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L’ETAT UNITAIRE ET DECENTRALISATION

Publié le 29/03/2014

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L’ETAT UNITAIRE ET DECENTRALISATION 

 

« Il y a en matière de décentralisation une volonté de proximité, une idée de contrôle des électeurs sur l’action administrative, de finalité libérale et démocratique, la décentralisation est bien une affaire politique, une technique de liberté « a déclaré le professeur de droit J. Viguier dans droit constitutionnel. 

En effet la décentralisation permet une meilleure appréciation des besoins et vœux de la population et crée une responsabilisation des citoyens avec les élections. 

Selon Patrick Devedjian, ancien ministre délégué aux libertés locales, la décentralisation « n’est ni autoritaire, ni obligatoire, ni administrative, mais a pour but de confier davantage de liberté aux élus «. 

Face à ceux qui voyaient en l’article 1 de la Constitution de 1958 le reflet d’une « logique fédéraliste « Dominique Perben a expliqué : « unité ne signifie pas uniformité, il ne s’agit pas de faire dépérir l’Etat mais de choisir le bon service de compétence au service de nos concitoyens «. 

 

La première forme de l’Etat français fut l’Etat unitaire absolu (forme qui consiste à articuler le pouvoir autour des organes centraux de l’Etat, dans la capitale donc principalement le gouvernement de Paris), mais étant source de lenteur et de rigidité administratives« apoplexie au centre et paralysie aux extrémités « on a basculé vers déconcentration (transfert au sein d’un même institution le pouvoir de décision d’une autorité supérieure vers une autorité hiérarchiquement inférieure de cette même institution), en 1852 on a le premier transfert de pouvoir entre le ministre et le préfet. 

L’article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958 attribue à la France une organisation décentralisée qui permet un rapprochement du pouvoir central aux administrés. 

 

Les Etats unitaires pratiquent majoritairement la décentralisation qui consiste en des transferts d’attributions de l’Etat à des institutions juridiquement distinctes de lui. 

En France ces institutions juridiquement distinctes de l’Etat sont les collectivités territoriales dont les trois principales sont : la commune, le département, et la région. 

La décentralisation consiste alors à faire administrer un ensemble de services dans une collectivité locale. 

 

L’Etat unitaire est un Etat au sein duquel la souveraineté ne fait l’objet d’aucun partage. En effet on peut constater dans l’Etat unitaire qu’il n’y a qu’une constitution, un gouvernement unique, ainsi qu’une législation unique qui s’applique de façon uniforme sur l’ensemble du territoire et de la population. « L’Etat unitaire se caractérise donc d’une double unicité : celle des organes de l’Etat et celle des ordonnancements juridiques « a définit le professionnel de droit Espuglas. 

 

La République française est le nom officiel de la France, de son Etat et de son régime politique. 

Depuis 1946 elle est définie comme « indivisible, laïque, démocratique, et sociale «. 

L’indivisibilité est le principe selon lequel l’Etat et son territoire ne peuvent morcelés par l’effet de sécessions, aliénations ou démembrements. 

 

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a marqué un tournant décisif dans principe de la libre administration des collectivités territoriales qui était déjà présent dans la Constitution. 

 

Nous pouvons à partir de là nous demander si l’organisation décentralisée est une atteinte au caractère unitaire (indivisible) de la France ? 

 

Nous verrons en premier lieu en quoi le principe d’indivisibilité est la base constitutionnelle de l’Etat unitaire (I) puis nous expliquerons en quoi l’organisation décentralisée de la France est limitée et s’inscrit dans une continuité de l’Etat unitaire (II). 

 

I/ LA PRESERVATION DU CARACTERE UNITAIRE DE L’ETAT : LE PRINCIPE D’INDIVISIBILITE DE LA REPUBLIQUE 

 

A) bases constitutionnelles du principe d’indivisibilité 

 

L’article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose : « La France est une République indivisible (…) «, elle s’inscrit dans la continuité constitutionnelle depuis 1791, en effet l’article 1 du titre II de la Constitution du 3 septembre 1791 dispose : « le Royaume est un et indivisible «. 

 

« Depuis deux siècles, la République française repose sur un triple fondement : celui de l’indivisibilité c'est-à-dire l’unicité territoriale, celui de l’égalité (de tous devant la norme) et enfin celui de l’universalité de la norme. « a expliqué le professeur Jean Gicquel. 

Selon lui l’unité vise : « le principe d’organisation d’un Etat au sein duquel une volonté unique s’exprime tant au point de vue de son agencement politique que de son ordonnancement juridique «, c'est-à-dire l’expression d’une volonté unique tant au niveau des organes de l’Etat que du droit applicable au sein d’un Etat. 

Le principe d’indivisibilité marque les frontières de l’autonomie locale. 

On peut distinguer trois aspects principaux correspondant aux trois éléments constitutifs de l’Etat : l’indivisibilité de la souveraineté, du territoire et du peuple. 

 

B) L’indivisibilité de la souveraineté, du territoire et celle du peuple 

 

L’indivisibilité de la souveraineté et celle de la République sont étroitement imbriquées. La souveraineté définit une puissance absolue, suprême et indivisible ; elle est une forme supérieure d’autorité parce que rien ne peut s’opposer à elle ni la déterminer. 

Exclusivement détenue par l’Etat qui détient ainsi « le monopole de la contrainte organisée «, la souveraineté fait de lui l’institution la plus importante au sein de la société politique. Il en résulte d’une part que les collectivités territoriales, dans l’exercice de leurs compétences, doivent respecter les prérogatives de l’Etat et d’autre part que la source première du pouvoir normatif est dans l’Etat. 

Au regard de la jurisprudence constitutionnelle, le principe d’indivisibilité de la République ne signifie pas que le territoire de la République est intangible. Il n’empêche pas l’accès par exemple aux territoires d’outre-mer, à leur indépendance. 

Cependant ce principe s’oppose à une différenciation trop importante des droits applicables sur les différentes parties du territoire, notamment en matière de libertés publiques. 

 

L’homogénéité de la Nation devait être renforcée par l’homogénéité du droit applicable sur tout le territoire mais on doit admettre « qu’indivisibilité ne signifie pas uniformité «, en effet la diversité des régimes juridiques applicables à telle ou telle partie du territoire est admise, même si elle rencontre des limites : égalités des citoyens devant les « libertés publiques «, la solidarité nationale, et l’exigence d’homogénéité au niveau du traitement des personnes sur l’ensemble du territoire. 

Le principe d’indivisibilité de la République, en combinaison avec le principe d’égalité commande l’unicité du peuple français et interdit donc toute différenciation (discrimination) entre citoyens constituants un même peuple (décision « statut de la Corse « de mai 1991). 

On peut admettre que «L’Etat français manifeste inévitablement deux tendances : une tendance à l‘unité et une autre à la diversité, à la proximité territoriale «, cela peut expliquer la cohabitation en France de l’Etat unitaire et de son organisation décentralisée. 

 

La Constitution, norme suprême en droit interne, fait de la décentralisation le mode d’organisation de la République. 

Cela ne remet pas en cause le caractère unitaire de l’Etat, c’est une adaptation de ce principe du point de vue de la répartition des compétences. 

 

II UNE ORGANISATION DECENTRALISEE INSCRITE DANS LA CONTINUITE DE L’ETAT UNITAIRE MAIS LIMITEE 

 

A) L’évolution de la décentralisation en France 

 

La décentralisation a été mise en œuvre à partir de la loi Defferre de 1958 portant sur les « droits et libertés des communes, départements et régions « visant à accorder davantage d’autonomie aux collectivités territoriales. 

Selon l’article 72 de la Constitution de 1958 : « Les collectivités territoriales sont les communs, départements, régions, les collectivités à statut particulier, et les collectivités territoriales régies par l’article 74 « 

 

Il y a une seconde vague de décentralisation à partir de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Cette révision a confirmé le principe de libre administration des collectivités territoriales qui était déjà présent ds la Constitution. 

Le principe de libre administration, principe de rang constitutionnel, s’impose au législateur et à toutes les autorités administratives. 

Ce principe énoncé explicitement dans l’article 72 de la Constitution de 1958 tient dans l’élection des assemblées délibérantes des collectivités territoriales. 

Le principe d’égalité du suffrage, principe constitutionnel (article 3 alinéa 3 de la Constitution de 1958) s’applique tant au niveau national que local des élections. Cela entraine une représentation égalitaire des suffrages et permet, selon le conseil constitutionnel, le respect des « bases essentiellement démographiques «. 

 

L’attribution de la personne juridique est un élément nécessaire à la décentralisation car elle conditionne l’autonomie organique et fonctionnelle des structures infra-étatiques. Pour permettre une décentralisation effective cette autonomie doit être le résultat de l’indépendance organique assurée lorsque les organes dirigeants des collectivités décentralisées ne relèvent pas du pouvoir hiérarchique ou central, ainsi que le résultat de pouvoirs de décision au sein des collectivités territoriales. Celles-ci sont dotées d’une autonomie financière (article 72-2 de la Constitution de 1958). 

En France les décisions prises par les collectivités territoriales sont exécutoires de plein droit ; les compétences sont transférées de l’Etat vers les collectivités territoriales : la politique sociale et rurale au département (RSA), le développement économique à la région. Mais cette méthode n’a pas fonctionné car les différentes lois ont fait perdre du pouvoir aux collectivités territoriales. 

 

Selon la réforme de 2003 les collectivités territoriales peuvent déroger à titre expérimental à une loi ou un règlement en vigueur. Pour être effective, la libre administration suppose que les moyens tant juridiques que financiers afin d’assurer une autonomie de décision. 

Celle-ci est limitée par le contrôle administratif exercé par l’Etat (article 72 al. 6) et par la nécessité de maintenir un pouvoir normatif, conséquence du caractère unitaire de l’Etat. 

 

B) Une organisation décentralisée mais limitée par la loi 

 

Si le principe de libre administration a valeur constitutionnelle, il ne peut entrainer le fait que l’application d’une loi organisant l’exercice d’une liberté publique dépende de décisions des collectivités territoriales et qu’elle ne soit pas la même sur tout le territoire : c’est ainsi que la décision du 13 janvier 1994 a déclaré contraire à la Constitution l’article 2 de la loi relative aux conditions de l’aide aux investissements des établissements d’enseignement privés par les collectivités territoriales. 

On peut observer aussi une certaine contrainte dans le domaine des dépenses : « le législateur peut définir des catégories de dépenses obligatoires pour les collectivités territoriales : ces obligation doivent être définies avec précaution quant-à leur objet et leur portée «. 

Le conseil constitutionnel lors de sa décision du 29 mai 1990 a ainsi rappelé l’obligation faite aux départements d’inscrire à leur budget une contribution au fond de solidarité pour le logement, la loi ayant prévue d’associer les départements à la mise en œuvre du plan départemental d’action pour le logement. 

Cependant suite à la réforme constitutionnelle de mars 2003 les collectivités territoriales pourront « fixer l’assiette et le taux des impositions dans les limites fixées par la loi et aucun transfert de compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales ne se fera sans transfert de ressources correspondantes «. 

 

L’organisation administrative française est devenue très compliquée, on se perd dans le «mille feuille administratif « : commune, inter-commune, département, région, Etat, Europe. 

De nos jours on tente de fusionner les élus des conseils régionaux et généraux. «

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