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Logement : la France est-elle condamnée à la crise ? Jean Bosvieux

Publié le 22/03/2014

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Logement : la France est-elle condamnée à la crise ? 

Jean Bosvieux 

 

« Un pays est en situation de crise du logement lorsqu’il apparaît de façon brusque et intense, mais pendant une période limitée, un déséquilibre entre l'offre et la demande de logements. Cependant, la durée prise en compte est souvent longue (la construction est une opération longue, de l'ordre de l'année ou plus, et pendant ce temps la demande peut augmenter plus vite que l'offre) et certains étendent très largement la notion de "crise" pour l'appliquer à toute situation qui leur apparaît imparfaite et ainsi justifier une action importante «. Wikipedia, article « Crise du logement «. La France vit en permanence ou presque en état de crise du logement, au moins depuis la fin de la première guerre mondiale. L’expression n’a jamais cessé d’être utilisée dans les discours ou dans la littérature spécialisée, mais il semble bien qu’elle le soit de plus en plus fréquemment depuis quelques 1 années. C’est ce qu’a constaté un groupe d’élèves de l’ENA qui, en 2005, s’est penché sur le sujet . Cherchant à en appréhender le contenu, ce groupe constate que « l’utilisation indifférenciée du terme lui enlève toute pertinence scientifique «, ce qui n’empêche pas - ou ce qui explique - que « la crise du logement s’impose comme une évidence «. De fait, le contenu de l’expression semble différer selon l’époque à laquelle elle est employée et les personnes qui l’utilisent. L’état de crise a en quelque sorte été officialisé par Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement, qui déclarait en 2004 : « C’est une crise de l’offre […] ; jamais l’immobilier n’a été aussi florissant en France depuis vingt ans et pourtant jamais la crise du logement n’a été aussi forte dans le logement social «. La situation était pourtant sans commune mesure avec celle qu’avait connue la France au début des années 50, où le retard de construction était estimé à 3,9 millions de logements, chiffre qu’il faut rapporter à un parc de logements moitié moins important qu’aujourd’hui. Plus que de cette ème estimation qui servit pourtant de fondement aux objectifs du 2 Plan, on se souvient de l’appel au secours de l’abbé Pierre en 1954 pour les sans abri. Aujourd’hui, s’il existe toujours ou de nouveau des sans-abri, le déficit d’offre est bien loin d’être aussi important, même pour les plus généreux évaluateurs des « besoins en logements «. Que peut donc signifier l’expression de crise du logement ? 

 

 

La crise du logement en France, séminaire relatif au logement, juillet 2005. 

 

 

Une expression qui renvoie à des représentations diverses… 

 

Pourquoi parle-t-on de crise du logement en France ? 

Il est rare que l’expression « crise du logement « soit absente des discours sur la politique du logement, que ceux-ci émanent d’hommes politiques, d’organisations professionnelles, d’associations ou de journalistes. Selon le groupe de l’ENA, « le contenu de la représentation de crise se fonde sur une description sélective, confuse et angoissante de la réalité. Elle est appréhendée de manière fruste comme un phénomène homogène dont les causes et les symptômes sont noyés dans un amas de faits convergents…. Son analyse par la presse écrite se réduit au choix d’un nombre restreint d’indices capables de confirmer par l’exemple la certitude de départ, à savoir l’existence d’une crise : - la flambée des prix dans les centres-villes, qui pousse les classes moyennes à s’excentrer ; - la pratique des ventes à la découpe, qui oblige les locataires à choisir entre « exil « en banlieue et sacrifice financier important en cas de rachat ; - l’allongement des files d’attente, notamment pour les HLM ; - le phénomène endémique de l’hébergement et du mal logement décrit à travers le recours à des solutions de fortune toujours plus précaires ; - les expulsions locatives, la fin de la trêve hivernale devenant un moment médiatique ; - les sans-abri : même si le thème s’est institutionnalisé, il réapparaît en période hivernale ; par ailleurs, le nombre de sans-abri est souvent rapporté dans une équation simpliste au nombre de logements vacants, sans s’interroger sur le taux historiquement bas de vacance «. La sur-médiatisation de tout ce qui concerne Paris, qu’il s’agisse du niveau des prix et des loyers, des ventes à la découpe ou des opérations spectaculaires comme le squat de certains immeubles, contribue à accréditer l’idée d’une crise, alors que la capitale, archétype d’un marché tendu, n’est en aucun cas représentative de la situation du logement en France. La Fondation Abbé Pierre, quant à elle, fonde sur une argumentation solide l’emploi du terme de crise. L’expression « crise du logement « revient 14 fois dans la seule synthèse de son rapport 2010 ; les symptômes décrits sont la difficulté croissante d’accès et de maintien dans le logement, l’augmentation du coût du logement, la pression accrue (par le haut et par le bas) sur les structures d’hébergement et le recours croissant aux multiples formes d’habitat précaire ou indigne. Pour la FAP, il ne s’agit pas d’une crise conjoncturelle, mais de l’aggravation d’une crise existante. La cause invoquée est un déficit quantitatif de l’offre, particulièrement pour ce qui concerne les logements abordables. Mais d’autres confondent parfois crise du logement et crise immobilière. C’est ce qui conduisait l’ANIL à publier en septembre 2008 une étude intitulée : « Hausse des prix, crise du logement ; baisse des prix, crise immobilière ? «. Celle-ci mettait en évidence le fait que le terme de crise, constamment utilisé depuis la fin des années 90, pendant la phase de croissance de l’activité immobilière et de hausse des prix, était recyclé pour qualifier la période suivante caractérisée par l’arrêt de la hausse des prix, puis l’amorce de baisse qui accompagnait la diminution des mises en chantier, le tassement des ventes de logements et l’allongement des délais de commercialisation. Encore s’agissait-il de deux périodes différentes, mais la confusion peut parfois provenir d’une différence de points de vue sur une même situation. Ainsi de l’UNPI qui déplorait dans un communiqué de presse de septembre 2010 la situation du marché locatif, notant un affaiblissement 

 

 

de la demande et les conséquences négatives pour les bailleurs (cf. encadré). Quelle que soit la situation du marché locatif, c’est donc toujours la crise pour certains : pour les locataires lorsque les loyers augmentent, pour les bailleurs lorsqu’ils baissent ou stagnent et que la relocation devient plus difficile. 

Extrait du communiqué de presse de l’UNPI du 14 septembre 2010 « Le Livre blanc insiste sur le fait que si des locataires ont du mal à trouver un logement dans des secteurs tendus, dans de nombreuses régions, ce sont au contraire les bailleurs qui peinent à trouver un locataire. La crise de l’immobilier a, en effet, changé de nature et ce sont les propriétaires qui en souffrent aujourd’hui. Le Livre blanc 2010 met l’accent sur la baisse de leur pouvoir d’achat qui a reculé de 10% (hausse de la vacance, des taxes foncières, réalisations de diagnostics…) «. 

 

Si le fait de traiter le débat public en termes de crise s’explique aisément par la volonté de maintenir l’effort de la collectivité en faveur du logement, il peut aussi nuire à la clarté des débats sur les politiques publiques poursuivies dans ce secteur. La collectivité consacre à cette politique des moyens importants. « Avec 36 Md€ d’aide publique au logement, soit près de 2% du PIB, la politique française du logement est l’une des plus coûteuses des pays 2 membres de l’OCDE « . L’affirmation de l’existence d’une crise tend à maintenir le logement en bonne place par rapport aux autres objets de la sollicitude publique, comme la santé, l’agriculture, l’éducation... Tous les acteurs du logement, même lorsqu’ils occupent des rôles antagonistes sur le marché, se retrouvent sur un enjeu qui permet de dépasser les oppositions sur les politiques à tenir. La revendication de l’Union sociale pour l'habitat de « faire du logement une grande cause nationale « rejoint la déclaration de Marc-Philippe Daubresse. Les « Etats généraux du logement « en sont l’expression la plus récente puisqu’ils ont vu la promotion privée et les bailleurs sociaux dépasser leurs conflits de territoire pour défendre l’égale urgence d’une intervention en faveur de tous les compartiments du secteur du logement : zones rurales et zones tendues, jeunes et vieux, investissements locatifs privés et construction locative sociale. Le concept de crise a donc un rôle fédérateur d’autant plus nécessaire que l’efficacité de la politique du logement est régulièrement mise en question ; le rapport déjà cité poursuit : « Elle est pourtant inefficace, injuste et néfaste pour 3 l’environnement «. Mais cette recherche de consensus peut aussi avoir des inconvénients lorsqu’il s’agit d’arbitrer entre diverses politiques. Elle nie la complexité, privilégie l’urgence, rend difficile la détermination de priorités, focalise l’attention sur des enjeux symboliques et interdit l’évaluation de certaines mesures dès lors qu’elles ont pour objectifs affirmés de répondre à la crise. Cette approche conduit à considérer que les difficultés de logement concernent l’ensemble du territoire et une large partie de la population. De surcroît, la différence entre la réalité et ce qui est jugé comme souhaitable est considérée en elle-même comme anormale, comme la preuve d’un dérèglement. Il en est ainsi de la vigueur de la hausse des prix au cours de la dernière décennie. L’Etat a peu de pouvoir pour lutter contre ce phénomène, observé dans la plupart des pays industriels et qui s’explique en partie par la baisse mondiale des taux. Or cette hausse des prix alourdit la dépense des ménages pour leur logement et pénalise d’abord les nouveaux arrivants, tout spécialement les jeunes. De la même façon, il n’est pas surprenant que les ménages modestes peinent à s’installer dans les localisations les plus chères, celles où se concentrent des populations nombreuses et à fort pouvoir d’achat. Ce phénomène est inéluctable, les interventions de politique publique, qui échappent à la logique du marché, ne peuvent qu’en atténuer les effets. 

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Extrait de Commission pour la libération de la croissance française, Attali 2010. Extrait de Commission pour la libération de la croissance française, Attali 2010. 

 

 

Mais ceci suppose que la recherche du consensus ne conduise pas à remplacer l’analyse par la désignation des coupables. Il peut s’agir d’évoquer la spéculation ou de stigmatiser le comportement de certaines personnes, comme le propriétaire de logements vacants spéculateur, coupable idéal s’il en est, car n’existant qu’à l’état de virtualité. Un scandale moral, « des logements sans personne face 4 des personnes sans logement «, n’a pas besoin de correspondre à une réalité économique pour être dénoncé. Cette façon d’aborder les problèmes peut aussi obscurcir le débat sur les choix politiques lorsque le consensus sur l’importance de l’enjeu, sur son urgence, interdit que soit examinée la fiabilité des solutions qui prétendent y porter remède. Les autres pays européens connaissent eux aussi des problèmes, mais les abordent différemment. Dans les pays d’Europe du Nord, la question du logement est traitée de façon plutôt dépassionnée, sans dramatisation. Même chez nos voisins du sud, Italie et Espagne notamment, où pourtant les conditions de logement sont bien moins bonnes qu’en France, on ne parle guère de crise. Les difficultés endémiques des jeunes Espagnols à accéder à un logement indépendant sont prises très au sérieux, mais ne sont pas considérées comme relevant d'une crise ponctuelle. Tel n’est pas le cas au Royaume-Uni, où l’organisme caritatif Shelter diagnostique une crise dont elle décrit les symptômes dans des termes analogues à ceux utilisés par la FAP, à ceci près qu’il s’y ajoute des difficultés de remboursement pour plus de 2 millions d’accédants à la propriété et un nombre croissant de saisies. Le Times on line publiait en avril dernier un article intitulé How do we fix our housing shortage ? (comment allons-nous faire face à la pénurie de logements ?). Dès 2002, la fondation Joseph Rowntree tirait la sonnette d’alarme, évaluant à un million d’unités le déficit de logements en 2022 si la tendance en cours se prolongeait (cf. Annexe). A la différence de ce qui se passe en France, c’est la responsabilité des collectivités locales qui est mise en cause, au moins autant que celle du gouvernement. Dès 2004, le rapport Barker stigmatisait leur malthusianisme qui se traduit par le refus d’accueillir de nouveaux arrivants, analysant la pénurie de logements et l’augmentation excessive des prix qui en découle comme le résultat de l’insuffisance de l’offre foncière. 

 

La situation du logement en France peut-elle expliquer que l’on parle de crise ? 

 

Un constat statistique plutôt rassurant : l’amélioration des conditions logement 

Au cours du dernier demi-siècle, les conditions de logement des Français se sont améliorées de façon 5 continue. Alain Jacquot a résumé cette évolution : doublement du parc ; augmentation de la taille des logements et plus encore, du fait de la réduction de la taille des ménages, de la surface et du nombre de pièces par personne qui a presque doublé (+ 80% entre 1954 et 2004) ; diminution de la part de logements surpeuplés ; généralisation des éléments de base du confort sanitaire (salle d’eau et WC intérieurs) et du chauffage central. 

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André Massot. Cinquante ans d’évolution des conditions de logement des ménages, Alain Jacquot, données sociales, édition 2006. 

 

 

Il est plus difficile de porter un jugement sur l’évolution des autres éléments de qualité des logements : état du bâti, des équipements, étanchéité, isolation thermique et phonique, etc., dont l’appréciation exigerait des diagnostics qui ne sont pas pratiqués en France dans le cadre des enquêtes statistiques. Il y a cependant tout lieu de penser que, dans ce domaine aussi, le parc a connu une amélioration sensible, même s’il est vrai que beaucoup reste encore à faire, notamment, comme le montre une récente étude, en matière d’humidité qui « reste, de loin, le problème de qualité de 6 l’habitat le plus fréquent « puisqu’une résidence principale sur cinq en souffre : si le pourcentage de logements affectés par des problèmes d’humidité est en diminution, il reste élevé et dénote un entretien insuffisant d’une part du parc, notamment dans les logements anciens et dans le secteur locatif. Comme dans le cas du surpeuplement, les ménages les plus modestes sont les plus touchés. Il subsiste en outre, surtout dans le parc locatif privé, des logements insalubres, indignes ou « non décents «, reliquat de ce que l’on appelait le « parc social de fait «, généralement occupés par des ménages qui ne peuvent avoir accès à un logement de qualité correcte. Le seul fait que des politiques destinées à les résorber aient été mises en place semble toutefois montrer qu’ils ne représentent plus qu’une faible part du parc. Ces améliorations moyennes ont profité peu ou prou à l’ensemble des ménages et, s’il existe toujours un écart considérable entre les conditions de logement des plus aisés et celles des plus pauvres, il ne semble pas que cet écart se soit élargi, si l’on en juge par l’un des seuls critères quantitatifs utilisables, la surface par personne. Mais, comme en d’autres domaines (par exemple l’évolution des prix à la consommation), il peut y avoir loin entre le constat statistique et la perception des intéressés. Les ménages français ne se comparent pas aux étrangers et ils ne se satisfont peut-être pas d’améliorations qu’ils ne perçoivent sans doute pas. 

 

La France en Europe : une situation honorable 

L’amélioration des conditions de logement n’est pas une spécificité française. Pour des raisons tenant à la politique de l’entre-deux-guerres (blocage des loyers qui eut pour conséquence une désaffection des bailleurs) et aux destructions de la deuxième guerre mondiale, le retard à rattraper était certes 7 plus important en France que dans la plupart des autres pays européens , Allemagne exceptée. Le ème déficit quantitatif ne sera comblé que vers le milieu des années 70, selon la commission du 7 Plan qui estime alors qu’il convient de s’orienter vers une politique d’amélioration qualitative. Bien qu’elles se soient grandement améliorées depuis lors, les conditions de logement des Français ne sont pas les meilleures d’Europe, loin s’en faut. En cette matière comme en beaucoup d’autres, les nouveaux membres de l’Union européenne mis à part, la France occupe une position intermédiaire, derrière les pays scandinaves et devant les pays d’Europe du Sud. C’est ce que montre l’exploitation par le 8 CREDOC des données SILC d’Eurostat : « 14% [des personnes résidant en France] signalent des défauts majeurs de qualité tels qu’un toit percé, de l’humidité, des moisissures sur les montants des fenêtres ou sur les sols ; 14% indiquent que leur installation de plomberie est inadéquate ; 11% se 

L’humidité dans les logements touchait un ménage sur cinq en 2006, Elodie Lalande, Le point sur n° 61, septembre 2010. 7 Dans La dimension cachée (1964), le sociologue américain Edgar Hall juge les logements français exigus et attribue à cette exigüité la fonction sociale des débits de boisson : « les Français reçoivent au café «. Un jugement analogue pourrait s’appliquer à l’Espagne actuelle, qui détient sans doute le record européen (et peutêtre mondial) de la densité des bistrots et où le déficit de logement locatif oblige la plupart des jeunes adultes à vivre chez leurs parents jusqu’à un âge avancé. 8 Les difficultés des Français face au logement, Régis Bigot et Sandra Hoibian, CREDOC, cahier de recherche n° 265, décembre 2009. 

 

 

plaignent d’une installation électrique inadaptée. Au total, 32% des Français se plaignent de l’un ou l’autre de ces problèmes, ce qui place notre pays en-dessous de la moyenne européenne, à peine mieux que Chypre (37%), l’Estonie (40%), la Pologne (41%), la Lituanie (44%) ou la Lettonie (46%), et bien loin derrière la Suède (12%), l’Autriche (12%), la Finlande (13%), la Slovaquie (14%), le Danemark (16%), la Belgique (18%) ou l’Allemagne (19%) «. Figure 1 : Indicateur Eurostat des conditions de logement Pourcentage de la population dont le logement est exempt des défauts suivants : humidité (fuites au toit, moisissures sur les murs, planchers ou fondations humides, fenêtres ou sols en mauvais état) ; absence de baignoire ou douche ; absence de WC intérieur ; logement trop sombre. 

 

1er quartile 

 

2ème quartile 

 

3ème quartile 

 

4ème quartile 

 

Comme le souligne le CREDOC, « cet indicateur révèle d’importantes disparités sociales « : la part de personnes confrontées à ces défauts est plus élevée parmi les personnes pauvres ou modestes et chez les locataires. Un autre critère de comparaison est le taux de cohabitation des jeunes adultes chez leurs parents. 9 Selon une étude récente d’Eurostat (cf. Figure 2), la France figure parmi les pays d’Europe où ce taux est le plus faible, ce qui semble indiquer que l’accès à un logement indépendant y est plutôt facile par comparaison avec la plupart des autres pays. Elle n’est devancée que par les pays scandinaves. Le taux de cohabitation est un peu plus élevé au Royaume-Uni, en Allemagne et en Belgique et largement supérieur en Espagne, en Italie ou au Portugal. 

 

51 million young EU adults lived with their parent(s) in 2008, Marta CHOROSZEWICZ et, Pascal WOLFF, Eurostat, Statistics in focus 50/2010. 

 

 

 

Figure 2 : Proportion des jeunes adultes (18-34 ans) vivant chez leurs parents, par sexe 

 

Source : Eurostat, calculs à partir de l’enquête SILC 

 

En outre, le constat sur l’évolution des conditions de logement ne prend pas en compte, faute de pouvoir en faire une appréciation objective, des éléments autres ceux concernant le logement proprement dit, comme l’environnement, l’agrément du quartier, l’accessibilité des équipements collectifs, la localisation par rapport au lieu de travail de ses occupants, toutes choses qui peuvent avoir une incidence non négligeable sur le jugement des ménages à l’égard de leur logement. 

 

Les dépenses de logement pèsent de plus en plus lourd dans le budget des 

ménages 

L’augmentation de la part du logement dans le budget des ménages est une tendance de long terme. Selon le CREDOC, son poids dans les dépenses de consommation est passé de 9% en 1959 à 22% en 2006. Sur la période 1984-2008 retracée par les comptes du logement, la part de la dépense annuelle effective de logement des ménages, au titre du logement qu’ils occupent, dans le revenu disponible brut passe de 18,5% à 24,3%. L’augmentation de la dépense de logement découle, pour une part, de l’accroissement du parc, de l’amélioration de la qualité des logements et de l’augmentation de la surface par personne. Mais, comme le constatent Pierrette Briant et Catherine Rougerie, « le prix des loyers a également augmenté, à volume et qualité constants, à un rythme généralement supérieur 10 à la hausse des prix à la consommation depuis 1985 « . Toutefois l’augmentation n’est pas régulière. Le poids des dépenses de logement est en effet resté à peu près stable, à quelques fluctuations près, dues notamment à la dépense d’énergie, de 1986 jusqu’en 1995, pour augmenter ensuite de façon continue (cf. Figure 3). Cette évolution est à 

 

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Les logements sont plus confortables qu’il y a vingt ans et pèsent davantage sur le revenu des ménages, P. Briand et C. Rougerie, France, portait social édition 2008. 

 

 

rapprocher de celle des prix qui ont été multipliés par près de 2,5 en euros courants de 1996 à 11 12 2007 et des loyers, qui ont augmenté de 29% pendant la même période . Figure 3 

 

Cette évolution d’ensemble se traduit par une augmentation des taux d’effort nets . Mais cette augmentation affecte les ménages de façon très inégale, selon leur niveau de vie et leur statut d’occupation. Gabrielle Fack a montré, à partir des enquêtes logement, que le taux d’effort des ménages des deux premiers déciles de niveau de vie avait augmenté de 8 points entre 1988 et 2006, 14 alors que celui des ménages des deux déciles supérieurs n’augmentait que de 3 points . Dans le même temps, elle constate une polarisation croissante des statuts de locataire et de propriétaire : « l’accès à la propriété est en effet de plus en plus réservé aux ménages les plus aisés, alors que les ménages modestes sont de plus en plus locataires «. De fait, parmi ces derniers, 56% appartenaient en 2006 aux deux premiers déciles de niveau de vie contre 40% en 1988. Ce phénomène est cumulatif : plus les locataires s’appauvrissent, moins ils ont de chances de devenir propriétaires, cela d’autant plus que l’accès à la propriété exige, du fait de l’augmentation des prix, un effort de plus en plus lourd et de plus en plus long. Seule une baisse sensible des prix pourrait être de nature à inverser la tendance. L’augmentation des loyers, et à un degré moindre des charges, affecte donc au premier chef les ménages les plus modestes pour lesquels elle rend de plus en plus difficile l’accès à un logement correspondant à leurs besoins. La quasi-disparition du « parc social de fait «, constitué en majeure partie de logements locatifs privés de qualité médiocre, voire à la limite de la décence, est sans conteste un fait dont il faut se réjouir, mais son corollaire est la raréfaction des logements à bas loyer dans les zones les plus chères. C’est la raison pour laquelle la pression sur le parc locatif social est de 

Indice INSEE-Notaires des prix de l’ancien, 1er trimestre2007/1er trimestre 1996. Indice des loyers janvier 2007/janvier1996. 13 Rapport des dépenses de logement nettes des aides au revenu. 14 L’évolution des inégalités entre ménages face aux dépenses de logement (1988 - 2006), Gabrielle Fack, les Informations sociales n° 155, 2009. 

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plus en plus forte, c’est également ce qui explique qu’il soit de plus en plus difficile d’en sortir. Comme l’ont montré plusieurs études, la population de ce parc se paupérise : dans le parc HLM 15 stricto sensu, la proportion de ménages pauvres a presque doublé en 12 ans, passant de 17% en 1984 à 30% en 2006. Ce phénomène « résulte en réalité d’un double mouvement : le départ, le plus souvent vers l’accession à la propriété, des ménages aux revenus les plus élevés et les plus stables et leur remplacement par de nouveaux arrivants, qui, à l’inverse, ont des ressources souvent plus faibles 16 que la moyenne des occupants « . Les problèmes d’accès au logement vont de pair avec les difficultés d’un nombre croissant de locataires pour faire face à leurs dépenses de logement : paiement du loyer, mais aussi des factures 17 d’énergie ou d’eau. La précarité énergétique s’est aggravée avec la forte augmentation des prix de l’énergie (+ 25% de 2004 à 2008). Ces difficultés ne sont pas nouvelles, mais en raison de l’augmentation des prix des logements et de la crise économique, elles touchent un nombre croissant de ménages. En 1988, selon l’enquête logement, la part des ménages dont le taux d’effort net dépassait 40% était de 7,4%, elle est de 10,4% en 2006. • Des difficultés concentrées dans les zones les plus chères Les difficultés d’accès et de maintien dans le logement ne sont pas réparties de façon égale sur l’ensemble du territoire français. On voit dans le tableau ci-dessous que la part des ménages dont le taux d’effort est excessif (> 40%) augmente avec la taille de l’agglomération. L’analyse serait sans aucun doute encore plus parlante s’il était possible de la structurer sur un découpage fin en zones de 18 prix . Tableau 1 : Répartition des ménages selon leur taux d’effort net et la taille d’agglomération Moins de 30% Commune rurale < 5000 h 5 000 à 10 000 h 10 000 à 20 000 h 20 000 à 50 000 h 50 000 à 100 000 h 100 000 à 200 000 h 200 000 à 2 Mh Agglo parisienne Ensemble 

Source : enquête logement 2006 Selon la définition européenne du seuil de pauvreté, il s’agit des ménages dont le revenu par unité de consommation est inférieur à 60% du revenu de consommation médian. 16 Le logement social (2ème édition), M. Amzallag et C. Taffin, Dexia /LGDJ, 2010. 17 Ménages qui consacrent plus de 10% de leurs ressources à payer leur facture d'énergie (convention Anah/Etat du 14.7.10 : JO du 20.7.10). 18 Une analyse tentée à partir du zonage « Robien « donne des résultats cohérents avec celle par taille d’agglomération, mais peu utilisables en raison du caractère sommaire du découpage. 

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30 à moins de 40% 8,7 11,2 10,0 10,4 10,4 12,3 13,4 12,9 15,0 11,7 

 

40% et plus 5,9 8,3 9,5 7,8 10,9 10,0 12,5 13,8 13,0 10,4 

 

85,4 80,4 80,4 81,8 78,7 77,7 74,1 73,4 72,0 78,0 

 

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A l’inverse, la surface par personne diminue lorsque la taille de l’agglomération augmente : Tableau 2 : Répartition des ménages selon la surface habitable de leur logement et la taille d’agglomération Moins de 20 m² Commune rurale < 5000 h 5 000 à 10 000 h 10 000 à 20 000 h 20 000 à 50 000 h 50 000 à 100 000 h 100 000 à 200 000 h 200 000 à 2 Mh Agglo parisienne Tout 

Source : enquête logement 2006 

 

20 à 30 m² 15,7 15,4 15,4 19,4 19,3 17,7 17,6 20,4 24,5 18,9 

 

30 m² et + 81,2 80,2 78,6 75,6 74,5 76,2 74,2 71,5 57,5 73,3 

 

3,1 4,4 6 5 6,2 6,1 8,2 8,2 18 7,8 

 

Dans l’agglomération parisienne, le pourcentage de logements exigus (moins de 20 m² par personne) est plus de deux fois supérieur à la moyenne France entière et 6 fois plus élevé que dans les communes rurales. Les zones à marché tendu, dont l’agglomération parisienne est l’exemple extrême, concentrent les difficultés de logements, qui y sont à la fois plus chers et plus petits, les deux facteurs étant bien entendus liés : c’est parce que les prix y sont élevés que les ménages, pour limiter leur charge de logement, sont contraints de s’y loger plus à l’étroit. Ces chiffres ne sont qu’une illustration d’un phénomène bien connu, mais pas toujours souligné, alors qu’il est de première importance : les difficultés de logement sont concentrées dans certaines zones, et la majeure partie du territoire y échappe ou presque. • Un phénomène commun à la plupart des pays européens La France occupe, nous l’avons vu, un rang moyen parmi les pays de l’Union Européenne pour ce qui concerne les conditions de logement. Qu’en est-il à l’égard du coût du logement ? On dispose, grâce à Eurostat, d’indicateurs, d’une part sur la perception des prix du logement dans un certain nombre de villes européennes, d’autre part sur le pourcentage de la population dont la charge de logement peut être jugée excessive. Dans les six villes françaises appartenant à l’échantillon (Paris, Marseille, Strasbourg, Rennes, Lille et Bordeaux), les habitants interrogés sont dans une large majorité en désaccord avec l’affirmation « il est facile de trouver un logement à un prix raisonnable «. A Paris, les habitants sont presque unanimes pour juger les logements trop chers. Ce classement reflète, semble-t-il, les hiérarchies nationales des prix plutôt qu’une hiérarchie européenne : ainsi Berlin, dont le marché est très détendu, est la « mieux classée «, c’est-à-dire celle des villes allemandes qui est jugée la moins chère par ses habitants ; en revanche, Hambourg est « mal classée « dans l’ensemble des villes européennes, alors que les loyers, certes plus élevés qu’à Berlin, y sont modérés (de l’ordre de 

 

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8 €/m²). Londres est mieux classée que Paris alors qu’il s’agit de la ville d’Europe où les prix immobiliers sont de loin les plus élevés, et son rang est assez proche de celui de Bruxelles, beaucoup moins chère. La position de Paris reflète vraisemblablement la forte différence de ses prix et loyers avec ceux des autres villes françaises. Il reste que la majorité des habitants des grandes villes européennes jugent excessif le coût des logements. Figure 4 : Opinions sur le coût du logement 

 

Source : Eurostat - Enquête d'opinion sur la qualité de la vie dans les villes européennes 

 

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A partir des données de l’enquête SILC, Eurostat calcule un taux de surcharge des coûts du logement, défini comme le pourcentage de la population vivant dans un ménage où le coût total du logement (net des allocations liées à l'habitat) représente 40% ou plus du revenu disponible total du ménage. Figure 5 : Taux de surcharge des coûts du logement 

 

Source : Eurostat, enquête SILC 

 

Comme le montre la figure 5, relativement à cet indicateur la position de la France en comparaison des autres pays de l’Union européenne est plutôt bonne. Elle fait partie du groupe de pays dans lesquels la part des ménages concernés est la plus faible, elle est mieux positionnée que l’Allemagne et surtout que le Royaume-Uni. Rares sont donc les pays où la part des ménages dont on peut estimer la charge de logement trop lourde est plus faible qu’en France. 

 

Les réponses de la politique du logement 

Depuis une vingtaine d’années, les pouvoirs publics ont tenté de limiter les conséquences des difficultés évoquées plus haut par des mesures ciblées sur l'habitat dégradé et sur les ménages les plus fragiles. Il s’agit d’une part d’éradiquer les logements indignes, objectif pour lequel sont mobilisés différents moyens : les crédits dévolus à la résorption de l’habitat insalubre, une partie des aides de l’Anah, ainsi que les outils juridiques créés en 2000 par la loi SRU. Il s’agit également du dispositif de prévention des expulsions institué en 1998 et des Fonds de solidarité logement (FSL) mis en place en 1990 par la loi Besson. Ce dispositif s'inscrit dans le cadre des plans départementaux d’aide au logement des populations défavorisées (PDALPD). Enfin, une loi de mars 2007 a défini les conditions de mise en œuvre du principe du droit au logement opposable (DALO). En matière de lutte contre le logement indigne, comme de prévention des expulsions, l’une des principales difficultés réside dans le repérage des cas à traiter. C’est un point crucial pour le 

 

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traitement des impayés locatifs, les chances de pouvoir éviter l’expulsion diminuant avec le délai écoulé depuis l’apparition du premier impayé. Les bilans réalisés montrent à quel point le territoire français est hétérogène au regard des questions touchant au logement. Les demandes de logement dans le cadre du DALO sont concentrées dans quelques départements et quasi inexistantes dans le plus grand nombre. Une forte disproportion est également observée dans les procédures d’impayés. Il en découle, de fait, une inégalité géographique dans l’efficacité des dispositifs départementaux, d’autant plus performants que le nombre de cas à traiter est plus faible. Ces dispositifs sont nécessaires. Mais il s’agit d’outils curatifs qui s’attaquent aux effets des dysfonctionnements et non à leurs causes. Est-il admissible que, quels que soient les outils de politique du logement mis en œuvre, une part de la population soit laissée pour compte ? Le fait que cette part soit en augmentation est-il imputable à l’échec de la politique du logement ou à d’autres raisons plus profondes, comme la répartition du travail et de la richesse nationale ? Ces questions conduisent à s’interroger sur l’efficacité des instruments utilisés et à essayer de dégager des pistes d’améliorations possibles. 

 

Un déficit d’offre ? 

Ces difficultés résultent-elles d’un déficit quantitatif de logements ? C’est l’analyse qui en est souvent faite, et qui, par un raccourci saisissant, peut aller jusqu’à relier la question des sans-abri avec la pénurie de logements. On précise parfois, mais, pas toujours, qu’il s’agit d’un déficit de logements abordables. Quelques éléments sur la notion de besoins et sur leur évaluation : 1. Il y a souvent confusion entre la notion de besoins et celle de demande. Evaluer des besoins suppose d’une part d’avoir défini une norme qui peut prendre en compte non seulement la nécessité de disposer d'un logement, mais aussi les caractéristiques de ce logement en fonction du ménage qui doit l’occuper et son coût, qui doit nécessairement être adapté aux moyens de ce même ménage. D’autre part, si l’on admet qu’il existe des besoins non satisfaits, il faut également les prendre en compte. 2. Certaines évaluations de la demande potentielle (parfois sous le terme abusif de « besoins «) reposent sur des hypothèses non explicitées et/ou contestables (cf. les commentaires Jacquot de l’évaluation du CFF). D’où des résultats parfois fortement divergents dont résulte une certaine confusion : en fonction de ce que l’on veut démontrer on peut ainsi choisir le chiffre le mieux adapté. 3. Evaluer des besoins pour l’ensemble de la France sans dire où les logements supplémentaires devraient être construits n’a guère de sens. On l’a vu, la situation du marché du logement est tout sauf homogène et il ne sert à rien de construire des logements dans le Lot-et-Garonne si c’est en Ilede-France que le déficit est le plus fort. C’est pourtant sur ces évaluations que se fondent les acteurs du logement pour exiger que l’Etat fasse plus - et notamment consacre davantage de moyens - pour le logement. Outre que cela ne contribue pas à clarifier le débat, c’est supposer que les problèmes sont essentiellement quantitatifs et que leur solution n’est qu’une question de moyens financiers. 

 

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Sur le premier point : - les problèmes « d’abordabilité « (accès / maintien dans le logement) sont-ils la conséquence de prix du marché trop élevés ou de l’inégalité de répartition de la richesse nationale ? En d’autres termes, leur solution relève-t-elle de la politique du logement où, plus généralement, d’une politique de redistribution ? - si l’on admet que les prix sont trop élevés, de quels moyens l’Etat dispose-t-il pour les réguler ? - l’exclusion de certaines populations du logement ne tient-elle pas aussi à des raisons « comportementales « qu’il serait vain de vouloir traiter par les moyens classiques de la politique du logement ? Sur le second point : Comment produire des logements à un prix abordable ? Deux solutions au moins sur le papier : - les prix sont ce qu’ils sont et abaisser les coûts passe obligatoirement par des aides financières publiques ; - peut-on agir, et comment, sur les déterminants des prix et en particulier sur les coûts fonciers ? On ne cherchera pas ici à dresser une liste exhaustive des nombreux dispositifs relevant de la politique du logement. On se bornera à évoquer les principaux en évoquant leurs objectifs et les difficultés auxquelles ils peuvent se heurter, sans chercher à porter un jugement sur leur efficacité. Ces dispositifs peuvent être regroupés selon leur cible : l’offre, la demande ou le fonctionnement du marché. 

 

Les politiques d’offre 

Peuvent être rangées dans cette catégorie les aides à la construction de logements locatifs sociaux, les aides à l’accession à la propriété (pour la partie qui s’adresse à la construction neuve) et les incitations fiscales à l’investissement locatif et les aides de l’Anah. Quel que soit le segment sur lequel elles portent, ces aides se heurtent toutes à une difficulté de ciblage géographique. C’est en effet dans les zones les plus chères, où précisément le besoins sont les plus importants, qu’elles sont le plus difficile à mettre en œuvre. La production de logements locatifs sociaux, notamment de logements très sociaux destinés aux ménages les plus modestes, est d’autant plus coûteuse en aides publiques que l’écart entre les loyers de sortie et les loyers de marché est plus élevé, et des aides complémentaires importantes des différents niveaux de collectivités locales sont indispensables au financement des projets. En outre, la production dans ces zones se heurte au problème de la rareté foncière qui, quel que soit le niveau des ressources publiques mobilisées, rend difficile la réalisation des objectifs affichés. De surcroît, de trop nombreuses collectivités locales - traduisant en cela la volonté de leurs électeurs - ne font guère d’efforts pour atteindre les objectifs qui leur sont fixés par la loi. En matière d’aides à l’accession, l’une des principales critiques faites au PTZ réside dans le fait que c’est dans les zones où il est le moins nécessaire, celles où l’accession est la plus abordable, qu’il est le plus distribué. A contrario, la primo-accession dans les zones tendues n'est possible qu'à condition de disposer d'un apport personnel conséquent, qui provient presque toujours du patrimoine familial. 

 

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Ce jugement figurait dès 2002 dans le rapport d’évaluation du PTZ , et le reproche fait au PTZ de 20 favoriser l’étalement urbain, même s’il n’apparaît pas réellement justifié , procédait du même constat. De plus, comme le dispositif qui l’a précédé, le PTZ n’échappe pas aux interrogations sur son efficacité réelle. La question de son impact sur les décisions d’accession est controversée, d’autant qu’aucune méthode ne permet d’évaluer de façon incontestable les parts respectives de l’effet « déclencheur «, de son influence sur la définition des opérations et de l’effet d’aubaine. La très forte augmentation des prix entre 1996 et 2007 a rendu plus difficile l’accès au marché pour les primo accédants, et pendant cette période le pouvoir solvabilisateur du PTZ s’est considérablement érodé. La récente réforme des aides à l’accession a pour ambition de répondre à ces difficultés en rééquilibrant le PTZ en faveur des zones chères et des familles. Toutefois, le récent débat à l’Assemblée Nationale a montré que tous les élus ne partageaient pas pleinement cet objectif, certains d’entre eux, élus de circonscriptions peu urbanisées, ayant avant tout le souci de favoriser l’accession en zone C. En tout état de cause, le marché dépend aussi de variables exogènes comme les taux d’intérêt, sur lesquels le gouvernement n’a aucun moyen d’agir. Les dispositifs fiscaux d’incitation à l’investissement locatif privé, qu’il s’agisse du « Scellier « ou de ceux qui l’on précédé, n’échappent pas à une critique de même nature, reposant sur le constat d’une surproduction massive dans de nombreuses villes petites ou moyennes, alors que les besoins se situent avant tout en zones tendues. C’est pour corriger ce type de dérive que l’utilisation du dispositif en zone C a été soumise à agrément. Toutefois, de nombreux cas de production excédentaire existent aussi dans des villes de la zone B2. La baisse des plafonds de loyers - à er l’exception de la zone la plus chère - à partir du 1 janvier 2011 permettra sans doute, dans une certaine mesure, de limiter les excès, mais certainement pas partout et pas pour tous les types de logement, le loyer au m² étant, à localisation donnée, dégressif en fonction de la taille du logement. Dans d’autres cas, au contraire, le loyer plafond pourrait être trop largement inférieur au loyer de marché et brider la production de petits logements. Une récente étude de l’ADIL de l’Hérault met en évidence ce phénomène en soulignant l’inadéquation du découpage national aux cartes locales des loyers. Enfin, la politique de développement d’un parc conventionné privé n'a pas eu les résultats espérés. Le conventionnement privé n’a eu de succès que dans les localisations où les loyers plafonds n’étaient pas trop contraignants au regard des loyers de marché, voire leur étaient supérieurs. Le nombre de logements conventionnés en Ile-de-France a, en revanche, été très faible. La réorientation des aides de l’Anah à partir de 2011 prend acte de ce constat. Ces critiques ne signifient pas que ces politiques doivent être abandonnées - par quoi les remplacer dans ce cas ? - mais elles soulignent la difficulté pour l’Etat de piloter efficacement, de façon centralisée, des dispositifs qui, pour atteindre leur pleine efficacité, devraient tenir compte de manière fine des caractéristiques des marchés locaux. Les zonages définis au niveau national, forcément sommaires, ne peuvent répondre à cet objectif. Se pose donc la question de l’association des collectivités territoriales à la mise en œuvre locale des outils de politique du logement. Un premier pas a été franchi en 2004, avec la loi « libertés et responsabilités locales « qui a ouvert la possibilité à certaines collectivités d’être délégataires de l’utilisation des crédits nationaux destinés au financement des logements sociaux et des aides de l’Anah. Il reste que la prise de délégation, 

 

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Rapport d’évaluation sur le prêt à taux zéro, IGS/CGPC/ANIL, 2002. Effets du prêt à taux zéro sur le développement des territoires périurbains et ruraux, CGPC, 2004. 

 

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optionnelle, est loin d’être généralisée et qu’en tout état de cause, elle ne couvre qu’une partie du champ des politiques du logement. 

 

Les dispositifs visant à agir sur la demande 

Il s’agit pour l’essentiel des aides personnelles, qui constituent depuis leur création, et surtout leur bouclage intervenu dans la première moitié des années 1990, la part le plus importante de la dépense publique en faveur du logement. • Les aides personnelles Les aides personnelles ont pour but de permettre aux ménages modestes d’accéder à un logement correspondant à leurs besoins, en prenant en charge une part de la dépense qu’il occasionne. En 2008, selon le compte du logement, 6,15 millions de ménages en bénéficiaient pour un coût annuel de 15,2 milliards d’euros. Ce sont pour près de 90% des locataires, dont une majorité du secteur privé. Au total, près de la moitié de l’ensemble des locataires perçoivent une aide personnelle. Ces aides jouent un rôle essentiel pour permettre l’accès au logement dans le parc locatif social. Sans elles, les loyers, quelque modérés qu’ils soient, seraient trop élevés pour nombre de ménages. Elles ont également permis de mener à bien la politique de réhabilitation de ce parc entreprise sur une grande échelle dans les années 1980, le coût des travaux étant financé dans une large mesure par l’augmentation des loyers, elle-même prise en charge pour la plus grande part par l’augmentation de l’aide. Les aides personnelles sont pleinement efficaces pour les locataires du parc social, parce que les loyers de ce parc sont réglementés. Tel n’est pas le cas dans le parc privé où les loyers sont le prix qui résulte de la confrontation de l’offre et de la demande. L’injection d’un pouvoir d’achat logement supplémentaire grâce aux aides personnelles permet d’accroître la demande solvable, mais la question se pose de son efficacité réelle. Dans la théorie économique classique, l’augmentation de la demande se traduit à la fois par une augmentation du volume de l’offre et des prix. Le partage entre ces deux effets dépend de la capacité d’adaptation de l’offre à l’augmentation de la demande. A cet égard, le logement doit être considéré comme un bien particulier du fait d’une part de la longue durée du procès de production (délai entre décision de construire et achèvement des travaux) et d’autre part de l’importance de la localisation. En d’autres termes, s’il existe une demande excédentaire dans une location donnée (centre ville par exemple), il n’est pas certain qu’une augmentation de l’offre dans une autre localisation (périphérie) permettre d’y répondre. Plusieurs études se sont intéressées à cette question. En France D. Cornuel et F. Calcoen estiment qu’ « il paraît assez inévitable que l’aide soit récupérée en partie par les offreurs. Ce phénomène risque d’être plus accentué dans la frange la moins attractive du parc, social ou non, qui offre peu d’alternatives aux plus modestes «. Un jugement confirmé par les travaux statistiques d’Anne 22 23 Laferrère et D. Le Blanc , puis ceux de G. Fack selon laquelle « entre 50% et 80% des allocations logement perçues par ces ménages auraient été absorbées par les augmentations de leurs loyers «. 

Effets économiques des aides personnelles au logement, D. Cornuel et F. Calcoen, Economie et Prévision n° 169170-171, 2005. 22 Comment les aides au logement affectent-elles les loyers ?, A. Laferrère et D. Le Blanc, Economie et Statistique n° 351, 2002. 23 Pourquoi les ménages à bas revenus paient-ils des loyers de plus en plus élevés ? L'incidence des aides au logement en France (1973-2002), Economie et Statistique n° 381-382, octobre 2005. 

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Au Royaume-Uni, une étude récente aboutit à des résultats du même ordre. Cela revient à dire que les bailleurs du secteur privé sont les principaux bénéficiaires des aides personnelles. Les aides personnelles locatives étant de très loin le premier poste de dépense publique en faveur du logement, il paraît indispensable de s’interroger sans dogmatisme sur les moyens d’améliorer leur efficacité. Pour certains, leur faible rendement, en termes d’allègement du taux d’effort des ménages, est lié au champ très large des bénéficiaires et il conviendrait, pour l’améliorer, de restreindre ce champ. Dans cette optique, la fonction redistributive des aides locatives pourrait être atteinte par d’autres formes d’allocations non assises sur le logement. • Les aides à l’accession Les aides à l’accession à la propriété reposent depuis 1978 sur deux piliers : l’aide à la pierre et l’aide à la personne. Jusqu’en 2005, l’aide à la pierre, ciblée sur l’acquisition de logements neufs, et accessoirement sur les opérations d’acquisition-amélioration comprenant une part importante de travaux, avait pour objectif de favoriser la production de logements et par là, d’agir sur l’offre. L’ouverture du PTZ à l’acquisition de logements existants sans obligation de travaux est une évolution dont l’importance n’a peut-être pas été suffisamment soulignée. Si l’on admet qu’elle agit sur la demande par une injection de pouvoir d’achat supplémentaire, elle contribue forcément à l’augmentation des prix puisqu’elle ne suscite pas l’apparition d’une offre nouvelle, cela d’autant plus 25 qu’elle est largement distribuée . Mais l’aide unitaire qu’elle véhicule étant nettement inférieure à ce qu’elle est pour l’acquisition de logements neufs, son effet déclencheur est plus faible et donc l’effet d’aubaine plus important. On sait par ailleurs, notamment par les observations des ADIL, que l’accession sociale dans l’ancien est largement le fait de ménages très modestes dont les ressources leur suffisent à peine à l’acquisition et ne leur permettent pas de financer les travaux qui souvent seraient nécessaires pour une simple mise aux normes. Moins coûteuse car moins largement distribuée que l’aide à l’acquisition, une aide au financement des travaux réalisés dans le cadre d’une opération d’acquisitionamélioration pourrait être plus efficace, à condition que son montant unitaire soit suffisant, notamment pour favoriser l’amélioration de la performance énergétique. Rappelons que la quotité du PTZ+ pour les acquisitions de logements anciens non éco-performants - c’est le cas de la quasitotalité du parc existant - sera faible, et malgré le cumul possible avec l’éco-PTZ, l’aide totale attribuée risque de ne pas être réellement incitative. Les aides personnelles à l’accession, une spécificité française, ont joué un rôle de premier plan dans la première moitié des années 1980. Depuis lors, différentes mesures visant à la maîtrise de leur coût se sont succédées qui ont eu pour effet d’en affaiblir considérablement le pouvoir solvabilisateur. Aujourd’hui ces aides ne concernent plus qu’un petit nombre de nouveaux accédants, les plus modestes. Elles sont d’ailleurs désormais considérées par les pouvoirs publics comme un amortisseur potentiel des difficultés qui peuvent survenir pendant le remboursement des emprunts. 

 

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La régulation des marchés du logement 

En matière de logement plus encore que dans d’autres domaines, le marché ne permet pas de répondre à la totalité des besoins, parce qu’une part de la population n’y a pas accès ou y a accès 

The incidence of UK housing benefit : Evidence from the 1990s reforms, Stephen Gibbons & Alan Manning, London school of economics. 25 En 2009, 60% des PTZ ont financé l’acquisition de logements existants. 

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dans des conditions qui ne sont pas acceptables. Aux personnes en position de faiblesse du fait de l’insuffisance de leurs ressources, de leur incapacité à offrir aux bailleurs les garanties qu'ils sont de plus en plus nombreux à exiger, de leur situation administrative ou de problèmes personnels, le marché n’apporte pas de solution satisfaisante. Un moyen de répondre à ces situations est de créer une offre hors marché à un coût abordable : c’est le rôle du parc locatif social, de plus en plus dédié de facto aux ménages à faibles ressources. Or les dysfonctionnements du marché - en clair l’augmentation des prix et des loyers à un rythme supérieur à celui des revenus - créent une pression de plus en plus forte sur ce segment du parc. Construire plus de logements sociaux est sans doute nécessaire, mais c’est là un remède coûteux et qui traite l’effet plutôt que la cause du problème. Le parc social représente près d’un logement sur cinq, et il n’est guère concevable, ni sans doute souhaitable, que sa part dans l’ensemble du parc augmente dans de fortes proportions. Il faut donc tenter d’agir sur le fonctionnement des marchés pour contrôler la hausse du coût du logement et éviter ainsi que son poids dans le budget des ménages croisse indéfiniment. Concernant le marché locatif privé, la question récemment évoquée de la lutte contre les loyers exagérément élevés relance celle du contrôle des loyers. Réclamé par certains, le blocage pur et simple des loyers est une solution extrême qui ne paraît guère envisageable en temps de paix. Les expériences passées de ce type de mesure ont mis en évidence ses effets pervers : non entretien des immeubles, désengagement des bailleurs, prime aux locataires en place et blocage du marché. Il existe en revanche en Allemagne et en Suisse, deux pays où le secteur locatif est majoritaire, des systèmes 26 d’encadrement efficaces qui ont permis d’éviter les dérives observées dans d’autres pays . Dans les deux cas, ils reposent sur une connaissance fine, voire exhaustive, des loyers pratiqués. La mise en place en France de dispositifs analogues n’a rien d’une utopie, mais elle ne peut se faire que sur la base d’un dispositif d’observation qui n’existe pas, à quelques exceptions près. Un tel dispositif diffère de la simple observation statistique, il est plus exigeant. Mais encadrer les loyers n’est viable que si les prix des logements n’augmentent pas de façon exagérée. Si tel n’est pas le cas, le rendement locatif diminue et l’investissement devient peu attractif. Les incitations financières, fiscales par exemple, pour attrayantes qu’elles puissent paraître, ne peuvent avoir d’efficacité que si le rapport loyer / prix d’achat ne tombe pas en deçà d’un certain niveau. Or les prix sont largement conditionnés par le coût du foncier. C’est aux propriétaires fonciers qu’a 27 profité en premier lieu la très forte hausse des prix immobiliers des années 1976-1987 dont les accédants à la propriété ont subi et continuent à subir les conséquences. La question qui se pose est la suivante : comment inciter les propriétaires fonciers à vendre pour que la construction neuve permette de faire face aux besoins nouveaux ? Cette question ne se pose pas qu’en France : c’est un problème encore plus crucial au Royaume-Uni, où elle est désignée comme le principal facteur explicatif de la pénurie de logements. Les causes de cette cherté sont d’après le rapport Barker, à rechercher dans la complexité et peut-être l’inadaptation des règles d’urbanisme, et de la réticence des habitants en place à accueillir des nouveaux venus, c’est-à-dire de nouvelles constructions. Ces causes sont également à l’œuvre en France, la seconde étant particulièrement puissante lorsqu’il s’agit de construire des logements sociaux. Il faut ajouter que la fiscalité foncière n’incite pas les 

 

Cf. Habitat Actualité n° 118. Les entreprises de bâtiment et les départements, par le biais des droits de mutation, en ont également bénéficié mais à un degré moindre. 

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propriétaires des terrains à s’en dessaisir, contrairement à ce qui se passe par exemple chez nos voisins d’outre-Rhin. Qu’il s’agisse de construction privée ou de programmes sociaux, la pénurie foncière est généralement et depuis de longues années rendue responsable de la difficulté à mener à bien les projets, notamment dans les zones où les besoins sont les plus aigus. Cette question interpelle aussi bien l’Etat, responsable de la définition des règles d’urbanisme et de la législation fiscale, que les collectivités territoriales qui ont en charge leur mise en œuvre. 

 

Poursuivre la décentralisation ? 

De façon plus générale, l’amélioration de l’efficacité des politiques du logement passe sans doute par un rééquilibrage des compétences nationales et locales. Il n’existe pas, on l’a vu, un marché national du logement mais des marchés locaux aux caractéristiques bien distinctes. Quels que soient les outils considérés, leur pilotage depuis Paris ne peut pas vraiment tenir compte de façon pertinente de ces spécificités : c’est vrai des aides à la pierre, dont les barèmes sont définis en fonction d’un zonage qui, lorsqu’on l’analyse finement, n’épouse pas les réalités des marchés ; ce l’est également des aides personnelles. En Allemagne, pays il est vrai constitué au XIXème siècle par la fédération de petits Etats, donc peu centralisé, le principe de subsidiarité s’applique aux aides personnelles avec un socle financé par l’Etat, complété par les Länder et, le cas échéant, par les agglomérations. Au RoyaumeUni, l’hébergement des sans-abri est de la responsabilité des collectivités locales. En France, depuis les lois de décentralisation de 1984 qui attribuaient notamment aux départements compétence en matière d’action sociale - dont les plans départementaux pour l’aide au logement des personnes défavorisées , la répartition des pouvoirs n’a guère évolué en matière de politique du logement. La possibilité de délégation de crédits introduite en 2004 ne concerne qu’une part minoritaire des aides - y échappent notamment les aides à la personne, les aides à l’accession et à l’investissement locatif privé - et n’est utilisée que par une minorité des collectivités territoriales qui pourraient y prétendre. Mais si, en matière de logement, la poursuite de la décentralisation semble être une nécessité, selon quelles modalités peut-elle être pensée ? Quel est au plan local l’échelon pertinent pour définir et mener à bien les actions ? La complexité actuelle des découpages institutionnels et l’enchevêtrement des compétences (pour ne prendre qu’un exemple, le programme local de l'habitat (PLH) est du ressort des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) mais le permis de construire est accordé par les maires) ne facilitent pas les choses, sans parler de la situation particulière de l’agglomération parisienne où le projet du Grand Paris semble être au point mort. 

 

Pour une évaluation des politiques publiques 

En tout état de cause, l’évaluation des différents dispositifs reste pour l’essentiel à faire. Les tentatives en ce sens se heurtent souvent à l’insuffisance des données statistiques nécessaires. Pour ne prendre que quelques exemples, le compte du logement est dans l’incapacité d’évaluer les dépenses des collectivités locales en faveur de la production de logements locatifs sociaux ; le nombre de logements bénéficiant des avantages fiscaux en faveur de l’investissement locatif n’est connu de façon très approximative et non localisée. Des améliorations significatives ne semblent pourtant pas hors de portée, pour peu que la volonté existe de mobiliser les données existantes, notamment fiscales. C’est une évidence : l’amélioration de l’efficacité des politiques passe d’abord par leur évaluation. 

 

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ANNEXE 

 

La situation du logement au Royaume-Uni 

• Shelter (site internet octobre 2010) L’Angleterre souffre d’une crise du logement massive. Il n’y a pas suffisamment de logements décents à un prix abordable. - Plus de deux millions de personnes ont du mal à payer leur loyer ou à leurs mensualités de remboursement, ou sont en impayé. - Un nombre croissant d’accédants voient leur logement saisi parce qu’ils ne peuvent plus rembourser leur emprunt. - Les résidences secondaires font augmenter les prix dans les zones rurales. - Plus d’1,7 million de ménages sont inscrits sur les listes d’attente de demandes de logements sociaux. - Des ménages sans logement - certains avec enfants - attendent des années un hébergement temporaire. - Les familles locataires du secteur privé souffrent de conditions de logements déplorables et de l’insécurité. - Le nombre de ménages s’accroît plus vite que le nombre de logements. - Des centaines de gens dormant dans la rue, cold dans le, froid et l’insécurité. • Joseph Rowntree foundation (mars 2002) La pénurie de logements menace d’aggraver la crise du logement dans les 20 ans à venir A moins d’une augmentation massive de la construction, la Grande-Bretagne devra faire face à une pénurie de plus d’un million de logements en 2022, selon un rapport de la fondation Joseph Rowntree. L’étude présentée à Londres à l’occasion du centième anniversaire de la fondation révèle que le déficit d’offre s’aggrave plus rapidement que prévu. • Le Times Online (30 avril 2010) Comment faire face à notre déficit de logements ? Le Royaume-Uni souffre d’une crise du logement du fait de l’insuffisance de la construction neuve qui induit une augmentation de la sur-occupation. Après la récente chute de la production de logements, tout se passe comme si tout le monde voulait se lancer dans la construction. Hugh Osmond, le fondateur de Pizza Express, cherche à acheter le constructeur Crest Nicholson, Tesco projette de créer des mini-villages) and le Conseil national de la construction (NHBC) fait état d’une augmentation des permis de construire de 85% en mars par rapport à mars 2009. Les trois principaux partis politiques s’accordent pour estimer que le Royaume-Uni souffre toujours d’une grave crise du logement, chacun proposant ses propres remèdes. Il y a trois ans, le premier ministre, Gordon Brown, voulait faire de la construction de logements l’une des priorités de son gouvernement, promettant trois millions de logements supplémentaires pour 2020 (240 000 par an 

 

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jusqu’à 2016). Cependant les résultats sont bien en-deçà des ces objectifs. 206 000 logements ont été construits en 2007, mais seulement 123 000 en 2009, le niveau le plus bas depuis 87 ans. Comment pareille situation a-t-elle pu subvenir, et que peut-on faire pour s’attaquer au problème ? Comment cela s’est-il produit ? Le Royaume-Uni est l’un des pays d’Europe qui construit le moins de logements. Imtiaz Farookhi, directeur du NHBC, en rend responsables la complexité des lois d’urbanisme et une attitude générale « anti-construction «. Les collectivités locales et les résidents en place voient les projets de promotion comme une concurrence dans l’utilisation des équipements public plutôt qu’un élargissement de la communauté, ce qui induit de coûteux délais de réalisation. Le coût de la construction a augmenté de façon spectaculaire (+330% en termes réels au cours du siècle écoulé, selon le groupe Southern Housing), ce qui limite la demande solvable et donc la production. De plus, le nombre de ménages augmente du fait l’augmentation du nombre de personnes seules et d’un niveau d’immigration record. Est-ce grave ? L’augmentation de la demande excédentaire entraîne inévitablement la hausse des prix. Au cours des 20 dernières années les prix des logements ont crû trois fois plus vite que l’inflation, excluant du marché un nombre croissant de ménages. Avec des perspectives d’augmentation de population de 4,3 millions dans les 9 ans à venir et des prix Londoniens supérieurs au pic de 2007, la situation a peu de chances de s’améliorer. Selon M. Farookhi, l’augmentation des permis de construire est un pas dans la bonne direction, mais le secteur locatif social, qui y contribue pour moitié, pourrait ne pas être en mesure de soutenir cet effort en cas de restrictions budgétaires après les élections. « De plus, beaucoup de demandes privées sont la conséquence du programme de relance mis en place pendant la crise. Il n’y a donc pas de quoi être exagérément optimiste «. Quelles sont actuellement les conditions de logement ? Where do people live now? Un nombre record de 4,5 millions de personnes est pour la seule Angleterre, inscrit sur les listes d’attente de logements sociaux. De nombreuses autres sont en recherché d’une formule intermédiaire telle que la propriété partagée (shared ownership : acquisition d’une fraction de la propriété avec paiement d’un loyer pour l’autre fraction). Beaucoup vivent dans des logements trop exigus. La fédération nationale du logement (NHF) prévoit que le nombre de personnes vivant dans des logements surpeuplés atteindra trois millions vers 2013, soit une augmentation de 20%. David Orr, directeur de la fédération, estime que la pénurie concerne plus le secteur privé que le secteur public. La chute des prêts immobiliers depuis le début de la crise financière à contraint beaucoup de jeunes adultes à rester chez leurs parents pour se constituer un apport personnel. L’âge moyen des primo accédants était de 33 ans en 2007, il est aujourd’hui de 37 ans. Selon la NHF, le nombre de ménages « trigénérationnels «, c’est-à-dire où cohabitent parents, enfants et grands parents n’a jamais été aussi élevé depuis la seconde guerre mondiale. 

 

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Quel impact social ? Pour M. Orr, les mauvaises conditions de logement contribuent à la détérioration des aspirations et à l’augmentation de la criminalité : « vivre dans un logement froid, humide et surpeuplé sape la confiance en soi «. Selon l’organisme caritatif Shelter, la hausse des loyers fait qu’un quart des enfants des ménages locataires du secteur privé vivent au-dessous du seuil de pauvreté. 

 

Date de publication : 1 décembre 2010 N° ISNN : 09996-4304 Directeur de la publication : Bernard Vorms Comité de rédaction : Isabelle Couëtoux du Tertre, Emmanuelle Bily, Jean Bosvieux, Lucy Clec’h, Béatrice Herbert, Nicole Maury, Sylvie Merlin, Marie-Adeline Meunier, Antonin Ollivier, Sandrine Zerbib 

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