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Les réorientations nécessaires de George W. Bush

Publié le 17/01/2022

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11 septembre 2001 PLUS POPULAIRE que jamais, George W. Bush surfe sur les sondages alors qu'il y a dix jours encore près d'un Américain sur deux conservait des doutes sur la légitimité de son élection. Les sanglants attentats du 11 septembre ont bouleversé la donne dans un pays qui, en temps de crise, se range traditionnellement derrière son président et se drape dans les plis de la bannière étoilée. Malgré quelques flottements initiaux et son manque de charisme, il est vite apparu, dans cette atmosphère d'unité nationale, comme un président incontesté. Et il a su rappeler à ses compatriotes que les millions de musulmans américains - désormais plus nombreux que les juifs - n'étaient pas tous des terroristes. Mais, pour un homme qui se détermine constamment par rapport à son père, l'ancien président George Bush, il importe de ne pas oublier qu'un peu plus d'un an après sa victoire dans la guerre du Golfe, George Bush senior était battu par un obscur gouverneur démocrate du nom de Bill Clinton. Pour continuer d'inspirer ses compatriotes, pour rassembler une coalition internationale indispensable à sa guerre contre le terrorisme et pour l'emporter face à Oussama Ben Laden, George W. va devoir modifier son style et sa politique. Il lui faudra choisir entre les stratégies proposées par son équipe : celle, plus modérée et multilatéraliste, du secrétaire d'Etat, Colin Powell, ou celle des unilatéralistes du Pentagone, proches du vice-président et éminence grise Dick Cheney. Car, si le général Colin Powell, fort de son expérience de la guerre du Golfe, fait preuve de prudence et reconnaît qu'il faudra un peu tenir compte des alliés, le secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld, a déclaré que la croisade antiterroriste ne s'arrêterait pas avec la capture d'Oussama Ben Laden, et son adjoint Paul Wolfowitz a, dans des propos aux relents de guerre froide, appelé à « détruire les sanctuaires [des, leurs systèmes de soutien » et à « mettre fin aux Etats qui soutiennent le terrorisme ». George W. Bush pourra-t-il rassembler sur une telle base une coalition durable allant de l'OTAN à la Russie, à la Chine et aux nations musulmanes ? Pourra-t-il obtenir un soutien sans failles à ses projets de représailles aux limites mal définies s'il ne réalise pas qu'il doit revoir la politique de cavalier seul poursuivie depuis des mois ? Cela fait en effet longtemps que Washington n'avait pas affiché une telle désinvolture à l'égard du reste du monde. Il a ainsi tenté d'imposer son bouclier antimissile - pourtant inefficace face aux menaces terroristes - et manifesté son dédain pour le traité antibalistique ABM comme pour bien d'autres conventions qui régissent les relations internationales. Il s'est opposé au protocole de Kyoto sur l'environnement, aux efforts pour lutter contre le blanchiment de l'argent sale - pourtant fort utiles pour traquer celui des islamistes - ou au contrôle des armes à feu. Sans autre justification que les intérêts de l'Amérique, du moins tels qu'il les conçoit. CONFONDRE DIALOGUE ET RALLIEMENT Les assurances de consultation risquent de ne pas suffire si elles ne sont pas suivies d'effet, alors que l'antiaméricanisme qui subsiste en Europe n'a pas été effacé par l'émotion qu'a soulevée le carnage du World Trade Center. Rares sont ceux qui sont prêts à suivre Washington les yeux fermés dans une aventure sur laquelle ils n'auraient aucun contrôle. La conception du « dialogue » qu'ont bon nombre de membres de l'administration, tous partis confondus, n'est plus acceptable comme du temps de la guerre froide et de la menace soviétique. Comme le remarquait un diplomate allemand lors d'un récent colloque, Washington a la fâcheuse habitude de confondre dialogue et ralliement aux positions américaines. Nécessité faisant loi, George W. Bush est finalement intervenu dans le conflit israélo- palestinien, lui qui avait, jusqu'à présent, tenu à bout de bras le Proche-Orient, se contentant d'un soutien inconditionnel à son ami Ariel Sharon. Il en allait du soutien des pays arabes à sa lutte contre Ben Laden à un moment où la seconde Intifadah exacerbe l'antiaméricanisme des masses musulmanes. Lui qui avait refusé de recevoir Yasser Arafat a fait pression sur les deux camps, et imposé un cessez-le-feu. Il faudra aussi qu'il refuse de se laisser piéger par ceux qui tenteraient d'utiliser la crise actuelle à leur profit, que ce soit Vladimir Poutine, pour justifier sa sanglante campagne en Tchétchénie, ou Ariel Sharon, s'il voulait reprendre sa croisade contre l'OLP. Ou, aux Etats-Unis mêmes, par cette droite fondamentaliste chrétienne dont il est politiquement proche mais dont les débordements verbaux rappellent par trop ceux des islamistes. A l'exemple des révérends Falwell et Robertson, qui ont affirmé que les récents attentats étaient un châtiment de Dieu contre une Amérique qui ne va plus assez à l'église et où il y a trop d'homosexuels, d'avortements... Car ce n'est pas seulement en politique internationale que le conservatisme du président américain a montré ses limites. Lui qui prônait un ultralibéralisme économique et qui avait critiqué l'interventionnisme de son prédécesseur démocrate Bill Clinton prépare aujourd'hui un plan de relance de cette même économie. C'est à sa capacité à s'adapter aux circonstances que l'on reconnaît un bon président. A ceux qui se moquaient de son aspect un peu fruste, il a répliqué qu'il était assez déterminé pour entrer à la Maison Blanche. A ceux qui attendaient un faux pas fatal, il a montré que, sans avoir le charisme de certains de ses prédécesseurs, il avait une capacité de survie. Reste à prouver qu'il saura imprimer sa marque à l'Amérique dans l'adversité, sans la lancer dans un nouveau bourbier de type vietnamien.

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