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L'offensive des Ardennes

Publié le 17/01/2022

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16 décembre 1944 - Militairement, l'offensive des Ardennes fut brève : entre le 16 décembre 1944 et le début janvier 1945 jouée aux frontières orientales de la Belgique, dans l'angle de la Meuse; le massif des Ardennes, que l'état-major français avait, avant la guerre, tenu pour impénétrable, offrait, en plein hiver, des obstacles assez évidents pour que le commandement allié, à une exception près, ne crût pas que Hitler tenterait une fois encore le coup qui lui avait si bien réussi au printemps 1940 : la marche sur la Meuse, puis la course à la Manche ou à Anvers. Deux cent cinquante mille soldats allemands attaquèrent soixante-quinze mille Américains, avec de gros moyens en blindés, mais pour tout carburant l'espoir d'en conquérir le troisième jour, si l'offensive atteignait alors un dépôt situé sur la Meuse. Improvisée, la défense américaine fut parcellaire dans les premières heures, mais le raidissement suffisant pour qu'au premier soir l'élan allemand fût déjà ralenti. La résistance de Bastogne assiégée, défendue par les parachutistes américains, et celle de Saint-Vith bloquèrent toutes les voies de communication vers l'ouest et le nord. Lorsque, le 16 janvier 1945, les forces américaines eurent totalement réduit ce saillant, sans parvenir à encercler les divisions ennemies, le bilan était très lourd pour les deux camps : vingt-quatre mille tués, soixante-trois mille blessés, seize mille prisonniers chez les allemands huit mille tués, quarante-huit mille blessés, vingt et un mille prisonniers chez les alliés. Quinze jours plus tard, le 4 février, s'ouvrait la conférence de Yalta, alors que l'offensive soviétique marchait bon train. En dépit des apparences, le dernier sursaut allemand n'entraîna pas la convocation de la rencontre Staline-Roosevelt-Churchill, prévue avant son déclenchement. Il ne retarda rien, il ne fit perdre aux alliés aucune occasion. Foncer sur Anvers Toutes les chances, en effet, avaient été gaspillées à la fin d'août, au moment même où Hitler décidait l'offensive, déterminé, en pleine débâcle à l'Est comme à l'Ouest, à relancer les dés. C'est le 1er septembre 1944 qu'il confiait au maréchal Von Rundstedt la mission de couvrir les frontières du Reich, en conservant les Pays-Bas et les bouches de l'Escaut, en lançant une contre-offensive, alors que les alliés marchaient vers le Rhin. Rundstedt, dont le nom vint baptiser l'offensive des Ardennes, en fut en réalité l'adversaire résolu pendant tout l'automne. Absolument sceptique sur les intentions, les moyens et les spéculations, il se bornait à vouloir dégager Aix-la-Chapelle. Pendant deux mois, Hitler parvint à duper non seulement les alliés, mais son propre état-major sur ses intentions véritables. C'est le 24 octobre que le Führer révéla son plan : reprendre l'initiative, foncer sur Anvers jour J : le 25 novembre. Les généraux tergiversèrent, plaidèrent pour une campagne d'usure, moins ambitieuse. Ils échouèrent et, finalement, la date de l'assaut fut fixée au 16 décembre. On tablait sur une consommation de carburant qui permettrait de couvrir 200 kilomètres en deux jours. Au-delà, il fallait s'en remettre à l'espoir de s'emparer de dépôts alliés. Le 18 au soir, les éléments de pointe devaient avoir atteint la Meuse sinon, l'échec devrait être admis. Deux opérations marginales devaient semer le désordre dans les rangs alliés : le saut de trois cents parachutistes allemands en arrière du flanc nord et l'utilisation d'une compagnie de faux soldats américains pour saboter les arrières alliés provoquèrent une confusion extrême sur les itinéraires des renforts, et leur action fut avant tout psychologique. A l'été 1944, au moment même où les allemands font retraite vers le Rhin et leurs frontières, les alliés qui les talonnent sont à bout de souffle. Ils ignorent leurs faiblesses respectives. Von Rundstedt n'a que cent chars, soixante-cinq divisions, dont le quart seulement à effectifs normaux. Et il doit tenir six semaines. Eisenhower a trente-sept divisions, plus neuf qui montent la vallée du Rhône. Ses avant-gardes franchissent la frontière allemande le 11 septembre près de Trèves. Mais il n'attaque pas, et Montgomery envoie les parachutistes britanniques au massacre à Arnhem. Une phase de piétinement, où Eisenhower est seul, à court d'hommes, de matériel, de carburant, au bout de lignes de communications démesurées. Il n'a reçu, en outre, aucune directive politique. Roosevelt et Churchill ne sont toujours pas d'accord sur la disposition des forces à adopter pour atteindre l'Allemagne. Le sort de Berlin est fixé le 12 septembre par la commission consultative pour l'Europe : la zone d'occupation soviétique s'étendra vers l'ouest, bien au-delà de la capitale. Alors, à quoi bon envisager de la conquérir? Ainsi, jusqu'à l'offensive des Ardennes, se passent trois mois d'une nouvelle " drôle de guerre " de position, où les soldats américains se font abondamment tuer. Pour Hitler, c'est le temps de l'indécision dans l'attente du miracle, celui que constituerait l'éclatement du camp adverse, la chimère du renversement des alliances. Contre Goering et Ribbentrop, Goebbels l'encourage dans la recherche d'une négociation avec Moscou qui donnerait le temps de fabriquer les armes secrètes. Les chefs nazis, mais aussi leurs otages, prisonniers des camps de concentration, travailleurs étrangers, croient que la fin de la guerre est proche. L'offensive des Ardennes les détrompera, et l'Europe entière sera moins surprise du retour de la force allemande que de la révélation de la faiblesse alliée. En France, c'est franchement la peur. Au quartier général d'Eisenhower à Versailles, un officier de la suite du général Juin lance le 18 décembre " Eh quoi ! Vous ne faites pas vos valises ? " Boutade pour le moins malheureuse, mais lourde des fantômes du grand exode de juin 1940. La panique fait boule de neige, répercutée par la presse, très peu en accord avec l'état d'esprit d'Eisenhower, qui, dans la solitude, décide de résister et de confier l'aile nord du front à Montgomery, en dépit de la fureur des généraux américains, ses compagnons. Durant des décennies, le souvenir de la grande peur, du grand froid de Noël 1944 autour des feux d'essence, a enveloppé les noms de Bastogne, de Rundstedt. Hitler conduisit cette phase de la guerre selon une conception mythologique des miracles allemands, et avec l'obsession de répéter l'histoire, en totale méconnaissance de ses moyens. Mais, du côté allié, quel gâchis ! On songe à Clemenceau, Lloyd George et Foch, à la fin de la première guerre. Ils assuraient une véritable direction politique face à un authentique chef de guerre. Roosevelt et Churchill, quel tandem boiteux ! Le vieux Lion britannique savait bien, dès cette époque, quel prix l'Europe paierait pour les ingénuités de Roosevelt.

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