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Mathieu Kérékou réélu avec 84,06 % des voix

Publié le 17/01/2022

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22 mars 2001 LA DERNIÈRE VICTOIRE de Mathieu Kérékou, réélu président du Bénin avec 84,06 % des suffrages exprimés, n'est pas sans rappeler les records électoraux du temps du parti unique. « Le combat s'est terminé faute de combattants », a-t-il lui-même soupiré après les retraits en cascade au second tour de tous ses adversaires, à commencer par Nicéphore Soglo, l'ancien président qu'il devait affronter pour la troisième fois, mais qui a préféré dénoncer une prétendue « mascarade électorale ». Au final, le ministre d'Etat Bruno Amoussou, arrivé quatrième au premier tour et ayant appelé ses électeurs à reporter leurs voix sur Kérékou, s'est dévoué pour un « match amical », qui n'a guère mobilisé les électeurs (53 % de participation contre plus de 80 % au premier tour). L'enjeu était ailleurs : il s'agissait d'éviter une crise institutionnelle au Bénin, considéré comme le « laboratoire de la démocratie en Afrique. » Ses partisans ont beau fustiger les « mauvais perdants » de l'opposition, dont la démarche a laissé perplexe dans un pays où l'alternance a déjà fonctionné deux fois en dix ans, la dernière bataille politique du président sortant laissera un mauvais souvenir. Agé de soixante-sept ans, il aura dépassé, comme son rival Soglo, la limite d'âge fixée par la Constitution (soixante-dix ans) lors du scrutin de 2006. LE CAMÉLÉON A RÉUSSI SA MUE Pourtant, le général Kérékou, surnommé « le Caméléon », avait plutôt bien réussi sa mue. Revenu au pouvoir, par les urnes, en 1996, cinq ans après une défaite retentissante qu'il avait acceptée contrairement aux autres « dinosaures » d'alors en Afrique francophone, il a présenté durant tout son mandat un visage aux antipodes de celui qu'on lui connaissait naguère. De l'autocrate arrivé pour la première fois au pouvoir en 1972, à la faveur d'un coup d'Etat, il n'a gardé que le bâton de commandement, qui ressemble plus aujourd'hui à une règle d'écolier qu'à un sceptre. Kérékou I, adepte des stricts costumes à col Mao, souscrivait au « matérialisme athée » de la doctrine marxiste-léniniste. Kérékou II, féru de vestes dignes d'évangélistes américains, est protestant avec une ferveur qui lui fit « oublier », en 1996, de prêter serment aussi sur « les mânes des ancêtres », comme le prévoit la Constitution béninoise. La « bonne gouvernance », chère au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale, est devenue la nouvelle religion d'Etat. Inlassablement prônée par la « cellule de moralisation de la vie publique » rattachée à la présidence, elle a pourtant été égratignée plusieurs fois pendant le dernier mandat. Kérékou II devait son retour aux affaires à une coalition d'alliés politiques et de soutiens financiers qui lui ont demandé les dividendes de leur soutien. C'est le cas, par exemple, de Séfou Fagbohoun, homme d'affaires sulfureux et leader de parti qui a racheté la Société de commercialisation des produits pétroliers (Sonacop) dans des conditions opaques. « Kérékou peut être comparé à un chef de brigands qui n'en est pas un lui-même », estime Félix Iroko, un historien qui vient de faire paraître une biographie du chef de l'Etat béninois. Alors que dans son pays pauvre, le développement économique est de plus en plus attendu à la suite de la démocratisation, Mathieu Kérékou, fils de paysan d'une petite ethnie nordiste, ancien enfant de troupe et soldat de la « Coloniale », pourra-t-il être l'homme des grandes réformes pour améliorer le quotidien de ses compatriotes ? « Il est plein de bonne volonté, mais il ne comprend rien au monde d'aujourd'hui », estime un avocat et ancien ministre togolais qui le connaît bien. « Il ne sait pas tout, mais il est conscient de ses limites et n'a pas honte de demander », plaide Albert Tévoèdjré, intellectuel béninois réputé, chef de parti et acteur majeur du retour de M. Kérékou sur la scène politique. Réélu, le président sera assailli de « bons » conseils. Saura-t-il user de son bon sens pour arbitrer les intrigues politiciennes ?

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