LA QUESTION DES REGLES: Molière
Publié le 08/07/2011
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Le début du xviie siècle a été marqué par une très vive querelle des règles : des théoriciens^ dont les plus connus sont Chapelain (1595-1674) et Vabbé d'Aubignac (1604-1676), prétendaient alors fixer des règles pour tous les genres, notamment pour le théâtre. Dans sa Critique de l'Ecole des Femmes (1662), Molière proteste contre ces théoriciens, représentés par M. Lysidas.
LYSIDAS Ceux qui possèdent Aristote et Horace voient d'abord, Madame, que cette comédie pèche contre toutes les règles de l'art.
URANIE Je vous avoue que je n'ai aucune habitude avec ces Mes- sieurs-là et que je ne sais point les règles de l'art.
DORANTE Vous êtes de plaisantes gens avec vos règles dont vous embarrassez les ignorants et nous étourdissez tous les jours. Il semble, à vous ouïr parler, que ces règles de l'art soient les plus grands mystères du monde, et cependant ce ne sont que quelques observations aisées que le bon sens a faites sur ce qui peut ôter le plaisir que l'on prend à ces sortes de poèmes ; et le même bon sens qui a fait autrefois ces observations les fait aisément tous les jours, sans le secours d'Horace et d'Aristote. Je voudrais bien savoir si la grande règle de toutes les règles n'est pas de plaire, et si une pièce de Théâtre qui a attrapé son but n'a pas suivi un bon chemin. Veut-on que tout un public s'abuse sur ces sortes de choses, et que chacun n'y soit pas juge du plaisir qu'il y prend ?
URANIE J'ai remarqué une chose de ces Messieurs-là, c'est que ceux qui parlent le plus des règles et qui les savent mieux que les autres font des comédies que personne ne trouve belles.
DORANTE Et c'est ce qui marque, Madame, comme on doit s'arrêter peu à leurs disputes embarrassées. Car enfin, si les pièces qui sont selon les règles ne plaisent pas et que celles qui plaisent ne soient pas selon les règles, il faudrait de nécessité que les règles eussent été mal faites. Moquons-nous donc de cette chi- cane où ils veulent assujettir le goût du public, et ne consultons dans une comédie que l'effet qu'elle fait sur nous. Laissons-nous aller de bonne foi aux choses qui nous prennent par les entrailles, et ne cherchons point de raisonnements pour nous empêcher d'avoir du plaisir.
Molière.
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