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MONARCHIE UNIVERSELLE (La) de Dante Alighieri - résumé, analyse

Publié le 10/09/2015

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monarchie

 

[Monarchia]. Traité de philosophie politique, écrit en latin, de Dante Alighieri (1265-1321) et imprimé pour la première fois à Bâle en 1559. Dante s’y inspire de l’exemple du Saint Empire Romain germanique et se place au point de vue chrétien. Il y expose son idéal d’une « monarchie temporelle », c’est-à-dire dépendante du temps et des circonstances historiques et dont l’objet, sur le plan humain, est le bonheur de ce monde. On ne peut préciser quand ce traité fut composé ; mais le souci fondamental qui le sous-tend, reste le même, en ce qui concerne les principes métaphysiques, que dans la Divine Comédie. Il est certainement postérieur au Banquet. L’idée du Saint Empire Romain enthousiasma Dante, mais son espoir fut de courte durée par suite de l’opposition qui divisa d’une part l’Empereur et le Pontife, et d’autre part l’Empire et la Monarchie française. Toutefois, dans l’ordre de la civilisation commune dont Rome fut la mère, il existe selon Dante une tendance de tous les peuples chrétiens à se rassembler en une communauté spirituelle dès ici-bas, qui trouverait son unité et son centre dans la personne du monarque, tout comme spirituellement les peuples chrétiens s’unissent dans l’Église du Christ en la personne du Pape. Après l’échec de l’entreprise d’Henri VII de Luxembourg, Dante se propose de rechercher si la Monarchie temporelle ou Empire (le gouvernement d’un seul) est nécessaire au bien-être du monde ; si le peuple romain s’en est attribué la charge à juste titre, si enfin l’autorité du Monarque dépend de Dieu ou d’un ministre ou vicaire de Dieu. A chacune de ces questions Dante a consacré un livre. Afin d’expliciter les concepts de sa philosophie politique et de les justifier, Dante se réfère à une vue d’ensemble de la philosophie morale, considérée comme une activité pratique qui, dans le développement historique de l’humanité, relève de l’ordre temporel. C’est pourquoi les actes humains, avec toutes leurs conséquences et leurs fins concrètes, lui serviront de premier critère : à les analyser, les vérités qu’il entend démontrer apparaîtront dans toute leur évidence. C’est pourquoi il choisit ce qui, dans les actions propres à la nature humaine, dans sa vie sociale ou civile, a valeur de cause finale. Or la fin dernière que la société humaine, prise dans son ensemble, poursuit sur cette terre, est l’exercice intégral de l’intelligence, dans l’activité spéculative d’abord et, par extension, dans l’activité pratique.

monarchie

« Mon Saint Luc (*).

désignent les pensées et les œuvres, et non les deux pouvoirs suprêmes détenus par Pierre et par ses successeurs.

Après avoir écarté les arguments tirés de la Bible sur lesquels se fonde la suprématie de l'Église, Dante discute les titres juridiques qui sont utilisés par eUe.

Et avant tout la donation de Constantin : il ne lui semble pas possible que l'empereur Constantin ait pu aliéner la dignité de l'Empire et que l'Église ait pu la recevoir.

Le fondement de l'Église est le Christ, dont le royaume n'est pas de cette terre.

De plus.

le vicaire du Christ, s'il .reçoit un don, ne saurait le recevoir comme propriétaire, mais comn1e gérant, comme inten­ dant des biens de l'Église et des pauvres du Christ (III, 10).

De même Dante écarte les différents arguments tirés de l'histoire de la chrétienté sur lesquels s'appuyaient les partisans de la soumis~ion du temporel au spirituel, tels que l'exemple de Charlemagne qui reçut son pouv0!~ è.u Pape, Cet exemple ne prouve rien~ puisqu'il y a eu là un abus et une usurpation par le Pape de pouvoirs qui ne lui appartenaient pas.

Dante aborde alors le dernier argument derrière lequel se retranchaient les adversaires de l'Empire : celui de la réduction à l'unité de toutes les choses du même genre.

L'Empereur et le Pape, diSaient-ils, sont des hommes et connue tels doivent se ramener à un seul homme.

Or comme le Pontife ne peut se soumettre à l'Em­ pereur, celui-d devra se soumettre à celui-là.

A cela, Dante objecte que le Pontife et l'Empereur sont semblables dans leurs attributions respec­ tives, l'un dans celles de père, l'autre dans celles de souverain.

Pour cette raison, il ne peut y avoir soumission de l'un à l'autre, mais soumis­ sion de l'un et de l'autre à un seul prince, Dieu, en qui le particulier s'universalise.

En fait l'auto­ rité de l'Êglise n'est pas cause de l'autorité de l'Empire, qui la précède dans le temps et possède en soi sa propre vertu et sa dignité.

I/Êglise n'a jamais eu le pouvoir de conférer l'autorité à l'Empire, car elle ne l'a reçu ni de Dieu, ni d'elle-même, ni de l'empereur, ni de quelque assemblée d'hommes, d'autant qu'un tel pouvoir serait allé contre sa propre nature dont le modèle doit être la vie du Christ.

Il s'ensuit que l'Empire ne peut dépendre directement que de Dieu.

Mais, pour le prouver, Dante se refère à la nature particulière de l'homme, composé d'âme et de corps.

Tenant le milieu entre les êtres corrup­ tibles et les êtres incorruptibles, presque un horizon à la limite des deux mondes, l'homme participe de la nature des deux extrêmes et il est ordonné à.

deux fins : « la béatitude de cette vie, qui consiste dans l'exécution de la vertu propre et qui est figurée dans le Paradis terrestre, et la béatitude de la vie éternelle, qui consiste dans la joie de la vue de Dieu à laquelle la vertu de l'homme ne peut atteindre sans l'aide de la lumière divine -et cette béatitude est donnée dans le Paradis Céleste )>, Nous parvenons à la première béatitude grâce aux enseignements de la philosophiè.

Nous parvenons à la seconde par des enseignements spirituels qui dépassent la raison humaine, l'essentiel étant de les suivre en fonction des vertus théologales, f; foi, espérance, charité~.

Mais ces fins et ces moyens seraient facilement négligés par suite de la concupiscence qui, depuis le péché, s'attache à la nature de l'homme.

D'où la nécessité d'une double direction de la conduite humaine : dans l'ordre spirituel et à la lumière de la révélation, le Pontife conduit à la vie éternelle ; et à la lumière de la raison philosophique.

l'Empereur conduit à la félicité terrestre.

Toutefois le Monarque.

bien que dépendant directement de Dieu, dans l'ordre temporel, doit user envers le Pontife « de cette déférence que le fils aîné doit à son père.

de telle sorte qu'illuminé de la grâce paternelle.

il en rayonne à son tour dans la place où il a été installé par Celui qui régit tous les biens temporels et spirituels » : conclusion logique et qui sïm· pose.

La 1'lionarchie universelle de Dante est l'œuvre d'un philosophe et d'un moraliste, qui considère la conduite humaine à la fois sous l'angle de ses destinées surnaturelles et de ses fins tempo.

relies ; mi:ds toujours en fonction de ces fins dernières postulées par la nature même de l'homme.

Dans l'âpre débat des rapports de l'Église et de l'Empire, Dante se place au-dessus des représentants de la Curie romaine, lesquels ne reconnaissaient que la théologie morale et négJi.

geaient la tin naturelle de l'hommé, mais aussi au·dessus des légistes qui se fondaient uniquement sur les normes positives du droit romain et sépa­ raient la morale de la foi ; il s'oppose notamment aux légistes français contemporains qui niaient la légitimité de l'Empire.

Dans sa conception de la cité terrestre, ou de l'ordre temporel, Dante s'en tient aux mêmes principes métaphysiques que saint Thomas dans la distinction des deux mondes, celui de la nature et celui de la grâce ; mais il apporte en plus une vision générale de l'histoire humaine où l'Empire romain eût pour fonction de réaliser la justice et la paix, en pré­ parant l'avènement du Christ.

Cette histoire hu­ maine.

est ég3..lement l'histoire de chaque homme : individu dans l'État et partie du corps social, pour le bien duquel il doit sacrifier sa vie même si cela est necessaire, l'homme est en même temps, pour Dante, une personne morale dont le propre bien final est Dieu, auquel elle est direc~ tement subordonnée.

-T.F.

Alcan, 1933.

469. »

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