d'extérioriser ses sentiments vécus, notamment par le biais du registre lyrique.  Dans La nuit de Mai, Musset dialogue avec sa muse, qui lui dit que sa douleur n'est vaine et qu'il faut la mettre au service de la poésie. Elle pousse la poète à se mettre au travailler, il doit alors se servir de la douleur qu'il ressent pour la mettre à la merci de son poème.  Prenons l'exemple du poème d'Apollinaire, Adieu, on peut voir que le poète exprime directement ce qu'il éprouve grâce à des procédés stylistiques et grammaticales. Dans « A toi ma vie, A toi mon sang «, l'emploi de la première personne du singulier « je «, mais aussi des adjectifs possessifs « mon « ou « ma « et l'apparition d'un destinataire: « toi «, accentue le fait d'une « proximité « entre le poète et le lecteur car celui-ci se confie, c'est une situation d'intimité.  Les poètes s'adressent souvent à un être cher, présent par des pronoms personnels( tu , vous ) ou encore par leur propre prénom, ici, le poème est adressé à Louise de Coligny dite « Lou «, la maîtresse du poète. C'est donc un poème né des sentiments de l'auteur puisque le « je « présent dans le poème est bien celui de l'auteur.  Mais cela va plus loin que la simple confidence, certains poèmes de Victor Hugo sont étroitement liés aux circonstances dans lesquels ils {text:soft-page-break} furent écrits : c'est par exemple le cas de « Demain dès l'aube «, dans les Contemplations, qui porte la trace de la mort de la fille de Hugo, Léopoldine.  En laissant parler naturellement ses émotions, le poète se fait le reflet de l'homme qui retrouve son propre ressenti dans l'œuvre. Ce sont les impressions, les souvenirs qui construisent l'œuvre et permettent une communication avec le lecteur. En dévoilant une partie d'eux-mêmes, leurs émotions écrites servent en réalité à exprimer des sentiments universels. En effet, de nombreux poètes soutiennent que le lecteur peut se lire lui-même dans le poème : Hugo déclare d'ailleurs dans la préface des_ Contemplations _: « Quand je parle de moi, je vous parle de vous! « ou encore Baudelaire dans le dernier vers du poème Au lecteur « -Hypocrite lecteur, -mon semblable, -mon frère! «. Le je du lyrisme serait autant celui du lecteur que celui du poète.  La poésie peut être aussi utilisée pour dénoncer l'injustice. Et c'est le rôle du poème engagé, ses objectifs sont de sensibilisé le lecteur, l'indigner et l'émouvoir. Émouvoir pour convaincre.  Elle peut traduire un engagement politique. À travers la poésie, les auteurs dénoncent les causes qu'ils défendent et invite le lecteur à partager leurs points de vue. Ainsi Paul Éluard, engagé dans la résistance, écrit le poème Liberté durant la guerre.  Le poète prend sa plume et ses vers comme moyen d'argumentation. Même si pour certains poètes, l'inspiration première est bel et bien sincère et spontanée, la poésie existe sans exposition d'émotion dans de nombreux mouvements littéraires. La seule caractéristique de l'émotion ne peut donc pas définir la poésie comme le laisse penser Paul Claudel.  La poésie peut également posséder une fonction purement esthétique. Le poète peut rechercher une harmonie sonore, rythmique et visuelle en travaillant la forme. Boileau déclarera sur ce sujet :  « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage : Polissez-le sans cesse, et souvent effacez «. Pour lui, comme pour beaucoup d'autres poètes, il n'y a pas d'écriture poétique sans travail. Afin que le poème *soit mélodieux il se doit de répondre aux règles des lois de l'écriture et *donc, d'être travaillé jusqu'à atteindre la perfection. Ce n'est pas tout d'avoir de l'émotion, il faut savoir manier la forme poétique car elle {text:soft-page-break} renforce la puissance de l'argumentation.  La forme sert de fond : le rythme, la versification, les rimes, permettent au poète de compléter le poème de ce que que ne peuvent pas dire les mots. Par exemple l'utilisation d'images poétiques telles que "son crâne était ouvert comme un bois qui se fend" dans Les Châtiments, ajoute de l'émotion et augmente les chances de susciter colère et pitié chez le lecteur, de le convaincre par rapport à une autre forme littéraire. C'est une façon d'accentuer le sentiment que l'auteur veut faire passer à travers son poème. La poésie est une langue cadencée et rythmée : chaque vers comporte un certains nombre de syllabes, chaque strophes contient un certains nombre de vers. Ce qui crée chez le lecteur un sentiment de rythme et d'ordre poétique. Le travail du poème, est en réalité une structuration d'idées.  *Sans une certaine maîtrise de la langue, il ne pourrait y avoir de style. Mais enfin, ce n’est pas avec de la compétence linguistique que l’on fait la beauté d’un style, même s’il est évident qu’un grand écrivain la possède nécessairement. Car même si les poètes tentent des formes qui donnent l'impression de ne pas être travailler, « il faut connaître la structure pour pouvoir déstructurer «. *Cette idée de mot pour mot, de structure rigide, d'un mode de composition inscrit, d'art anticipateur, certains mouvements littéraire les rejettent.  Ces mouvements souhaitent n'exploiter que la forme du poème, laissant le contenu au hasard tel que le cadavre exquis, l'oulipo, le dadaïsme ou encore l'écriture automatique. Les poètes surréalistes ont libéré la poésie de ses formes fixes, ils voulaient créer un langage poétique qui exprime la puissance du rêve et du désir. Ils voulaient montrer l'importance du hasard dans la création artistique.  *Mais ils s'est avéré que sans travail, l'effet produit était quelque fois décevante. Sans émotion, le poème semblait rigide. L'émotion est ce qui esquisse l'œuvre, le travail est ce qui en fait une œuvre. Ils sont indissociable, si nous voulons obtenir un « accord parfait«. Le poète a pour travail de « faire d'une larme, une perle «, la larme est l'image de l'émotion ressentit par l'auteur, qui va être travaillée pour devenir la perle. L'émotion est placée à la source de l'inspiration et le travaille *l'améliore.  {text:soft-page-break}      1) Relevez et commentez une image originale dans chacun des textes. /2 A : Le poète Adieu d'Apollinaire est destiné à Louise de Coligny.  *Il y a une évolution d'image dans ce poème. En effet , au vers 7 « la nuit est tombée à présent «, noire de deuil, d'assombrissement moral et de solitude désespérée, m*ais voici que l'amour métamorphose l'horreur : la « nuit noire « se fait « très blonde «, devient « très douce « vers 10. On observe à un retournement de sentiments qui traduit une peur et une anxiété de la part du poète.  B : Le poème de Paul Éluard est écrit pour sa muse nommée Gala.  « La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur « vers 1, belle formule, mais qui dépasse la logique : elle allie le concret (« courbe de tes yeux «) et l’abstrait (« le tour de mon cœur «). Le vers 15 revient au vers 1, ils se répondent bien que ce soit le premier vers avec le dernier, justement: Le poème est une boucle en lui-même :« Et tout mon sang coule dans leurs regards. « au vers 15, justifie que tout le poème est ondoyant. Mais aussi par ses propos: la figure de la courbe et du cercle construisent dans ce poème la célébration imagée de la femme. Le poème chante les yeux d'une femme, à travers une métaphore filée mais cette célébration n'est pas limité qu'au sens physique, il lui déclare aussi son amour et sa dépendance à travers l'image de ses yeux. Car il est prêt à mourir, vers 4-5, il ne vit que pour ses yeux, autrement dit, que par amour.  C : Le poème constitue la déclaration de l'amour désespéré du poète. « _L'aigle__ prisonnier_ dans une cage ronge lentement les barreaux de cuivre vert-de-grisés « vers 11, est l'image du poète qui a perdu toute liberté, qui est lui-même prisonnier et qui ne peut s'extérioriser.  D: Déclaration à une femme ou sa muse. « Rien que cette flamme et tes yeux « vers 2, il « compare « la femme à du feu dans la première strophe grâce à des personnifications « rien que cet incendie « vers 5. Qui se transforme dans la deuxième strophe en eau « car tu es l'eau qui rêve « vers 7. Il y a un jeux d'opposition entre les deux strophes.  E : Ce tableau de Pablo Picasso peint en 1937 met en scène la seconde épouse du poète Paul Éluard, Nusch Éluard. Ici, Picasso veut montrer toutes les faces de la femme, on appellera ça le cubisme.  Tous les documents du corpus indique que ces auteurs ont pris le parti du surréalisme.  Pour le A*, nous pouvons voir le parti pris de modernité de l'auteur grâce à l'acrostiche qui lui permet d'assurer la présence de sa bien aimée tout au long de la lettre malgré les formes*.* *En mai 1917, dans une chronique consacrée au ballet « Parade** «, Apollinaire, admiratif des décors créés par Picasso, évoque « [...] une sorte de sur-réalisme. Cette tâche surréaliste que Picasso a accomplie en peinture, « je m'efforce de l'accomplir dans les lettres et dans les âmes [...] «déclare donc Apollinaire.  *B : *Paul Eluard décrit dans ce poème les yeux de la femme aimée, avec tendresse, dans les critères du surréalisme, et il montre l'importance de la femme autant pour lui-même que pour le monde.  C : Vers libres car aucun vers ne fait la même taille.  D : Les vers libres adoptés qui montre une volonté de ne pas « répondre aux règles «. Pour Soupault, l'important est le naturel.  E :Un mouvement très important pour XXème siècle va naitre : le surréaliste . Il affecte tout type d'art, la poésie est touchée, tout comme la peinture. Il y a donc un lien direct entre le cubisme et le surréalisme, l'un s'applique à la peinture, l'autre à littérature. D'ailleurs Nush Éluard deviendra l'égérie de ce mouvement surréaliste. On associe donc ce tableau au surréalisme et à toutes ses idées.