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Le Pont d'Arnhem

Publié le 17/01/2022

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17-26 septembre 1944 - En septembre 1944, Montgomery et, derrière lui, l'Angleterre se sentaient frustrés : tandis que les Anglais s'usaient devant Caen, les Américains avaient percé dans le Cotentin, cavalcadé à travers la France à grands renforts d'acclamations, de baisers et de distributions de cigarettes et ne s'étaient arrêtés qu'à Aix-la-Chapelle. Les Anglais, eux, à la poursuite de ce qui restait d'Allemands après l'écrasement de la bataille de Normandie, étaient allés jusqu'à Bruxelles évoquer le glorieux souvenir de Wellington dansant la veille de Waterloo. Une division blindée était même allée jusqu'à Anvers. Belle ville, mais le général qui commandait la division n'avait pas pensé qu'elle avait un port, et il n'en avait pas occupé les abords... Le général Dwight D. Eisenhower, commandant suprême, se trouvait dans une situation gênante. Montgomery voulait aller à Berlin tout de suite, par le nord. Patton, poussé par Bradley, voulait y aller le premier à travers la Sarre et la ligne Siegfried. " Ike ", lui, fidèle à son tempérament de bulldozer pensant, voulait y aller majestueusement, tout droit " sur un large front ". Anvers était au fond d'une bouteille bouchée par l'ennemi, les ports de la Manche restaient occupés ou détruits. Tout le ravitaillement venait de Cherbourg. Résultat : peu de munitions, peu de vivres, peu de carburant. L'insupportable " Monty ", vedette incontestée du théâtre des opérations, réclamait le premier rôle, auquel il estimait avoir droit. Lui qui s'était fait une réputation de stratège prudent, pointilleux et pour tout dire, offensif seulement lorsqu'il était absolument sûr de gagner, vendit à Ike, à la stupéfaction générale-les Allemands eux-mêmes furent longs à y croire-un plan plein d'imagination, d'audace et de risque. Il le baptisa " Market Garden ". Son itinéraire passe par le Nord. Il est coupé de polders, de fleuves et, notamment de bras du Rhin, qui forment une série d'obstacles redoutables pour les blindés. Qu'à cela ne tienne. On jettera un tapis sur 100 kilomètres de Hollande et on y fera rouler les chars. Le tapis ? Trois divisions aéroportées, superbes gadgets formés de soldats d'élite, qu'on ne sait pas trop bien à ce moment comment utiliser. On lâchera la 101e division aéroportée américaine (général Taylor) près d'Eindhoven (tant pis pour Philips), la 82e (général Gavin) près de Nimègue et la 1re division aéroportée britannique sur le Rhin inférieur, à Arnhem, à l'extrémité de la flèche. Les ponts seront pris les blindés anglais fonceront. La route de Berlin sera ouverte. Montgomery aura gagné la guerre. Les Allemands, eux, étaient en pleine pagaille. Ils retraitaient par toutes les routes et par tous les ponts. Mais si les Alliés s'étaient habitués à la victoire, eux ne l'étaient pas encore à la défaite. Ce qui fait que, lorsque la 1re division aéroportée du général Urquhart sauta près d'Arnhem (à 10 kilomètres du pont du Rhin), deux divisions blindées toujours pugnaces se trouvaient dans la région ainsi que des troupes aéroportées, tout cela par hasard. Les communications radio du pauvre Urquhart, tombé dans ce guêpier, refusèrent de fonctionner. Il voulut aller voir sur place ce qui se passait et, une journée et une nuit durant, joua à cache-cache avec les Allemands dans les greniers et les jardins d'Arnhem. Les Anglais, les Américains et les Allemands se battirent avec un acharnement féroce. L'affaire fut une effroyable boucherie : planeurs et avions abattus en série, obus au phosphore, luttes au couteau. Les divisions américaines avaient, à Eindhoven et Nimègue, fait, quoique avec retard, leur travail. Faute de renseignements, on supposa avec optimisme qu'Urquhart l'avait fait aussi. La mécanique continua de fonctionner. Des milliers d'avions déversèrent dans le chaudron d'Arnhem des hommes, des vivres, des munitions en plein milieu d'une bataille confuse. Les Allemands se battirent en Jeep, en fumant des Craven. Les restes de la 1re division aéroportée finirent par se retrancher dans les jardins d'hôtels élégants d'Oosterbeek, près d'Arnhem. Les grands chefs lui avaient demandé de tenir deux jours, quatre au maximum. Dans la nuit du 24 au 25 septembre, soit après un enfer de huit jours, deux mille survivants sur les dix mille qui avaient été parachutés à Arnhem repassaient le Rhin, large de 400 mètres, par tous les moyens à leur disposition, et souvent à la nage. La réputation de Montgomery n'en souffrit pas. Sauf en Hollande. L'opération, expliquait-il, eût été une grande victoire si on lui avait fourni les moyens qu'il réclamait. Les Allemands avaient gagné un répit.

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