Lettre du prince de Conti à Molière parcourant la province avec sa troupe (1658). Il l'engage à venir se fixer à Paris, en lui montrant tous les avantages qu'il y trouvera comme acteur et comme auteur.

Vous n'avez pas dans cette lettre à tenir compte de la personnalité du prince de Conti que vous ne pouvez pas connaître. Mais vous avez à vous souvenir que c'est un très grand seigneur, un prince du sang, et qu'un grand seigneur ne pouvait à cette date considérer un directeur de troupe théâtrale (d'ailleurs inconnu comme auteur) que comme un très humble inférieur. Vous devrez donc éviter tout ce qui semblerait traiter Molière d'égal à égal, les « mon cher ami... », les « ne disions-nous pas », etc. Vous devrez surtout penser à la date de 1658. A cette date Molière n'a rien publié. Les oeuvres personnelles qu'il a fait jouer sont des farces (que nous ne sommes pas sûrs de connaître) et deux comédies d'intrigue. Il serait absurde que le prince de Conti écrivît à Molière : « Vous pourrez écrire l'Ecole des femmes, le Misanthrope, le Tartuffe, les Femmes savantes», même si vous ne nommez pas ces pièces par leur titre. Vous pourrez, vous devrez dire : « Si vous voulez observer les travers et les vices des hommes et nous faire rire à leurs dépens, c'est à Paris que vous observerez mieux certains d'entre eux, dans les salons, à la cour, etc. 2., mais vous pourrez, vous devrez même ne pas limiter votre tableau de la vie parisienne aux parties que Molière en a peintes; il faudra déborder un peu. De même vous devrez dire : « C'est à Paris que vous rencontrerez des beaux esprits (on ne disait pas gens de lettres) dont la société vous sera agréable et utile. » Mais ne nommez ni Boileau, ni La Fontaine, ni Racine, encore tout à fait ' inconnus en 1658. Votre développement devra porter surtout sur les caractères de la vie parisienne, ceux de la vie de cour et de salon, ceux de la vie littéraire.