Langage, médiateur entre les hommes
Publié le 30/03/2014
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a) Que l'homme soit un animal politique à un plus haut degré qu'une abeille quelconque ou tout autre animal vivant à l'état grégaire, cela est évi¬dent. La nature, en effet, selon nous, ne fait rien en vain ; et l'homme, seul de tous les animaux, possède la parole (dialektos). Or, tandis que la voix (phone) ne sert qu'à indiquer la joie et la peine, et appartient pour ce motif aux autres animaux également (car leur nature va jusqu'à éprouver les sen¬sations de plaisir et de douleur, et à se les signifier les uns aux autres), le dis¬cours (logos) sert à exprimer l'utile et le nuisible, et par suite aussi, le juste et l'injuste : car c'est le caractère propre de l'homme par rapport aux autres animaux, d'être seul à avoir le sentiment du bien et du mal, du juste et de l'injuste, et des autres notions morales, et c'est la communauté de ces sen¬timents qui engendre famille et cité.
Aristote, Politique, livre I, 2, Vrin, 1982.
b) La faculté symbolique chez l'homme atteint sa réalisation suprême dans le langage, qui est l'expression symbolique par excellence ; tous les autres systèmes de communications, graphiques, gestuels, visuels, etc., en sont dérivés et le supposent. Mais le langage est un système symbolique particu¬lier, organisé sur deux plans. D'une part il est un fait physique : il emprun¬te le truchement de l'appareil vocal pour se produire, de l'appareil auditif pour être perçu. Sous cet aspect matériel il se prête à l'observation, à la des¬cription et à l'enregistrement. D'autre part il est structure immatérielle, communication de signifiés, remplaçant les événements ou les expériences par leur « évocation «. Tel est le langage, une entité à double face. C'est pourquoi le symbole linguistique est médiatisant. Il organise la pensée et il réalise en une forme spécifique, il rend l'expérience intérieure d'un sujet accessible à un autre dans une expression articulée et représentative, et non
par un signal tel un cri modulé ; il se réalise dans une langue déterminée, propre à une société distincte, non dans une émission vocale commune à l'espèce entière.
É. Benveniste, Problèmes de linguistique générale, chap. II, III, Gallimard, 1966.
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