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Napoléon Ier

Publié le 13/02/2013

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1   PRÉSENTATION

Napoléon Ier, né Louis Napoléon Bonaparte (1769-1821), général et homme d’État français, Premier consul (1800-1804) puis empereur des Français (1804-1815).

Génie militaire et despote éclairé, Napoléon Ier a institutionnalisé de nombreuses réformes élaborées pendant la Révolution française, conquis pratiquement toute l’Europe et contribué à la modernisation des nations qu’il a dominées. Mythe vivant (adulé ou critiqué), figure de proue de l’histoire de France, ce personnage au destin exceptionnel se confond avec l’histoire de l’Europe qu’il a façonnée en un empire : le Premier Empire.

2   LE PETIT CAPORAL
2.1   Ses origines

Né le 15 août 1769 à Ajaccio, un an après l’achat de la Corse par Louis XV à la république de Gênes, Louis Napoléon Bonaparte est le deuxième fils de Carlo Maria Buonaparte et de Maria Letizia Ramonilo. Issu d’une famille de treize enfants (huit atteignent l’âge adulte), il appartient à la petite noblesse corse d’origine génoise : son père, avocat, a lutté pour l’indépendance de la Corse contre les troupes royales au côté de Pasquale Paoli. Enfant turbulent, querelleur et orgueilleux, « corse de caractère et de nation «, il est élevé dans le ressentiment vis-à-vis de la France.

2.2   Ses études

Afin de récompenser la noblesse corse ralliée à la France, le roi accorde des bourses d’études aux enfants des anciens paolistes. Napoléon et son frère Joseph partent alors étudier au collège d’Autun (1778). L’année suivante, Napoléon est admis à l’école militaire de Brienne (1779-1784), puis à l’école royale militaire de Paris. En 1785, à l’âge de seize ans, il est reçu en qualité de lieutenant en second dans l’artillerie et affecté en garnison à Valence. La même année, la mort de son père le contraint à prendre la défense des intérêts familiaux et à sacrifier sa solde pour l’entretien de ses frères et sœurs. Doué pour les mathématiques, il n’en dévore pas moins des traités d’art militaire, lit les philosophes (particulièrement Montesquieu, Rousseau et Voltaire) et les grands penseurs politiques (dont Mirabeau et Necker). Son caractère farouche d’insulaire le rend insociable, frondeur, sauvage et silencieux avec ses condisciples, dans une métropole où il se sent longtemps étranger.

2.3   Patriote corse et jeune officier français

Bonaparte s’enthousiasme pour la Révolution, d’autant que le mouvement révolutionnaire peut servir ses ambitions : l’abolition des privilèges, la nuit du 4 août 1789, annule le décret cantonnant les petits nobles au rang de cadre inférieur de l’armée, lui ouvrant ainsi toutes grandes les portes de la carrière militaire. Mais dans un premier temps, ses ambitions se concentrent seulement sur son île natale. Pour échapper à l’ennui des nominations de garnison en garnison (Lyon 1786, Douai 1787, Auxonne 1788, Valence 1791), il séjourne souvent en Corse et s’engage dans les luttes politiques de l’île. Il commande d’abord un bataillon de volontaires et se bat contre les troupes du roi.

Réintégré néanmoins dans l’armée royale et nommé capitaine, il reprend bientôt la lutte en tant que lieutenant-colonel de la Garde nationale d’Ajaccio et s’oppose alors aux paolistes qui cherchent à établir l’indépendance de l’île avec l’appui des Anglais. En juin 1793, lors de la déclaration de l’indépendance de la Corse, le « traître «, en déroute, se réfugie avec sa famille à Marseille et se rallie définitivement à la France et à la république.

3   LE GLORIEUX GÉNÉRAL
3.1   La défense du pays

Durant l’été 1793, la France est menacée par l’Europe des rois coalisés. Bonaparte, en publiant le Souper de Beaucaire, prend cause pour les Jacobins, se défiant des masses populaires qu’il a vues à l’œuvre à Paris en 1792. Il est nommé chef d’artillerie et affecté au siège de la ville de Toulon qui s’est livrée aux Anglais ; par sa science, sa bravoure et son sens stratégique, il fait judicieusement tonner ses canons, contribuant à la prise de Toulon le 17 décembre 1793. En récompense, à l’âge de vingt-quatre ans, il est nommé général de brigade par le Comité de salut public, puis commandant d’artillerie de l’armée d’Italie en mars 1794 et devient le protégé de Robespierre. Après la chute de ce dernier, le 9 Thermidor, il est mis en état d’arrestation avant d’être rapidement innocenté et libéré. Le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), il est chargé par Barras de réprimer l’insurrection royaliste de Paris dirigée contre le Directoire. En récompense, il est nommé général de division et commandant de l’armée de l’Intérieur. À cette même époque, il rencontre Joséphine de Beauharnais, une créole veuve d’un général guillotiné et mère de deux enfants, qu’il épouse le 8 mars 1796.

3.2   La campagne d’Italie

Promu le 2 mars 1796 commandant en chef de l’armée d’Italie, il est chargé de mener une guerre de diversion et de pillage dans le Piémont et en Lombardie, alors que l’offensive principale doit passer par l’Allemagne pour menacer Vienne. Il mène une campagne foudroyante contre les troupes austro-piémontaises. Grâce à son génie militaire, il remporte victoire sur victoire entre 1796 et 1797 (Millesimo, Mondovi, Arcole et Rivoli). En prenant Venise, il s’ouvre les portes de Vienne et contraint l’Autriche et ses alliés à conclure la paix (traité de Campoformio, 17 octobre 1797), par laquelle il fonde les républiques sœurs dans le Nord de l’Italie. Avec son butin de guerre, il renforce son aura auprès du gouvernement français et sert sa propre propagande en publiant bulletins et journaux glorifiant ses exploits.

3.3   La campagne d’Égypte

Les membres du Directoire, inquiets de la renommée croissante du jeune général et des menées anglaises, cherchent à éloigner Bonaparte de Paris tout en utilisant ses talents militaires pour couper la route des Indes britanniques. Ils le nomment alors à la tête de l’expédition d’Égypte (mai 1798). Sur les traces de son rêve oriental, bercé par le souvenir d’Alexandre le Grand, Bonaparte s’assure le contrôle du pays à la bataille des Pyramides (21 juillet 1798). Libérateur du joug mamelouk, il s’applique à apparaître comme un administrateur consciencieux, s’associant aux notables locaux, désireux de redonner à l’Égypte l’image de son histoire, celle que redécouvre l’expédition scientifique qu’il entraîne avec lui. Mais le général anglais Nelson, en détruisant la flotte française à la bataille d’Aboukir (août 1798), contraint Bonaparte à faire route vers la Syrie. Une épidémie de peste l’arrête devant Saint-Jean d’Acre et, apprenant les revers du Directoire en Italie et la confusion qui règne en France, Bonaparte débarque à Fréjus le 8 octobre 1799 et regagne Paris.

Dans la capitale, les Jacobins (Sieyès, Talleyrand, Fouché, Murat et Lucien Bonaparte, son frère) cherchent à sauvegarder les principes de la Révolution de 1789. Pour cela, ces conjurés s’apprêtent à commettre un coup d’État : il ne leur manque qu’un sabre pour assurer avec autorité le retour au calme.

4   L’HOMME DU 18 BRUMAIRE
4.1   Le 18 Brumaire et la Constitution de l’an VIII

Le 9 novembre 1799 (18 brumaire an VIII), dans la confusion, Bonaparte pénètre avec ses troupes au Conseil des Cinq-Cents. Voyant son frère menacé d’être mis hors-la-loi, Lucien retourne la situation et accuse les députés d’être soumis à l’Angleterre. Les conjurés profitent alors de la confusion pour désigner un Consulat provisoire à la tête duquel ils nomment le général Bonaparte assisté de Ducos et Sieyès, qu’ils pensent pouvoir tous trois manipuler. Mais Bonaparte montre vite sa personnalité : en dictant la Constitution autoritaire de l’an VIII, il renforce à son profit le pouvoir exécutif, se réservant l’initiative des lois et la possibilité d’avoir recours au plébiscite. Sous ce nouveau régime inaugurant une forme de gouvernement direct, il devient Premier consul (assisté de Cambacérès et Lebrun, dont le rôle n’est que consultatif) et émiette le pouvoir législatif en assemblées dénuées de prérogatives. Déjà assuré de tous les pouvoirs, le plébiscite de 1802 confirme sa popularité et la Constitution de l’an X le désigne consul à vie.

4.2   La poursuite de la paix

Face à la désorganisation générale à laquelle il est confronté, Napoléon exige union, discipline et obéissance. En France, il contraint les chouans à déposer les armes (janvier et février 1800). Pour ôter aux royalistes leur soutien religieux, il conclut avec le pape Pie VII le Concordat de 1801, s’arrogeant un droit de veto sur les nominations ecclésiastiques. Au rétablissement de l’Église et du culte catholique succède l’amnistie des émigrés, le 26 avril 1802. Ces événements favorisent le retour des émigrés et imposent la politique de réconciliation nationale.

À l’extérieur, Bonaparte décide de nouvelles campagnes, pour contrer la deuxième coalition. Il triomphe à Marengo en Italie (14 juin 1800), de même que Moreau à Hohenlinden en Allemagne (3 décembre 1800), ce qui contraint l’Autriche à confirmer la paix de Campoformio par celle signée à Lunéville le 9 février 1801 et garantit le Rhin comme frontière orientale de la France. Avec l’Angleterre, Bonaparte signe la courte paix d’Amiens, le 25 mars 1802. Après dix ans de guerre en Europe, le Premier consul parvient à établir une paix fragile mais essentielle, puisque, déjà, elle est la reconnaissance de sa puissance. Parallèlement, il donne une constitution à la Hollande, devient médiateur de la Confédération des cantons suisses (19 février 1803), président de la République italienne après avoir annexé Parme et le Piémont, et, s’il développe des projets d’expansion coloniale vers Saint-Domingue, la Louisiane et l’Inde, c’est que sa puissance tend encore à s’étendre.

4.3   Les premières transformations

Afin d’organiser la paix napoléonienne, Bonaparte met en place de nombreuses réformes. Il rassure la bourgeoisie en réaffirmant la liberté d’entreprise et en renonçant au concept aristocratique de la propriété. En créant la Banque de France, en assurant une monnaie stable (le franc germinal) et grâce aux butins de ses conquêtes, il réorganise les finances de l’État. Au niveau économique, pour redonner confiance aux entrepreneurs, il interdit les grèves et, pour l’ouvrier, réintroduit l’obligation du livret de travail, le soumettant à la surveillance. En créant l’ordre de la Légion d’honneur (18 mai 1802), il cherche à fonder une nouvelle élite fondée non plus sur les privilèges, mais sur le mérite civil et militaire. De même, en 1802, il développe l’enseignement public avec la création des lycées, dispensant une instruction à la fois scientifique et classique ; ainsi favorise-t-il cette bourgeoisie dont il cherche à obtenir le soutien. Cependant, il prolonge la confiscation des libertés politiques, rétablit la censure à l’encontre de la presse et réduit l’opposition en développant une surveillance policière efficace et continue. Il réorganise la sécurité intérieure du pays, en confiant la Sûreté à Fouché.

En échange des libertés confisquées, il entreprend une réorganisation de l’ensemble de l’appareil administratif et juridique. En créant, dans le cadre du département, la fonction de préfet, relais direct de son autorité chapeautant les collectivités locales existantes, il contribue à perpétuer la centralisation administrative commencée sous l’Ancien Régime et prolongée par la Révolution. Dans le domaine administratif, il promulgue le Code civil (appelé également Code Napoléon) le 21 mars 1804. Cette unification de la législation lui permet d’assurer la libre entreprise, de garantir l’inviolabilité de la propriété privée et de réaliser, une fois encore, un audacieux compromis qu’il n’a de cesse de prolonger (par le Code des procédures civiles en 1806, du commerce en 1807, d’instruction criminelle en 1808 et le Code pénal en 1810), modifiant durablement et profondément les structures juridiques de la France.

5   NAPOLÉON IER
5.1   L’Empereur

Face aux complots qui se multiplient à l’égard de Bonaparte (il échappe à une machine infernale rue Saint-Nicaise le 24 décembre 1800, puis à une tentative d’enlèvement fomentée par le même chouan, Cadoudal, soutenu par les Anglais et certainement le duc d’Enghien, l’un des chefs de l’armée des émigrés) et afin de rallier les hésitants et de gagner les opposants, Fouché pousse le Sénat à inviter le Premier consul à « achever son ouvrage en le rendant immortel comme la gloire «. Le 18 mai 1804, le Sénat vote à l’unanimité l’instauration du gouvernement impérial, proclamant Napoléon empereur héréditaire des Français. Le 2 décembre 1804, après avoir épousé religieusement Joséphine, celui qui s’appelle désormais Napoléon Ier est sacré empereur par le pape Pie VII à Notre-Dame de Paris.

Même s’il est proclamé empereur (représentant ultime du peuple) et non roi, Bonaparte laisse planer un doute que l’historiographie n’a encore pu lever : en se faisant sacrer, Napoléon clôt-il ou trahit-il la Révolution ? En fait, l’aspect provisoire du Consulat a jusqu’alors laissé supposer un semblant de continuité avec la Révolution. Mais avec l’instauration de l’Empire est consacré un nouveau type de régime qui est sans doute en rupture avec les principes de la Révolution.

D’ailleurs, Bonaparte lui-même insiste sur ce point lorsqu’il déclare à la fin des travaux du Consulat provisoire : « Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée ; elle est finie. «

5.2   Les guerres napoléoniennes

En avril 1803, l’Angleterre rompt la fragile paix d’Amiens. Deux ans plus tard, l’Autriche, la Russie, la Suède et Naples la rejoignent dans la troisième coalition. Napoléon arme alors une flotte à Boulogne, avec l’idée d’envahir l’Angleterre. Mais la cinglante défaite navale que lui inflige Nelson à Trafalgar, le 21 octobre 1805, le conduit à oublier l’épine anglaise et à retourner ses troupes contre les Autrichiens et les forces austro-russes. Les premiers sont défaits à Ulm le 20 octobre 1805, les secondes mises en déroute lors de la bataille d’Austerlitz le 2 décembre. Le traité de Presbourg, signé le 26 décembre 1805, clôt la coalition. L’Autriche cède la Vénétie, le Tyrol, le Trentin, l’Istrie et la Dalmatie. Napoléon offre le royaume de Hollande à son frère Louis, regroupe seize états allemands dans la Confédération du Rhin (12 juillet 1806), enlève le royaume de Naples aux Bourbons et y couronne son frère Joseph.

La Prusse forme alors une nouvelle coalition avec l’Angleterre et la Russie. Elle est battue à Iéna et à Auerstedt (14 octobre 1806). En Pologne, Napoléon affronte l’armée russe et la vainc à Friedland (14 juin 1807). En juillet, il signe avec le tsar Alexandre Ier le traité de Tilsit, lequel ébauche une alliance salvatrice avec la Russie, émiette la Prusse et donne à Jérôme Bonaparte le royaume de Westphalie et le grand-duché de Varsovie.

En novembre 1806, il instaure le blocus continental dans l’espoir de conduire l’Angleterre à la faillite commerciale. Pour s’assurer l’étanchéité du blocus, il s’empare du Portugal en novembre 1807, annexe l’Étrurie en 1807, occupe les États du pape et prend Rome en 1808. En Espagne, il fait abdiquer en sa faveur Charles IV et place son frère Joseph sur le trône. C’est compter sans le mécontentement des Espagnols. Madrid se soulève, et malgré quelques victoires, la guérilla espagnole se prolonge, entretenue par les Britanniques. Coûteuse en hommes et en mobilisations, la campagne d’Espagne qui perdure est le premier revers de l’Empire napoléonien.

En 1809, Napoléon bat à nouveau les Autrichiens à Wagram (6 juillet) et occupe Vienne, où il signe une nouvelle paix, le 14 octobre. Il annexe l’Illyrie et les États pontificaux, puis Brême, Lübeck, et plusieurs régions au nord de l’Allemagne ainsi que la totalité du royaume de Hollande, à la suite de l’abdication qu’il impose à son frère, l’indocile Louis Bonaparte qui a refusé l’application du blocus continental dans son royaume.

Cette époque marque l’apogée de l’Empire napoléonien qui s’étend sur 130 départements et 750 000 km², gouvernant 70 millions d’habitants.

5.3   Le chef dynastique

Napoléon organise une cour impériale digne des fastes de l’Ancien Régime. Il crée une noblesse d’empire pour récompenser ses plus grands généraux, maillons essentiels et fidèles de ses victoires. Il fonde des royaumes en Europe, États satellites adossés à l’Empire, à la tête desquels il place les membres de sa famille, et particulièrement ses frères et sœurs devenus princes et altesses : Joseph, roi de Naples puis d’Espagne ; Maria-Anna, grande-duchesse de Toscane ; Louis, roi de Hollande ; Marie-Paulette, duchesse de Guastalla ; Marie-Annonciade, reine de Naples ; Jérôme, roi de Westphalie. En 1805, il désigne son beau-fils, Eugène de Beauharnais, comme son héritier en le nommant vice-roi de la défunte République italienne, dont il se proclame lui-même roi. En avril 1810, après avoir divorcé de l’impératrice Joséphine qui ne lui a pas donné d’enfant, il épouse la fille de l’empereur d’Autriche, Marie-Louise. En s’alliant ainsi aux Habsbourg, il espère légitimer sa dynastie et particulièrement son fils, François Charles Joseph, le jeune roi de Rome qui naît en 1811 (voir Napoléon II). Malgré les dérives de grandeur imitées de l’Empire romain, Napoléon Ier réussit, par cette habile politique, à faire disparaître toute opposition intérieure.

5.4   La poursuite de l’œuvre réformatrice

Le prolongement de l’œuvre réformatrice commencée sous le Consulat contribue, par sa diffusion dans toute l’Europe, à abolir la féodalité de l’Ancien Régime et à dessiner les prémices d’une unité européenne. Chaque État dépendant de l’Empire reçoit une constitution établissant le suffrage universel, créant un Parlement et intégrant une déclaration des droits sur le modèle révolutionnaire. Le Code Napoléon est introduit partout, et la justice est réformée sur le modèle français. Napoléon propage le système administratif centralisateur et l’enseignement public, ouvrant à tous l’enseignement supérieur. La liberté religieuse est partout instaurée (sauf en Espagne). Dans chaque État sont créés un conservatoire et des académies consacrées à la promotion des arts et des lettres. Pourtant, la présence française, et les bouleversements qu’elle apporte, contribuent à faire éclore les nationalismes et est à l’origine de profonds déchirements.

Durant cette période de « croissance dans la guerre «, comme l’a défini l’historien Ernest Labrousse, Napoléon initie bien d’autres réformes, comme l’établissement de cadastres au niveau communal. Il apporte son soutien aux innovations techniques, développe une politique de grands travaux et favorise le développement du monde des affaires, grâce à la stabilité du franc germinal et à la confiance que sa gloire inspire. Néanmoins, le besoin de fonds, nécessaires pour asseoir sans cesse la stabilité de son Empire, le pousse à continuer la guerre.

6   LA CHUTE DE L’AIGLE
6.1   L’abdication

De 1811 à 1812, Napoléon réunit à nouveau la Grande Armée et, en mai, en représailles envers le tsar qui s’apprête à s’unir aux aristocraties coalisées, Napoléon prend le commandement de la campagne de Russie. Le 14 septembre, il pénètre à Moscou, mais l’incendie qui ravage la ville détruit le ravitaillement de ses troupes. Avec l’hiver qui commence, il lui est impossible de poursuivre l’armée du tsar. La retraite de Russie est une longue marche de retour, désastreuse, où une grande partie des troupes se perd dans les eaux glacées de la Berezina.

Malgré la montée du mécontentement intérieur, la défection de certains de ses proches (comme Bernadotte et Murat, qui rejoignent la coalition), la saignée démographique masculine due à la multiplication des conscriptions et la conspiration du général Malet à Paris, Napoléon réunit une armée de jeunes conscrits, les « Marie-Louise «. Alors que la Russie prend la tête de l’opposition — réaction antinapoléonienne contre-révolutionnaire, liguant la Prusse, l’Allemagne, l’Autriche et l’Angleterre contre lui —, Napoléon parvient à remporter de nouvelles victoires à Lützen et à Bautzen en mai 1813. L’armistice conclu par le chancelier autrichien Metternich est de courte durée ; Napoléon est battu à Leipzig en octobre et se replie en France. L’Allemagne est abandonnée, la Hollande s’insurge, et Joseph, défait à Vitoria en juin, quitte la péninsule Ibérique. La France est envahie. Malgré les désertions, Napoléon parvient à lever encore 60 000 hommes. Mais la campagne de France se solde par la chute de Paris le 31 mars 1814. Les maréchaux d’empire refusent alors de continuer le combat ; Napoléon est déchu par le Sénat le 3 avril. Le traité de Fontainebleau, signé le 11, confirme son abdication sans conditions.

Les Alliés lui concèdent alors, comme seul royaume, l’île d’Elbe en Méditerranée, où il s’exile avec quelques fidèles. Marie-Louise et son fils, l’Aiglon, sont confiés à la garde de l’empereur d’Autriche.

6.2   Les Cent-Jours

Alors qu’en France une opposition bonapartiste s’organise contre le fragile régime du roi Louis XVIII, Napoléon s’échappe de l’île d’Elbe et débarque à Golfe-Juan. Il marche alors sur Paris, remontant d’un vol d’aigle la route qui prend bientôt son nom, gagnant à sa cause les troupes envoyées pour le capturer, soutenu par le peuple fidèle et rejoint par les combattants qui ont servi au cours de ses campagnes. Quand il arrive aux Tuileries, Louis XVIII a déjà fui. Contenant l’élan révolutionnaire, Napoléon promulgue une nouvelle constitution, proche de la Charte de Louis XVIII. Pour éviter que les armées coalisées ne se rejoignent en Belgique, l’Empereur prend l’initiative de l’attaque et bat les Prussiens à Ligny le 16 juin. Mais à Waterloo, le 18 juin 1815, il est vaincu par les armées de Wellington, rejointes par celles de Blücher que le marquis de Grouchy n’a pu contenir. Napoléon souhaite continuer la lutte, mais l’hostilité des députés le pousse à abdiquer une nouvelle fois, le 22 juin.

6.3   L’exil et la mort

Ayant perdu tout appui politique et n’ayant pas réussi à retrouver l’alliance déterminante des notables, dont il a pourtant assis la situation, Napoléon se réfugie à Rochefort. Il embarque sur le navire britannique Bellerophon et est exilé à Sainte-Hélène, île rocheuse désolée et battue par les vents au sud de l’océan Atlantique. Il y passe les six dernières années de sa captivité avec quelques fidèles, tel Emmanuel de Las Cases auquel il dicte le Mémorial de Sainte-Hélène. Durant son exil, il construit sa légende, devient le martyr de la Sainte-Alliance des « rois oppresseurs des peuples «. L’Empereur doit subir les brimades du gouverneur de l’île, Hudson Lowe, effrayé à l’idée d’une possible évasion. Le 5 mai 1821, il meurt des suites d’un douloureux cancer de l’estomac — qui le pousse depuis longtemps à porter sa main sur son ventre pour soulager sa douleur.

7   LA LÉGENDE NAPOLÉONIENNE
7.1   La légende officielle

La plus grande conquête de Napoléon est d’avoir ravi les cœurs et investi l’imaginaire collectif. En façonnant son image, cette silhouette reconnaissable entre toutes — une redingote grise et un bicorne surmontant deux grands yeux froids et décidés —, le « petit caporal « a conquis le monde. Il est devenu l’emblème de la méritocratie révolutionnaire, le modèle de la volonté de puissance.

En comprenant l’importance de la propagande, Napoléon initie avec génie sa propre légende. Dès la campagne d’Italie, il se préoccupe de son image ; grâce au butin italien, il fonde le Courrier de l’armée d’Italie, la France vue de l’armée d’Italie puis le Journal de Bonaparte et des hommes vertueux. Ces publications, largement diffusées, glorifient les exploits d’un jeune général encore inconnu. Plus tard, la propagande fait de lui l’homme providentiel. En noircissant la situation héritée du Directoire, Napoléon glorifie la confiance et l’ordre qu’il rétablit par ses victoires. Inondant l’Europe, les Bulletins de la Grande Armée imposent la version officielle des combats, modifiant les faits pour donner de l’Empereur l’image du génial stratège qui sait anticiper. Toujours grandioses, les cérémonies qui célèbrent son règne le montrent comme l’incarnation de la fierté et de la gloire nationales. Son image, magnifiée par les peintres (le Sacre de Napoléon Ier de David, les Pestiférés de Jaffa ou le Champ de bataille d’Eylau de Gros) et les sculpteurs (Chaudet érige la statue qui surmontait la colonne Vendôme), sublimée par l’invention d’un emblème (l’Aigle), concourt également à façonner la légende.

Cependant, les défaites et la chute de l’Empereur contribuent au développement d’une contre-propagande spontanée, et en partie d’origine britannique. Corollaire de l’admiration, la légende « noire « antinapoléonienne est partout amplifiée par les ennemis de l’Empire, en France — Chateaubriand dénonce le despotisme, la ruine économique et la sanguinaire saignée démographique européenne —, comme dans le reste de l’Empire — Goya peint le Dos de Mayo, dénonçant les répressions napoléoniennes contre les Madrilènes.

7.2   Mémorialistes et colporteurs

En 1823 paraît le Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases — qui est l’un des grands succès d’édition du xixe siècle — et, pratiquement en même temps, les Mémoires pour servir à l’histoire de France des généraux Gourgaud et Montholon, compagnons de l’Empereur à Sainte-Hélène. Les mémorialistes, souvent d’anciens généraux, sont nombreux à s’exprimer alors, à vouloir témoigner sur cette époque de conquêtes et de gloire. Tous exaltent le génie tactique de Napoléon, l’idéal militaire d’ascension qu’il représente, mais aussi et surtout, sa capacité charismatique à exiger l’impossible de ses hommes et à s’en faire adorer.

Les colporteurs, avec des gravures, des peintures et des dessins des fastes napoléoniens ou des scènes de bataille, assurent la postérité de l’Empereur. Les souvenirs des grognards rappellent les grandes victoires et les petites anecdotes flattant l’honneur national, comme le montre Balzac dans le Médecin de campagne. Chansons, poèmes, images de l’Empereur circulent dans le peuple, où l’existence du grand homme est transfigurée à la manière des légendes dorées du Moyen Âge, d’autant que le souvenir de la stabilité économique qu’il avait instaurée crée l’image d’un âge d’or face à la crise et à la cherté régnant aux débuts de la Restauration. Le destin tragique de l’Aiglon émeut. Le retour des restes de Napoléon, en décembre 1845, est l’occasion d’une démonstration de la piété qu’inspire encore l’Empereur, et le peuple accompagne avec ferveur le cercueil à l’église des Invalides où il repose encore. En 1848, l’élection de Louis-Napoléon, son neveu, à la présidence de la République porte aussi le souvenir de l’Empereur (voir Napoléon III). Et il est facile pour les bonapartistes se référant à Napoléon Ier, de légitimer le coup d’État de 1851 et le retour de l’Empire.

7.3   L’héritage de Napoléon

Comme l’a montré l’historien Jean Tulard, de cette légende napoléonienne naissent des héritages divers, selon la figure de l’Empereur que l’on exalte. Ce dernier laisse d’abord un héritage fondé sur son souvenir direct : les mémorialistes comme les bonapartistes s’inspirent du Napoléon sauveur de la France, homme providentiel qui a rétabli l’ordre et la discipline et redressé l’économie du pays. Il est l’exemple prestigieux qui affermit l’honneur de la France.

Après les désastres militaires, l’invasion et l’abdication, le sentiment national et l’exaltation religieuse se mêlent pour donner une image d’un Napoléon « Antéchrist «. En dénonçant le despotisme, la ruine économique de la France et la folie meurtrière des conscriptions, cette légende noire — qui persiste durant tout le xixe siècle, parallèlement à la légende dorée — inspire des hommes comme Jacques Bainville, Charles Maurras et Léon Daudet, écrivains de l’Action française.

La légende libérale et républicaine, quant à elle, veut voir en Napoléon plus un soldat de la Révolution unificateur de l’Europe et un fondateur de l’État de droit qu’un dictateur antilibéral. C’est ainsi que le décrit l’historien Jules Michelet.

Les romantiques s’enthousiasment pour un Napoléon tragique, enchaîné sur son îlot rocheux de l’Atlantique et modèle d’une génération perdue, comme Julien Sorel, le héros de Stendhal dans le Rouge et le Noir.

Il faut attendre le xxe siècle pour que Napoléon devienne un symbole de la France, une image d’Épinal dépolitisée, à l’origine encore de quelques fresques grandioses et héroïques, comme celles qu’en dressent le cinéaste Abel Gance, des historiens populaires comme André Castelot ou des romanciers comme Max Gallo. En exaltant l’appel direct au peuple, la personnalisation de l’autorité, la fierté nationale et la haute idée de la France, le gaullisme est souvent présenté comme un nouveau bonapartisme.

Mais l’héritage politique de Napoléon est retors. S’il est plutôt revendiqué par les partis de droite, il féconde toutes les tendances politiques, car il repose surtout sur le legs d’une conception de l’État centralisé et des institutions pérennisées deux siècles après son règne. Le Premier Empire a été, en définitive, le régime transitoire à travers lequel la Révolution s’est enracinée en France.

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