L'Afrique noire revendique sa Renaissance
Publié le 17/01/2022
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9 juillet 2001
Le moment est venu, pour l'Afrique, d'organiser sa nécessaire révolte contre nos structures de domination économique, notre invasion culturelle, notre mode de production », écrivait René Dumont, en 1962, en épilogue d'un ouvrage qui continue à faire date, L'Afrique noire est mal partie. Mais le « prophète de malheur » qui, quelquefois a fini par avoir raison, s'empressait aussitôt d'ajouter un commentaire en forme de torts partagés. « Autos et piscines privées, veste et cravate, Racine et Shakespeare, armements croissant deux fois plus vite que le produit intérieur brut, bureaucratie parasitaire et prétentieuse ; voilà les principaux obstacles internes au développement africain. » Pourfendeur du « mal-développement », le père de l'écologie politique a quitté la scène de l'utopie réaliste le 18 juin 2001, à 97 ans, sans renier son propos d'alors, lorsque, ainsi qu'il le soulignait en préambule, « il fallait une certaine audace, dans l'euphorie générale du début de l'indépendance [elle avait été consentie en août 1960], aussi répandue en France qu'en Afrique, pour dire que ce continent prenait un mauvais départ ».
Quarante ans plus tard, il semblerait que le propos de René Dumont, qu'il voulait prémonitoire, reste d'actualité, tout en faisant partie d'un passé que l'Afrique a décidé d'exorciser. « Le bilan économique est désastreux », concède Aminata Dramane Traoré, ancien ministre de la culture du Mali, soulignant « le coût social des plans d'ajustement structurels » élaborés par les institutions financières internationales. « Sur le plan politique, en revanche, un nouveau paysage a pu émerger, et beaucoup de pays ont pu faire l'apprentissage de la démocratie », ajoute-t-elle, estimant que la seule question du moment est de savoir « comment favoriser l'émergence d'une société africaine qui aime sa différence et qui n'ait plus pour seule aspiration de devenir une pâle copie de l'Occident ».
Mettre en avant « la créativité de l'Afrique », sans gommer les aspects négatifs, c'est un peu l'exercice auquel s'est livré « Le Monde Economie » avec ce numéro entièrement consacré au continent noir, aux multiples initiatives prises, sur le terrain, dans de nombreuses organisations, et y compris chez les fameux duettistes de Bretton-Woods (le Fonds monétaire international [FMI] et la Banque mondiale), dont les actions sont souvent décriées, afin de mieux amarrer l'Afrique à la globalisation, et pour éviter que ne s'accentue une dérive dont elle n'a que trop souffert. Certes, les pays subsahariens pâtissent encore de maux multiples : conflits régionaux et guerres tribales, pauvreté, trafic d'enfants, maladies diverses, dont le sida, avec lequel vivent quotidiennement 25 millions d'Africains, enfin la dette, éternel boulet, auquel s'ajoute, pour les pays pauvres non producteurs, une facture pétrolière sensiblement alourdie. Certes encore le continent noir, peuplé de 700 millions d'habitants, ne « pèse » que 1 % du produit intérieur brut mondial, 2 % des échanges internationaux et il n'accueille qu'une part infime des investissements directs étrangers.
Pourtant... « votre Afrique nous intéresse » semblent dire tous ceux qui ont opté pour une dose d'optimisme en partage. Rarement désintéressé, il est vrai. Avant qu'il ne quitte la Maison Blanche, pour cause de fin de mandat, Bill Clinton était de ceux-là. L'Afrique est « l'un de nos plus gros partenaires commerciaux potentiels », assurait-il en août 2000 à l'occasion d'un voyage officiel sur le continent. Le président des Etats-Unis avait alors concentré son offensive de charme sur le Nigeria, qu'il considérait comme le futur gendarme de l'Afrique de l'Ouest, mais l'entrisme américain en Afrique englobe aussi d'autres pays, tels le Gabon et la Côte d'Ivoire. A l'inverse, pour Paris, « l'Afrique des zones d'influence et des interventions inappropriées » fait désormais partie d'une histoire aussi mouvementée qu'ancienne, à en croire les propos tenus par Lionel Jospin, début juin, à l'occasion de son déplacement en Afrique du Sud. Pour distendus qu'ils soient devenus, les liens avec l'ancienne puissance colonisatrice ne se limitent pas à l'inauguration d'une exposition sur « Les arts premiers ». La visite officielle en France, fin juin, d'Abdoulaye Wade, le président sénégalais, et celle, privée, de Laurent Gbagbo, son homologue ivoirien, sont là pour attester de l'intérêt qu'il y a à continuer à fréquenter l'ancienne tutelle. Et du regain d'afro-optimisme que les leaders du continent affirment ressentir auprès de la communauté internationale.
Le Plan pour la renaissance de l'Afrique et son pendant, le Plan Oméga, lancés fin janvier, au Forum économique mondial de Davos par plusieurs pays africains, n'ont pas été pur exercice de rhétorique. A cet appel du pied a répondu, un mois plus tard, une mission sur le continent des équipes du FMI et de la Banque mondiale, conduites respectivement par leur directeur général et président. Ceux-ci ont enregistré les suggestions (et non plus les doléances) d'une vingtaine de chefs d'Etat et de gouvernement africains en faveur d'un « développement participatif » qui tourne le dos à la longue pratique de l'assistance. Une satisfaction pour Alpha Oumar Konaré. « Nous devons nous affirmer, faire des propositions, apprendre à refuser, estime le président du Mali. L'Afrique doit prendre conscience de ses intérêts et les défendre. En respectant ses engagements, elle va se faire respecter. »
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