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Les manifestations de la place tien an men

Publié le 07/04/2014

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TABLE DES MATIÈRES 

INTRODUCTION 

I. La République populaire de Chine de Mao Zedong (1949-1976) 

1. Le retard de la Chine avant 1949 

1.1 Une société archaïque 

1.2 Le sentiment d'humiliation de la Chine envers l'Occident 

2. L'influence du communisme de Lénine 

2.1 Le succès du communisme russe 

2.2 Un modèle d'inspiration 

3. La mobilisation au cour des Cent Fleurs (1956-1957) 

3.1 La montée du libéralisme chinois 

3.2 Une violente répression 

II. La réforme de Deng Xiaoping 

1. L'inspiration occidentale, l'icône de la modernité au XXème siècle 

1.1 L'échec de Mao Zedong : le début de démaoïsation 

1.2 La réouverture sur l'Occident 

2. Réformes culturelles, administratives et politiques 

2.1 Le projet de Deng Xiaoping 

2.2 La Chine en mutation culturelles et sociales 

2.3 Les failles du gouvernement; le conservatisme au sein du PCC 

III. Les étudiants sous le régime de Deng Xiaoping (1969-1989) 

1. L’impact de la Révolution culturelle 

2. La quête identitaire 

2.1 L'impact des penseurs occidentaux et la naissance du concept d'individu 

2.2 La pertes des racines 

2.3 La place du confucianisme dans la démocratie 

3. Revendications et idéaux 

3.1 Une période parsemée de manifestations 

3.2 L'éclatement; Les manifestations de la Tien na men en 1989 

CONCLUSION 

BIBLIOGRAPHIE 

 

LES MANIFESTATIONS DE LA PLACE TIEN NA MEN 

INTRODUCTION 

En un siècle d'histoire, la Chine a vu son visage se métamorphoser, passant d'un régime politique archaïque à une société à l'allure moderne, en pleine effervescence et dont le peuple commence peu à peu à être conscient des enjeux politiques et s'ouvre sur le reste du monde, réclamant son pouvoir politique. Il aura fallu de nombreuses mutations pour aviver ce désir. Bien que l'impact qu'aura eu les morts de la place Tien na men en 1989 est encore inconnu, 1989 marque un tournant important de l'histoire chinoise, une manifestation de grande envergure à Pékin contre la corruption du Parti Communiste Chinois et le désir d'un peuple de posséder du pouvoir politique dénotent ce changement de mentalité qui aura eu lieu en Chine au cours des dernières années. Pour bien comprendre ce phénomène, deux instances, convergentes, doivent être analysés. L'impact qu'aura eu le désir de modernisation en Chine au XXème siècle, ainsi que l'influence de l'Occident, qui fut, non seulement à l'origine du désir de modernisation, mais aussi la souche d'un changement de valeur et d'une remise en question du peuple chinois. En effet, pour comprendre les manifestions de la place Tien na men de 1989, il faut remonter à l'origine de ce désir, prenant racine lors des premiers conflits entre la Chine et l'Occident et qui s'intensifia au cour du XXème siècle, suite à la Révolution de Mao Zedong marquant profondément le règne de Deng Xiaoping dans la seconde moitié du siècle. 

 

I. La République populaire de Chine de Mao Zedong 

1. Le retard de la Chine avant 1949 

1.1 Une société archaïque 

Alors que la majorité des pays occidentaux abandonnent peu à peu les anciennes institutions, la Chine se trouve encore sous le joug de la dynastie des Qing. Durant des siècles, la Chine aura perfectionné sa culture, ses techniques, ses arts de combat, préservant et engraissant un orgueil national prédominant. Cependant, « tandis qu'au même moment l'Occident, usant de méthodes scientifiques, marchait vers la conquête de l'énergie matérielle, la Chine était en train d'étudier la sagesse antique «1 . Préservant duement ces traditions, elle cessa d'évoluer et développa à l'instar de l'Occident un retard technique et militaire important. Aveuglée par la xénophobie et sa fierté nationaliste, elle resta isolée du reste du monde et, lorsque les pays européens s'industrialisèrent; développant à la fois l'art de la politique, la pensée humaniste et les idéaux démocratiques, la Chine resta en marge, ignorant ostensiblement les efforts de modernisation qui bouleversaient alors le monde occidental. 

1.2 Le sentiment d’humiliation de la Chine envers l’Occident 

Avant le XXème siècle, la Chine se trouve confrontée à son retard sur les pays Occidentaux, et ce, malgré son désir d'isolement. En effet, le XIXème siècle est empreint de défaite du peuple chinois. Lorsque l'Europe voulu pénétrer le marché chinois, il subit maints refus de la part d'une Chine qui refusait d'admettre en son pays ces « objets étranges «, considérant que les nations d'Europe n'étaient que des « nations « barbares «, uniquement chargées d'offrir des cadeaux à l'empereur chinois «2. Toutefois, cette attitude ne vint pas à bout du désir européen d'atteindre l'économie chinoise. 

L'importation illégale de l'opium en Chine se mit en place, occupant rapidement une place prépondrante dans l'exportation anglaise. Malgré les efforts du gouvernement chinois afin de tenir tête à cette contrebande, le marché persistait. De 1839 à 1842, la guerre de l'opium sévit entre l'Angleterre et la Chine qui voulait bannir ce produit étranger. La défaite militaire de la Chine marque le début du désir de modernisation chinois, motivé par l'envie de retrouver sa puissance et sa fierté d'antan. 

De nombreuses défaites suivront, notamment une contre le Japon qui porta le coup décisif à la dynastie Qing, « pour la première fois, la Chine a été battue par un vassal «3. En 1912, l'empire Qing s'effondre à la suite d'une révolution qui visait à modernisée la Chine en lui donnant un nouveau visage, les défaites chinoises ayant été imputées à la dynastie en place. Toutefois, la mise en place de nouvelles structures engendrèrent de nombreuses difficultés, le régime dynastique persistait depuis plus de deux milles ans. Il fallait à la Chine du début du XXème siècle trouver un moyen rapide et efficace de se moderniser si elle voulait rattraper le retard envers lequel elle se voyait plus que jamais confronté. 

 

2. L’influence du communisme de Lénine 

2.1 Le succès du communisme russe 

Au cour des années 1918 à 1921, s'est instauré en Russie un nouveau régime qui projettait de se vouer au pouvoir du prolétariat, inspiré de Marx, ce nouveau régime voulait instaurer le communisme. Sous l'ancien régime, la Russie avait peu évolué et elle devait rattraper son retard le plus rapidement possible. C'est pourquoi Lénine, arrivé au pouvoir avec le nouveau régime, fit une première tentative de développement et de modernisation russe en mettant en place une nouvelle politique économique, la NEP, qui réussit à redorer le domaine culturel russe, notamment le cinéma avec Serge Eisenstein (1898 1948), mais ne réussit toutefois pas à améliorer la condition de vie ouvrière ni à relancer efficacement le domaine industriel4. C'est en 1922 que Lénine meurt et cède ainsi la place à Staline qui gouvernera la Russie, à présent unifiée sous l'URSS, de 1924 à 1953 et qui mettra en place trois plans quinquennaux qui connaitront un succès enviable. Le premier plan quinquennaux, 30 % inférieur aux prévisions, réussit néanmoins à obtenir « un taux de croissance annuel du revenu national de 8,8 % entre 1928 et 1932 «5. Le deuxième plan quinquennal eut, quant à lui, un succès bien plus vif, les objectis quant à la production industrielle furent dépassés, les revenus des ouvriers augmentèrent considérablement. Bien qu'à la suite du troisième plan quinquennal, en 1938, « le niveau de vie soviétique est encore loin de celui des pays occidentaux [...] les transformations accomplies au cours des trois premiers Plans sont énormes «6. Transformations que la résistance russe durant la Deuxième Guerre mondiale face aux envahisseurs allemands pu mettre à jour. 

2.2 Un modèle d’inspiration 

Limitrophe à la l'URSS en pleine effervescence, la Chine, impressionnée par les réalisations communistes voit en ce modèle la solution à ces problèmes qui semblent similaires à ceux qu'à connu la Russie. C'est pourquoi lors de sa révolution en 1949, c'est l'orientation communiste que désire prendre le nouveau gouvernement chinois. Qui plus est, concomittant avec l'avènement du communisme chinois, la Russie sympatise avec la Chine qui s'est ainsi mise à dos le capitalisme et, corrolaire à cette position, les États-Unis. Le communisme russe ayant des prétentions universelles, l'alliance à la cause russe fut le premier réflexe de Mao Zedong, qui, de plus, avait besoin de Staline pour poursuivre ses desseins7. À l'image de Staline, Mao Zedong met en place des plans quinquennaux et imite les actions de propagandes staliennes afin d'engendrer la maotisation. En janvier 1951, « Mao est tour à tour « le Grand Timonier de la révolution «, « l'Étoile salvatrice de la Chine « ou « le Soleil qui se couche jamais «8. Il promet au peuple de faire avancer son pays afin de surpasser l'Occident. 

Un autre aspect est important quant à l'influence communiste du règne de Mao Zedong. « Aux yeux du communisme, le confucianisme a fait du peuple chinois un peuple d'esclaves, enchaîné par des idées qui ne peuvent plus avoir cours dans un monde moderne. «9. Il faudra donc, lors de l'apogée du communisme en Chine, couper avec la culture traditionnelle qui est jugée obsolète. « Marx tient lieu de Confusius et Mao Zedong est placé sur l'autel de Bouddha... «10 

 

3. La mobilisation au cours des Cent Fleurs (1956-1957) 

C'est à la suite de la dénonciation des crimes de Staline par Nikita Khrouchtchev que Mao, fréquemment surnommé « le Staline de la Chine «11, ressent la nécessité de se rallier les intellectuels afin d'éviter les accusations, c'est pourquoi, en mai 1956, Mao lance le slogan : « Que cent fleurs s'épanouissent et que cent écoles de pensée rivalisent ! « prétendant vouloir ainsi encourager le domaine culturel chinois et permettre la liberté de penser. 

3.1 La montée du libéralisme chinois 

En février 1957, l'intelligentsia chinoise finit par croire en la sincérité de Mao envers le « mouvement des  cent fleurs «12. C'est alors que le Parti Communiste Chinois prendra conscience de l'ampleur du mécontentement de la population chinoise face au gouvernement. Il faut savoir que, depuis le début du siècle, l'influence de la pensée occidentale est forte en Chine, une majeure partie de l'intelligentsia ayant été formée à l'étranger ou instruite par des enseignants étrangers13. Dès 1939, les oeuvres de Jean-Paul Sartre sont accessibles en Chine. L'intrusion des idées et concepts occidentaux se trouve de nombreux alliés qui profiteront de la période des « Cent fleurs « pour réclamer leur part de démocratie et de liberté. L'élite intellectuelle proteste contre les abus de pouvoir du parti que l'on accuse d'être une « parodie de démocratie «14, croyant qu'il lui était à présent permis de s'exprimer de vive voix. On perçoit, d'or-et-déjà, ce désir du peuple d'être garant de lui-même. 

 

3.2 Une violente répression 

Mao voit son pouvoir décliner et se fragiliser, il n'avait pas prévu une telle réaction, ni une telle rancoeur, du peuple chinois envers le gouvernement. C'est une violente répression qui attend les contestataires, la liberté de parole n'est désormais plus prisée. Mao précise à présent sa pensée, aléguant que « les critiques doivent servir à réunir et non à diviser «15. Le reste de son règne sera alors caractérisé par l'isolement de la Chine qui se rebutera contre les intellectuelles, la bourgeoisie et, de surcroît, l'Occident et qui vouant à présent le culte du travail manuel, et ce, principalement lors de la Révolution culturelle. 

 

II. La réforme de Deng Xiaoping 

1. L’inspiration occidentale, l’icône de la modernité au XXème siècle 

1.1 L’échec de Mao Zedong : le début de la démaoïsation 

Mao Zedong avait, lors de son règne, négligé le développement économique. Privilégiant la transformation du niveau social et n'avait, de surcroît, pas su engendrer une réelle modernisation16. Deng Xiaoping a, quant à lui, de tout autres desseins pour son pays. Suite à la mort de Mao Zedong, survenue en 1976, Deng Xiaoping, secrétaire général du parti, s'apprête à prendre la relève. Deux ans plus tard, en 1978, Deng Xiaoping assit son pouvoir et commence la démaoïsation, un lent processus afin d'émousser le culte de Mao, qui était devenu, au sein du peuple, « une incarnation de la pensée, de ce qu'il y a de plus universel «17 et permettre une réouverture de la Chine sur le monde duquel elle a été, depuis plusieurs années, coupé, et ce, principalement depuis la Révolution culturelle. 

La Chine de la Révolution culturelle avait connu une forte stagnation, voir régression, tant au niveau culturel qu'économique, s'étant mise à l'écart et ayant portée atteinte à ces intellectuels, élevant le « petit livre rouge « de Mao au rang de bible absolu, seule littérature autorisée. 

Néanmoins, depuis 1971, année de son adhésion à l'ONU, la Chine commençait une réouverture hésitante. En 1973, elle présenta une exposition un peu partout à travers le monde de son patrimoine archéologique18. Nonobstant, les réformes économiques ayant auparavant échouées, malgré la tentative du « Grand bond en avant « de Mao Zedong, la situation de la population ne s'améliorait pas, le salaire moyen ayant diminué de 4,9 %19. De plus, la lutte pour le pouvoir succédant à la mort de Mao Zedong, avait, elle aussi, affectée l'économie chinoise20. 

 

1.2 La réouverture sur l’Occident 

Lors de ces études, Deng Xiaoping était allé, comme beaucoup de ceux qui formeront le PCC quelques années plus tard, étudié en URSS et avait, dès lors, eu un contact direct avec l'Occident. Bien qu'au fils des années qui ont constitué l'époque de Mao, la Chine et l'URSS se soient éloignés, Deng Xiaoping a su conserver son intérêt pour l'Occident. Il voit en l'Occident, le symbole de la modernité. Les Chinois doivent comprendre, selon lui, que l'étranger n'est plus un « Barbare « qu'« il faut inviter les experts étrangers à la construction de nos ouvrages clés «21. Une majeure partie des étudiants seront envoyés en Occident afin de s'instruire, subventionnés par le gouvernement. Les professeurs seront enjoins de s'instruirent eux-aussi chez l'étranger, afin qu'ils reviennent au pays avec les techniques de cet autre monde et puissent ainsi enrichir la culture chinoise. La littérature étrangère revient sur les rayons des librairies et est à nouveau publiée librement. Les conséquences de cette occidentalisation apparraissent dans de nombreux médias, notamment l'emploi de mots « internationaux « dans les journaux, tel que : OK, MTV, POP, ROCK, CD, darling, party, bye22. 

L'objectif de Deng Xiaoping est clair, l'Occident est le symbole de la modernité, si la Chine veut retrouver son honneur d'antan, il lui faut réussir à surpasser l'Occident, et ce, en apprenant de lui. Il faut néanmoins nuancer, Deng Xiaoping n'estime pas la culture occidentale comme une culture supérieur et n'approuve pas le capitalisme, il évite et dénonce ce qu'il estime telle une « pollution spirituelle bourgeoise «23. 

 

2. Réformes culturelles, administratives et politiques 

2.1 Le projet de Deng Xiaoping 

En août 1978, a eu lieu une causerie sur « l'estimation du modernisme occidental à sa juste valeur «24. « Leur conclusion fut qu'on devait analyser la littérature étrangère moderne et contemporaine avec une attitude scientifique : rechercher la vérité à partir des faits «25. C'est l'ouverture sur le fonctionnement de la modernité des pays occidentaux qui marque la ligne de parti du nouveau gouvernement. Dès décembre de la même année, après avoir fait adopté en mars la troisième constitution de la République populaire de Chine, le gouvernement décide d'entamer d'urgence des mesures visant à favoriser l'agriculture.

À l'image de l'Occident, des politiques libéralistes sont instaurés afin de favoriser l'économie. On décentralise, on décollectivise les terres. C'est le dévoilement des « Quatres modernisations «; modernisation de l'industrie, de l'agriculture, du secteur scientifique et technologique et de la défense nationale. « Nous sommes convaincus [,déclare Deng Xiaoping lors de son annonce de la nouvelle politique économique en 1979,] que le système socialiste est supérieur au capitalisme. Il doit cependant faire la preuve de cette supériorité en se montrant, plus que le capitalime, capable de développer les forces productives de la société. «26. Rattraper l'Occident, surpasser le capitalisme est devenu la ligne directrice, la Chine doit à présent démontrer qu'elle aussi est capable. 

 

2.2 La Chine en mutation culturelles et sociales 

L'ouverture du peuple chinois sur les idées occidentales modifient grandement leur vision du monde, principalement chez les étudiants qui partent à l'étranger. De plus, la vie quotidienne chinoise se modifient, après les lourdes pertes de la Révolution culturelle, le nouveau gouvernement parle de liberté d'expression, le droit de manifester, le droit d'affichage27. Le retour des étudiants en ville, le succès de la Réforme économique qui avait réussi à redorer l'agriculture, éveilla le sentiment chez la population qu'un changement profond s'effectuait en Chine, qu'il s'agissait du début d'une nouvelle ère. 

Beaucoup osent critiquer ouvertement la Révolution culturelle et peu à peu on voit apparaître dans les arts des critiques de la culture chinoise28. Un autre phénomène se produit, l'arrivé de plus en plus importante de la mode et des nouveaux produits chez les jeunes qui animent en eux un vif intérêt29. Deux générations cohabitent alors, ayant toutes deux connues des réalités différentes. « Pour les un peu moins jeunes comme les classes de 1966, 1967, 1968, Mao est la figure du père par excellence «30. Certains membres de cette générations ennoblissent la Révolution culturelle passée et s'adaptent maladroitement au renouveau culturel qui s'opère en Chine31. Tandis que les plus jeunes s'imprégnent d'une culture nouvelle. 

 

2.3 Les failles du gouvernement; le conservatisme au sein du PCC 

 

Suite au sentiment de liberté, les jeunes se sentent en droit de parler ouvertement au gouvernement, pour la première fois en 1979, c'est alors que l'on prend conscience du conservatisme politique qui persiste au sein du parti. Effectivement, malgré la Réforme économique qui fut un vif succès, le gouvernement devient plus hésitant et moins flexible lorsqu'il est question de réforme politique. Le gouvernement répond par la répression aux demandes des étudiants. De plus, malgré une facade démocratique, le gouvernement se répugne encore à laissé une réelle liberté décisionnelle à la population et les élections ne laissent pas la place à d'autres partis. L'administration depuis la mort de Mao Zedong « cèdent la place à de plus jeunes responsables qui retiennent de cet épisode tromatisant de l'histoire récente de la Chine (la Révolution culturelle) plus le désordre qu'il provoque dans l'économie que les souffrances subies par les ainés «32. L'impression de liberté qu'exhale le nouveau gouvernement n'est principalement qu'une facade, les camps de travails forcés existent toujours, ils ne servent plus la rééducation, mais l'économie33, car c'est belle et bien elle qui guide avant tout le nouveau gouvernement. Qui plus est, le dégoût du capitalisme et de la bourgeoisie est encore virulant. Deng Xiaoping maintient le gouvernement communiste avant tout afin de faire règner l'ordre, tel qu'il le conçoit et d'éviter les écarts, c'est pourquoi il se ferme aux idées démocratiques qui seraient, selon lui, mères de la décadence capitaliste34. 

 

III. Les étudiants sous le régime de Deng Xiaoping (1969-1989) 

1. L’impact de la Révolution culturelle 

Les pertes importantes causées par la Révolution culturelle de Mao Zedong a provoqué une profonde remise en question des valeurs communistes qui apparaissent, dorénavant, plus domagables et nocives. Cet acte violent de Mao a aussi engendré la démaotisation que Deng Xiaoping, ayant souffert de la Révolution culturelle, s'empresse d'effectuer. Au lendemain de la Révolution culturelle, le peuple chinois est marqué par la perte de tous les repères, il doit reconstruire sa société sur de nouvelles fondaisons. La peur du retour en arrière marque le peuple profondément et il place envers son nouveau gouvernement un espoir sincère ; « la masse des prolétaires et surtout les jeunes, pouvaient nourrir le sentiment d'avoir enfin à leur tête un régime qui les représentaient vraiment «35. Se sont principalement les étudiants qui ont vécu la Révolution culturelle qui sont le plus marqué, ceux qui furent envoyé dans des camps, qui durent quitter l'école pour apprendre le travail manuel. Ceux qui vécurent les mises en accusation, le climat de paranoya constant, lorsqu'il fallait dénoncer ces proches, pour le bien de la nation. Au lendemain de la Révolution culturelle, le peuple est désenchanté36 de sa propre culture et de son passé et espère un renouveau. 

 

2. La quête identitaire 

2.1 L'impact des penseurs occidentaux et la naissance du concept d'individu 

Envoyés en Occident pour étudier, les jeunes chinois découvrent les auteurs qui avaient pendant plusieurs années été banni en Chine. On analyse Nietche, Sartre, Camus, Freud, Foucault dans les écoles37. On renoue et on s'intéresse à nouveau à ces mentalités, à cette vision d'un monde très différent de la réalité des chinois de l'époque. La mode, les produits, les marques imprégnent le quotidien des jeunes chinois, l'Occident n'est plus un ennemi. On découvre les bienfaits que libéralisme apporte et autorise aux pays de l'Occident. « Aller vers le monde «38, tel est le slogan qui marque, depuis 1988, l'imaginaire chinois. On veut s'ouvrir sur les autres cultures et leur montrer la notre, on a le sentiment qu'aller vers le monde c'est « aller vers l'avant «. 

L'humanisme, la démocratie attirent à nouveau l'intérêt. On voit en Occident une modernisation politique que la Chine tarde à acquérir, la libération des peuples à travers le monde. Certains, tel Wei Jingsheng, électriciens et fils de cadres aisés, estimaient que les « Quatres Modernisations « ne seraient possible qu'avec l'avènement d'une cinquième modernisation; la démocratie pluraliste39. Un autre apport important des penseurs des lumières en Chine fut la renaissance d'une notion d'individu qu'avait négligé l'époque de Mao Zedong. « L'encouragement donné à l'initiative individuelle favorise l'artisanat et le commerce privés «40. La Chine présente à présent un nouveau visage où les individus veulent s'affranchir, s'affirmer et où la pensée individuelle et la liberté de le faire permettent l'essort de nouveaux courrants de pensé, de nouveaux idéaux, de nouvelles philosophies. 

De plus, la chute du communisme dans plusieurs pays du monde renforce les critiques et les craintes du peuple chinois face au régime en place qui s'oppose à la démocratie et ne laisse pas à l'individu chinois la place que ce dernier tend à présent à obtenir. On est à même de réaliser la corrumption du parti et les failles du système conservateur, qui retarde la modernisation réelle qu'attend le peuple. 

2.2 La pertes des racines 

Concomittant à la naissance de l'individu et à la découverte d'une culture nouvelle, le désir d'affirmer sa culture naît en Chine. Cependant, la perte du confucianisme, causée par la Révolution culturelle, et la naissance des doutes du communisme, le peuple chinois et principalement ces étudiants, ont le sentiment d'avoir perdu leurs racines, leur identité chinoise. Voulant une « modernisation de la Chine à l'occidentale «41, les jeunes doivent trouver la place de la mentalité et de l'essence chinoise dans la modernité. 1985 marque l'apparition du mouvement « à la recherche des racines «42. C'est d'un effort commun que les intellectuels tentent de réinventer la Chine actuelle, de la définir, de l'affirmer. La perte des racines est marquée par le désir du peuple d'atteindre la modernité et de se positionner face à elle. Le désir de, non pas imiter l'Occident en tant que tel, mais de s'en inspirer pour trouver la mentalité chinoise. L'opposition du capitalisme est encore présente, il ne s'intègre pas à la mentalité chinoise. 

2.3 La place du confucianisme dans la démocratie 

Un autre questionnement vint ébranler la quête identitaire. La perte du confusionnisme encouragée par Mao Zedong, est à nouveau d'actualité. Le peuple chinois prend conscience que la mentalité engendrée par le confusionnisme et qu'on avait, durant longtemps, qualifié de « mentalité d'esclave « n'est peut-être pas la cause réelle de son inaptitude à la démocratie, ni même de sa modernisation. Le Japon, voisin de la Chine, à, quant à lui, réussi à se moderniser sans abandonner ses valeurs et sa culture confucéenne. Du 31 août au 4 septembre, à lieu à Qufu, en Chine, un colloque sur le confusianisme, le premier depuis 194943. Les intellectuels et philosophes chinois questionne à nouveau la possibilité d'une démocratie confucéenne, on recommence à percevoir en la mentalité traditionnelle chinoise une aptitude à la démocratie. 

 

3. Revendications et idéaux 

Durant le règne de Deng Xiaoping, il devient de plus en plus fréquent de voir des dazibaos affichés sur les murs que posent les étudiants partout dans les ville afin de réclamer la démocratie, la liberté et la fin de la corruption du gouvernement. « Le 13 janvier 1977, des affiches en grands caractères sont apposées à Pékin, qui réclament une « extension des droits démocratiques « et le droit, pour le peuple de choisir ses dirigeants «44. Le peuple chinois « s'éveille «, il affirme son désir, bien que publiquement, le peuple est plus silencieux, moins libre de parler, la censure étant fortement présente et les informations gèrées par le gouvernement, notamment au travers du « Quotidien du peuple «. Dès 1977, il a, néanmoins, prit l'habitude de s'exprimer et trouvé un moyen de le faire. 

De plus, les vertues socialistes inculquées au peuple depuis plusieurs années avait marquées profondément l'imaginaire du peuple, qui voyait en les agissements du gouvernement, la forte corruption qui régissait le parti, une opposition inadmissible et incompréhensible vis-à-vis leur mentalité45. Depuis la libération des pensés, les chinois osent remettre le système et son fonctionnement en cause, c'est pourquoi leur opposition face à la corruption sera de plus en plus vive, de plus en plus frappante. L'écart qui se marque de plus en plus entre certains individus déplait grandement au peuple et surtout aux étudiants. Ils ne veulent pas retourner en arrière, ils n'ont pas oubliés les horreurs passés. Les dazibaos continueront de prospérés. 

Qui plus est, Deng Xiaoping ne pu éviter une inflation considérable et, bien que les revenus aie augmentés, acheter de la nourriture devenait de plus en plus coûteux pour le peuple. « À la fin des années 70, le revenu d'un citadin était compris entre 30 et 50 yuans. En 88, un couple d'ouvrier pékinois pouvait gagner environ 300 yuans, 200 au moins partant pour la nourriture «46. Les habitants ne se sentent plus en sécurité avec Deng Xiaoping au pouvoir. 

3.1 Une période parsemée de manifestations 

Entre l'hivers 1978 et le printemps de 1979, on assiste en Chine à ce qui sera par la suite surnommé le premier printemps de Pékin. Sur le mur de Xidan à Pékin, les chinois expriment, suite au mécontentement causé par la Révolution culturelle, leur désir d'une démocratie chinoise. Bien que ce mouvement ait été lancé par le gouvernement, ce dernier n'ayant pas estimé que la population vivait un tel mécontentement est pris par surprise et réagit par la violence, arrête les principaux leaders du mouvement et tente d'émousser le désir démocratique. Il sera dorénavant interdit d'afficher sur le mur de Xidan47. Entre 1981 et 1984, Deng Xiaoping lance successivement une campagne contre le libéralisme bourgeois et une contre la pollution spirituelle afin d'aténuer le désir de liberté du peuple chinois et de combattre ces « poisons capitalistes «48, campagnes qui se concluent par des arrestations et des condamnations à mort. 7 ans après le premier printemps de Pékin, un mouvement nait à l'université technologique de Hefei, qui envahi peu à peu les principales villes chinoises. « Liberté, égalité, démocratie «49 voilà ce que réclament ces étudiants qui s'opposent à la corruption du parti et à l'invasion des produits japonais en Chine. 1987, un an plus tard, « les étudiants de l'université de Pékin brûlent le « Quotidien du peuple « pour dénoncer la partialité de la presse à leur égard «50. 

 

3.2 L'éclatement; Les manifestations de la Tien na men en 1989 

 

En 1987, Hu Yaobang, secrétaire général du Parti Communiste Chinois est banni du parti pour avoir été trop clément envers les mouvements démocratiques des étudiants de 1987. Pour les étudiants, Hu Yaobang était un symbole, il est l'alié de la démocratie au sein du parti et , lors de sa mort en 1989, les étudiants manifestent leur appuis envers lui et demandent sa réabilitation afin qu'il recoive les hommages mortuaires qui leurs semblent être son dût. Le gouvernement y conscent, conscient des nombreuses manifestations qui ont sévi au cour des dernières années, ils savent le mécontentement du peuple et ne veulent pas perdre le pouvoir. Néanmoins, le parti refuse de faire passer le cortège devant le public. Malgré les demandes des étudiants de parler à leurs dirigeants, le gouvernement reste impartial et refuse de les entendre. C'est alors que les manifestations commencent et rassembleront de plus en plus de citoyens. On peut estimer que le mécontentement visible et croissant du peuple qu'avait dévoilé les manifestations précédentes explique la rigidité du gouvernement face au deuxième printemps de Pékin qui sévira avec violence et n'hésitera pas à tuer étudiants et citoyens qui s'opposeront à son pouvoir. 

 

CONCLUSION 

En sommes, les manifestations du printemps de Pékin en 1989 sont le reflet de la mutation importante de la Chine au cour du XXème siècle. Le désir d'atteindre la modernité l'entrainera vers la voix communiste et l'imitation, ou du moins l'inspiration, de l'Occident. Le désir de libéralisation était d'ors-et-déjà vivace en Chine, mais n'atteindra une réelle apogée que lorsque le peuple se trouvera confronté à l'échec du communisme qui n'aura pas modernisé la Chine, bien au contraire, la Révolution culturelle aura été si dommageable, que, à sa sortie, le peuple se permettra peu à peu la remise en question et la critique de son propre régime. Les critiques du régime et le désir de se forger à nouveau une identité chinoise apte à s'inscrire dans la modernité, incitera le peuple et principalement les étudiants, à vouloir agir et modifier le cour de l'histoire. C'est pourquoi en 1989, après 10 ans de revendications de plus en plus virulente, les étudiants chinois déclencheront une manifestation d'envergure à Pékin, dont la répression violente ne sera pas sans conséquence. Aujourd'hui, le gouvernement chinois à changé. La Chine se modernise. Il reste encore à savoir et à comprendre la place qu'occupe la démocratie de nos jours en Chine et l'impact de la répression de Tien na men sur les idéaux défendus par ces étudiants qui se seront sacrifiés. 

 

BIBLIOGRAPHIE 

 

Livre 

 

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DELMAS-MARTY, Mireille, PIERRE-ÉTIENNE, Will. La Chine et la démocratie, Fayar, France, 2007, 890 p. 

 

DE VILLIERS, Gérard. La Chine s'éveille, Paris, Plon, 1979, 347 p. 

 

DULLIN, Sabine. Histoire de l'URSS, Paris, Édition La Découverte, 2009, 122 p. 

 

ELISSEEFF, Danielle. Histoire de la Chine : les racines du présent, Monaco, Editions du Rocher,1997, 293 p. 

 

GARDER, Michel. Mao Tsé-toung, Paris, Édition La Table Ronde, 1960, 126 p. 

 

GAUDU, Agnès. Chine, l'empire déchiré, Paris, Ramsay, 1989, 273 p. 

 

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LEGRAND, Jacques. Chroniques de l'histoire Mao Zedong, Bassilac, Éditions Chronique, 1998, Aéroport de Périgueux,160 p. 

 

LICHUAN, Chen, Christian THIMONIER. L'Impossible printemps : une anthologie du printemps de Pékin, Paris, Rivages, 1990, 239 p. 

 

PÉRÈS, Rémi. Chronologie de la Russie au XXe siècle : histoire des faits économiques, politiques et sociaux, Paris, Édition Vuibert, 2000, 219 p. 

 

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PEYREFITTE, Alain. La Chine s'est éveillée : carnets de route de l'ère Deng Xiaoping, Paris, Édition Fayard, 1996, 404 p. 

 

Revue 

 

Chine : le roman d'une révolution inachevée, Publication comme no 7, sept.-oct. 1989 de la revue Documents Observateur, Paris, 1989, 190 p.

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