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L'association de mots comme méthode d'exploration du dissimulé ou de l'inconscient. CARL JUNG

Publié le 22/02/2012

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Ce formulaire [de mots stimuli d'association] a été construit après des années d'expérience. Les mots sont choisis et en partie disposés de façon à toucher aisément presque tous les complexes qui sont rencontrés pratiquement. Il y a un mélange constant des propriétés grammaticales des mots. Ceci aussi a ses motifs déterminés. Avant que l'expérience commence, la personne testée reçoit la consigne suivante : « Répondez aussi vite que possible par le premier mot qui vous vient à l'esprit. » La consigne est si simple qu'il semble qu'elle puisse être suivie par quiconque. Le travail lui-même, en outre, semble extrêmement facile, de sorte qu'on pourrait s'attendre à ce que tout le monde puisse l'accomplir avec le maximum de facilité et de promptitude. Mais contrairement à l'attente le comportement est tout à fait différent.... La première chose qui nous frappe est le fait que beaucoup de personnes testées présentent un allongement marqué de leur temps de réaction. Cela nous ferait penser d'abord à des difficultés intellectuelles, — à tort pourtant car nous avons souvent affaire à des personnes très intelligentes, à la parole facile. L'explication réside plutôt dans les émotions. Pour saisir la question dans son ensemble, nous ne devons pas perdre de vue que les expériences d'association ne peuvent pas traiter d'une fonction psychique séparée, car aucun événement psychique n'est jamais une chose en soi mais toujours la résultante du passé psychologique tout entier. En outre, l'expérience d'association n'est pas simplement une méthode de reproduction de couples verbaux séparés mais c'est une sorte de passe-temps, une conversation entre l'expérimentateur et la personne testée. En un certain sens c'est même encore plus que cela. Les mots sont réellement quelque chose comme des actions, des situations et des choses condensées. Quand je présente à la personne testée un mot qui désigne une action c'est la même chose que si je lui présentais l'action elle-même et que je lui demande : « Comment vous conduisez-vous à cet égard ? Qu'en pensez-vous ? Que faites-vous dans cette situation ? ».... La situation « mariée » ou « marié » ne va pas évoquer une réaction simple chez une jeune femme ; mais la réaction sera profondément influencée par les tonalités affectives puissantes ainsi provoquées, à plus forte raison si l'expérimentateur est un homme Ainsi advient-il que la personne testée est souvent incapable de réagir rapidement et sans heurt à tous les mo',;s stimuli. En réalité il y a également certains mots stimuli qui désignent des actions, des situations ou des choses au sujet desquelles la personne testée ne peut pas penser vite et sûrement ; ce fait est mis en évidence dans les expériences d'association.... Il arrive souvent que la personne testée ne sait réellement que répondre au mot stimulus. La personne testée renonce à toute réaction ; pour le moment, elle ne peut absolument pas obéir aux consignes spécifiques et se montre incapable de s'adapter à l'expérimentateur. Si ce phénomène se présente fréquemment dans une expérience, cela indique un assez haut degré de trouble dans l'ajustement. J'attire l'attention sur le fait que la raison que donne la personne testée pour son refus est tout à fait indifférente. Certaines trouvent qu'il leur vient soudain trop d'idées à l'esprit et d'autres pas assez d'idées.... [Dans certains cas] on dirait que la réaction n'a pas été suffisante pour la personne testée, comme si quelque chose d'autre devait toujours s'ajouter, comme si ce qu'elle a déjà dit était incorrect ou de quelque façon imparfait. Ce sentiment nous pouvons avec Janet le désigner comme « sentiment d'incomplétude », ce qui est loin de tout expliquer.... Par son désir d'addition, la personne testée trahit une tendance à donner à l'expérimentateur plus qu'il ne désire, elle fait même les plus grands efforts pour susciter d'autres idées afin de découvrir finalement quelque chose de tout à fait satisfaisant. Si nous traduisons cette observation élémentaire dans la psychologie quotidienne, elle signifie que la personne testée a constamment tendance à offrir aux autres plus de sentiments qu'il n'est requis et attendu d'elle. Suivant Freud, c'est le signe d'une libido objectale renforcée, c'est-à-dire la compensation d'une insatisfaction interne et d'un vide du sentiment. Dans cette observation élémentaire nous voyons par contre une des principales propriétés des hystériques.... Un autre signe de gêne dans l'adaptation est l'apparition fréquente des répétitions des mots stimuli. Les personnes testées répondent au mot stimulus comme si elles ne l'avaient pas entendu et pas compris clairement... Les signes que nous avons dépeints jusqu'ici ne se trouvent pas arbitrairement répandus à travers toute l'expérience mais seulement sur des points très définis ; à savoir sur ces mots stimuli qui touchent des complexes spéciaux affectivement accentués. Ce fait est la base de ce qu'on appelle le « diagnostic des faits » ; c'est-à-dire de la méthode employée pour découvrir, au moyen d'expériences d'associations, le coupable parmi un certain nombre de personnes soupçonnées d'un délit.... Cette application possible de l'expérience montre qu'il y a moyen de toucher à un complexe dissimulé (en vérité inconscient) au moyen d'un mot stimulus ; et inversement nous pouvons affirmer avec un haut degré de certitude que derrière une réaction qui fait apparaître un indicateur de complexe il y a bien un complexe caché, même si la personne testée le nie vigoureusement. Il faut se débarrasser de l'idée que les personnes instruites et intelligentes sont capables de voir et d'admettre leurs propres complexes. Chaque esprit humain contient beaucoup de choses qui ne sont pas reconnues et par conséquent inconscientes et nul ne peut se vanter d'être complètement au-dessus de ses complexes. Ceux qui persistent à le soutenir ne voient pas les lunettes qu'ils portent sur le nez. CARL JUNG

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