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L'Enterrement De Chloé Dans "L'Écume Des Jours" De Boris Vian

Publié le 17/01/2022

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 L’écume des jours est un roman qui trace l’histoire tragique de Colin et Chloé, depuis leur rencontre jusqu'à la mort et la folie, en passant par la maladie et la désillusion. L’enterrement de Chloé est un des passages les plus tristes du roman de Boris Vian, l’œuvre dans son entier étant construite sur la couleur et l’humour. Mais toute cette légèreté cache souvent une réalité dure ou même une satyre de la société. Nous allons donc nous interroger sur ce qu’est la vie dans ce texte : l’enterrement du bonheur, le chemin de la Vie et une parodie du pathétique.

 

La mort de Chloé est une tragédie pour Colin, qui s’enferme alors dans la folie : l’ambiance sombre qui règne dans ce passage en dénote. Les sentiers sont « bas «, les plantes « sombres «, les feuilles sont « gris léger «. Tout est lourd, pesant : « seuls les feuilles grises se détachaient parfois pour tomber lourdement sur le sol «. On peut même voir des « meurtrissures bleuâtres « causés par les « lourdes chaussures « des porteurs. L’ambiance sombre et sans « chichis « se retrouve dans l’écriture sobre mais précise de Vian. Une ambiance sombre qui contraste avec le début du roman, haut en couleurs et en musique.

      La rencontre de Colin et Chloé se passe sur fond de jazz et de bruits. Le nom même de Chloé est tiré d’un morceau de Duke Ellington. A la mort de cette dernière, tout se tait et se dégrade. Dans ce passage il n’y a pas de bruit à part les coups des poignés sur le cercueil de Chloé. : « …les poignées de la boite noire sonnaient contre les parois. «. La Nature est en deuil elle aussi : « on n’entendait pas d’animaux «. Même les plantes paraissent vêtus de leurs habits noirs : « Les feuilles des plantes tournaient au gris léger et les nervures ressortaient en or sur leurs chairs veloutés «. Les arbres mêmes sont « malingres «, c’est-à-dire qu’ils ont une apparence maladive. Nous avons donc ici un fort lyrisme à travers le thème de la Nature,  celui ci est renforcé par le fait que cette Nature se tait et s’endeuille face au désespoir des personnages.

      L’itinéraire de Colin, Isis et Nicolas pour aller au cimetière est écrit comme un tunnel. Les arbres forment un plafond car ils sont repliés comme s’ils pleuraient : « les arbres longs et flexibles retombaient en arc d’un bord à l’autre du chemin «. De plus deux haies encadrent ce chemin : « deux haies de plantes sombres formaient les côtés «. Dans un tunnel on peut ressentir de l’étouffement, un manque d’oxygène : ce qui sont les symptômes de la maladie qui as tué Chloé. Le fait que les personnages doivent passer par un tunnel est donc une référence à la souffrance de Chloé. Pourtant s’est inhabituel de passer dans un tunnel pour accéder à un cimetière, d’autant plus s’il est sur une île.

 

      Le chemin est comparé à un arbre : « sinuosités «, « le sentier se divisa en plusieurs branches «, « les ramifications du chemin «. L’arbre de cette métaphore peut être apparenté tout simplement à l’arbre, symbole de la vie. Les « formes désolées « et « le sol poreux « prennent alors l’apparence des malheurs de la vie, des choses qu’on ne peut pas éviter. La vie n’étant pas mise en valeur avec la vie animal mais végétale, elle est plutôt mise en valeur avec le chemin qu’emprunte les personnages jusqu’au cimetière. Le fait que le cimetière soit sur un île rend difficile l’échappatoire, c’est le destin, le chemin de la Vie vers la mort.

      Quand les personnages arrivent au cimetière on les quitte pour s’intéresser à l’horizon. Pour arriver à voir l’horizon, on doit grimper sur des pierres. Ces pierres représentent les obstacles que l’on rencontre lorsque l’on veut pleinement vivre sa vie. Pour voir plus loin et ne pas rester sur le chemin, il faut surmonter ces obstacles.

      La vie se finit inlassablement par la mort, représenté par le cimetière au bout du chemin. Le tunnel joue ainsi un rôle dans ce destin, il montre qu’il n’y a aucune échappatoire possible, comme une prison. « Le cimetière était juste au milieu de l’île «, cela montre que la mort est au centre de la vie, c’est-à-dire que les gens se préoccupe surtout de ne pas mourir en oubliant de vivre. Le fait que le destin d’un homme soit la mort est donc beaucoup mis en valeur, trop mis en valeur.

 

      Nous assistons là a une mise en valeur excessive du destin de l’homme ce qui nous renvoi une impression de parodie du pathétique et du pessimisme. Car la métaphore de la vie est créer par un chemin de cimetière ! Ironie du sort, on retrouve également les symptôme de la maladie de Chloé, plus dut à l’ennuie et à la lassitude qu’autre chose. Le texte est plein de zeugmas : « ils tapaient des pieds et les poignées de la boite noire sonnaient contre les parois «, « on n’entendait pas d’animaux seules les feuilles tombaient lourdement sur le sol «. C’est donc un sujet de fatalité qui se révèle parodique car le texte est semés d’humour.

      On peut noter aussi l’irrespect des porteurs de cercueil. Parce que Colin n’a plus d’argent à donné, les porteurs sont odieux pendant le trajet : « les porteurs se mirent à courir «, « les porteurs lançaient des coups de pieds dans les arbres «. Cela rajoute du désespoir chez Colin et de l’absurdité à la situation. On ne peut imaginer les porteurs qui courent devant le cortège funèbre. Cet indifférence des porteurs au désespoir de ceux qui les payent est dans la suite de l’irrespect des religieux, ensuite deux autre religieux, le Chuiche et le Bedon, viendront lancés des pierres sur la dépouille de Chloé. C’est une dénonciation du fait que toute organisation recherche le profit et que si quelque chose est mal payés c’est qu’il n’est pas important.

      Vian nous livre sa conception de la vie dans sa description de l’horizon. En effet après avoir passé les obstacles on peut « par-delà le sommet des arbres malingres, entrevoir, loin, vers l’autre rive, le ciel, croisé de noir «. Donc après avoir surmontés les obstacles on peut « entrevoir «, ce qui n’est même pas apercevoir, un image lointaine et flou d’un bonheur intouchable : « les champs de morgeline et d’aneth «.

 

      Pour conclure, on peut dire que la vie dans ce passage est une vie pour entrevoir un bonheur vain, une ironie du sort qui fini par la mort, une vie parsemée d’obstacles et de détours et une fin unique pour tous : la mort.

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