manufacture royale

manufacture royale, établissement industriel du xvii^e siècle qui bénéficie d’un statut particulier.

Exempte de la lourde réglementation des jurandes, la manufacture rassemble, sous une direction unique, un grand nombre d’ouvriers et permet une spécialisation du travail. Au début du xvii^e siècle, sous l’impulsion de Colbert qui mène une politique d’incitation industrielle, les manufactures françaises prennent leur essor et se hiérarchisent entre manufactures royales d’État, manufactures royales et manufactures privilégiées.

Les manufactures royales d’État sont des entreprises appartenant au roi dans lesquelles sont fabriqués certains produits de l’industrie : les arsenaux de Brest, Rochefort et Toulon ; les armes de la manufacture de Saint-Étienne ; les tapisseries de La Savonnerie sur la colline Chaillot de Paris, ou celles des Gobelins dans le faubourg Saint-Marcel. Fournisseurs officiels du roi, ces manufactures travaillent exclusivement pour l’État.

Les manufactures royales sont des entreprises à capitaux privés mais placées directement sous le contrôle de la monarchie. Par lettres patentes sont répertoriés les privilèges qui leur sont accordés comme des subventions ou des avantages fiscaux ; c’est le cas de la manufacture de draps du Hollandais Josse Van Robais, créée à Abbeville en 1665, et de la manufacture de verrerie de Saint-Gobain datant de la même année.

Les manufactures privilégiées sont juridiquement semblables aux précédentes, si ce n’est qu’elles ne bénéficient pas de l’appellation honorifique de « royales «. Elles reçoivent également des privilèges émanant du monarque : subventions, exemptions douanières, non-dérogeance. Spécialisée dans la dentelle, la Compagnie des points de France appartient à cette catégorie.

De par sa volonté de lutter contre la concurrence étrangère, Colbert accorde, entre 1664 et 1683, plus de 150 privilèges manufacturiers. Mais pour réduire les importations, il est nécessaire que la qualité des produits français soit supérieure à celle des produits étrangers.

Aussi Colbert fait-il venir des spécialistes de l’étranger comme les ouvriers souffleurs de verre originaires de Murano qui s’installent dans le royaume afin d’enseigner leur savoir-faire aux artisans français : c’est ainsi que naît la fabrique de glaces installée en 1665 au faubourg Saint-Antoine et transportée en 1692 à Saint-Gobain.

En contrepartie de leur secret de fabrication, des avantages exceptionnels sont offerts aux spécialistes qui s’installent dans le royaume : le Hollandais Van Robais, qui dirige la plus importante manufacture au xvii^e siècle avec 2 000 employés, est naturalisé dès son arrivée en France, obtient le privilège d’exercer sa religion (protestante) et une exemption totale d’impôts.

De même, afin d’empêcher la désertion des ouvriers qualifiés français, un édit de 1682 rend passible de la peine capitale tout ouvrier fuyant le royaume.

En vingt ans, les manufactures reçoivent de l’État plus de 16 millions de livres tournois. Colbert réglemente la fabrication des produits français et des édits déterminent la taille des pièces de soierie ou la façon de teindre les tissus. Des « inspecteurs des manufactures «, exemptés de la taille, contrôlent minutieusement la qualité des produits : ils sont présents lors du marquage des pièces par les maîtres-gardes ou par les jurés des marchands avant mise en vente ou exportation.

La réglementation de Colbert a atteint son objectif : grâce au développement des manufactures et au protectionnisme douanier, le royaume de France devient l’un des premiers pays industriels. C’est d’ailleurs ainsi que Marc-Antoine Giustanan, ambassadeur de Venise en France, la décrit en 1668 : « Ce qu’il y a de mieux dans toutes les parties du monde se fabrique à présent en France, et telle est la vogue de ces produits, que de toutes parts affluent les commandes pour s’en fournir. «

À la fin du xvii^e siècle, une relâche de la politique protectionniste et l’apparition de produits issus de la concurrence étrangère portent un premier coup au développement des manufactures. Puis, au xviii^e, lorsque la poussée du libéralisme anéantit les réglementations manufacturières, le terme de « manufacture « perd sa spécificité.