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« Nob, espèce de nigaud à la caboche laineuse ! s’écria-t-il. Ne peux-tu

Publié le 30/03/2014

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« Nob, espèce de nigaud à la caboche laineuse ! s’écria-t-il. Ne peux-tu pas appeler de vieux amis par leur nom ? Tu ne devrais pas m’alarmer ainsi, par les temps qui courent. Enfin... et d’où venez-vous ? Je ne me serais amais attendu à revoir aucun de vous, c’est un fait : partis dans les Terres Sauvages avec ce Grands-Pas et tous les Hommes Noirs dans les environs ! Mais je suis rudement content de vous voir, et Gandalf en premier. Entrez ! Entrez ! Les mêmes chambres que la dernière fois ? Elles sont libres. En fait, la plupart des chambres sont vides à présent, je ne vous le cacherai pas, car vous le constaterez assez vite. Et je vais voir ce qu’on peut faire pour le souper, aussitôt que possible, mais je suis à court de personnel. Hé, Nob, clampin ! Préviens Bob ! h, j’oubliais, Bob est parti : il rentre chez les siens à la nuit tombante maintenant. Eh bien, emmène les poneys des hôtes aux Écuries, Nob ! Et vous mènerez vous-même votre cheval à la sienne, je n’en doute pas, Gandalf. Un bel animal, comme je l’ai dit la première fois que je l’ai vu. Allons, entrez ! Installez-vous comme chez ous ! «

M. Poiredebeurré, en tout cas, n’avait pas changé de manière de parler, et il semblait toujours vivre dans la même fièvre d’affairement. Il n’y avait pourtant presque personne là, et tout était calme, de la Salle Commune enait un murmure étouffé de deux ou trois voix tout au plus. Et, vu de plus près à la lumière des deux chandelles qu’il alluma et porta devant eux, le visage de l’aubergiste parut assez ridé et usé par les soucis.

Il les mena le long du couloir vers le petit salon où ils s’étaient tenus en cette nuit étrange, plus d’un an auparavant, et ils le suivirent, un peu troublés, car il leur apparaissait clairement que le vieux Prosper affectait une bonne contenance devant quelque difficulté. Les choses n’étaient plus ce qu’elles avaient été. Mais ils ne dirent rien et attendirent.

Comme ils le supposaient, M. Poiredebeurré vint après le souper au petit salon pour voir si tout avait été à leur convenance. Ce qui était certes le cas : aucune modification en mal n’avait affecté la bière ni les victuailles du Poney Fringant, en tout cas. « Je n’oserai pas à présent vous proposer de venir dans la Salle Commune, dit Poiredebeurré. Vous devez être fatigués, et il n’y a pas là beaucoup de compagnie ce soir, de toute façon. Mais si

ous pouviez m’accorder une demi-heure avant d’aller vous coucher, j’aimerais beaucoup m’entretenir avec

ous, tranquillement entre nous. «

« C’est exactement ce que nous souhaiterions aussi, répondit Gandalf. Nous ne sommes pas fatigués. Nous ne sommes pas pressés. Si nous étions mouillés, et si nous avions froid et faim, vous y avez mis bon ordre. sseyez-vous donc ! Et si vous avez de l’herbe à pipe, nous vous bénirons. «

« Eh bien, si vous aviez demandé n’importe quoi d’autre, j’aurais été plus heureux, dit Poiredebeurré. C’est précisément une chose dont nous manquons, vu que nous n’avons que ce que nous faisons pousser nous-mêmes, et cela ne suffit pas. On n’en trouve plus dans la Comté, à présent. Mais je vais faire mon possible. «

À son retour, il rapportait une petite provision pour un jour ou deux d’une carotte de feuille non coupée. « Du coteau du Sud, dit-il, et du meilleur que nous ayons, mais ça ne vaut pas celui du Quartier Sud, je l’ai toujours dit, quoique je sois toujours en faveur de Bree pour la plupart des choses, sauf votre respect. «

Ils le firent asseoir dans un grand fauteuil au coin du feu de bois, Gandalf prit place de l’autre côté de l’âtre, et les hobbits dans des petits fauteuils entre eux deux. Ils parlèrent alors durant maintes demi-heures, échangeant toutes les nouvelles que M. Poiredebeurré était disposé à entendre ou à donner. La plupart de ce qu’ils avaient à raconter fut pur émerveillement et surprise pour leur hôte, dépassant de bien loin sa vision, et ils ne provoquèrent guère d’autre commentaire que : « Pas possible ! « souvent répété en défi au témoignage des propres oreilles de M. Poiredebeurré. « Pas possible, monsieur Sacquet, ou dois-je dire monsieur Soucolline ? Je ne sais plus où j’en suis. Pas possible, maître Gandalf ! Eh bien, ça alors ! Qui l’eût cru de nos jours ! «

Mais il ne dit pas grand-chose pour son compte. Tout était loin d’aller bien, dirait-il. Les affaires n’étaient même pas quelconques, mais franchement mauvaises. « Personne ne vient plus du côté de Bree de l’Extérieur, dit-il. Et les gens de l’intérieur, ils restent la plupart du temps chez eux, portes bâclées. Tout cela vient de ces nouveaux venus et de ces vagabonds qui commençaient à remonter le Chemin Vert l’année dernière, comme

ous vous le rappelez peut-être, mais il en est venu davantage par la suite. Certains n’étaient que de pauvres types qui fuyaient les troubles, mais la plupart étaient de mauvais hommes, qui ne cherchaient qu’à voler et à faire le mal. Et il y a eu des vilaines affaires, des affaires graves ici même, à Bree. Nous avons eu un combat en règle, et il y a eu des tués, raides morts ! Si vous pouvez me croire. «

« Je vous crois certes, dit Gandalf. Combien ? «

« Trois et deux, dit Poiredebeurré, comptant les grandes gens et les petites personnes. Il y a eu le pauvre Mat Piedbruyère, Rowlie Aballon et le petit Tom Cueillépine d’au-delà de la Colline, et Willie Talus d’en haut, et l’un des Soucolline de Staddel : tous de braves gens, on les regrette. Et Harry Chèvrefeuille qui était autrefois à la Porte de l’Ouest, et ce Bill Fougeron, ils se sont rangés du côté des étrangers et ils sont partis avec eux, et c’est eux, à mon avis, qui les ont fait entrer. La nuit du combat, je veux dire. Et ce fut après qu’on leur avait montré les portes et qu’on les avait poussés dehors : avant la fin de l’année, c’était, et le combat s’est passé au début de la Nouvelle Année, après la lourde chute de neige qu’on a eue.

« Et maintenant ils se sont mis voleurs et ils vivent au-dehors, cachés dans les bois au-delà d’Archet et dans les terres sauvages du Nord. C’est comme un bout de ce que racontent les histoires des mauvais temps de jadis, que je dis. Les routes ne sont pas sûres, personne ne va loin, et les gens s’enferment de bonne heure. On est obligés de maintenir des veilleurs tout autour de la clôture et de mettre un tas d’hommes sur les portes la nuit. «

« Personne ne nous a inquiétés, en tout cas, dit Pippin, et nous circulions lentement, sans faire garde. Nous pensions avoir laissé tous les ennuis derrière nous. «

« Ah, pour ça, non, Maître, c’est d’autant plus regrettable, dit Poiredebeurré. Mais il n’est pas étonnant qu’ils vous aient laissés tranquilles. Ils ne se lanceraient pas contre des gens armés, munis d’épées, de casques, de boucliers et de tout ça. Ça leur donnerait à réfléchir. Et je dois dire que ça m’a un peu interloqué de vous oir. «

Les hobbits se rendirent alors soudain compte que, si on les avait considérés avec stupéfaction, c’était moins par surprise de leur retour que par étonnement de leur accoutrement. Ils s’étaient tellement habitués à la guerre et à chevaucher en compagnies bien ordonnées qu’ils avaient complètement oublié que les mailles brillantes entr’aperçues sous leurs manteaux, les casques de Gondor et de la Marche et les beaux emblèmes de leurs oucliers paraîtraient bizarres dans leur propre pays. Et aussi Gandalf montait à présent son grand cheval gris, tout vêtu de blanc avec un vaste manteau bleu et argent par-dessus tout, et la longue épée Glamdring à son côté. Gandalf rit. « Enfin, dit-il, s’ils ont peur simplement de cinq d’entre nous, nous avons rencontré de pires ennemis au cours de nos voyages. En tout cas, ils vous laisseront en paix la nuit tant que nous serons là. «

« Combien de temps cela fera-t-il ? demanda Poiredebeurré. Je ne nierai pas que nous serions heureux de ous avoir un peu par ici. Nous ne sommes pas habitués à pareils troubles, vous comprenez, et les Rôdeurs sont tous partis, à ce qu’on m’a dit. Je crois que nous n’avions pas bien compris jusqu’à présent tout ce qu’ils faisaient pour nous. Car il y a eu pire que les voleurs dans les environs. Les loups hurlaient autour de la clôture, l’hiver dernier. Et il y a des formes sombres dans les bois, d’horribles choses qui vous glacent le sang rien que d’y penser. Ça nous a beaucoup perturbés, si vous me comprenez. «

« Je m’en doute, dit Gandalf. Presque tous les pays ont été perturbés ces temps-ci, très perturbés. Mais courage, Prosper. Vous avez été bien près de très grands troubles, et je suis seulement heureux que vous n’y ayez pas été plus profondément engagés. Des temps meilleurs approchent toutefois. Peut-être meilleurs qu’aucun dont vous puissiez vous souvenir. Les Rôdeurs sont revenus. Nous étions avec eux. Et il y a de nouveau un roi, Prosper. Il tournera bientôt son attention de ce côté-ci.

« Alors le Chemin Vert sera rouvert, ses messagers viendront dans le Nord, il y aura des allées et venues, et les mauvaises choses seront chassées des terres incultes, et il y aura des gens et des champs dans ce qui fut le désert. «

M. Poiredebeurré hocha la tête. « S’il y a quelques personnes honnêtes et respectables sur les routes, ça ne fera pas de mal, dit-il. Mais on ne veut plus de racaille ni de bandits. Et on ne veut pas d’intrus à Bree. On veut qu’on nous laisse tranquilles. Je ne veux pas que toute une foule d’étrangers vienne lamper ici, ou s’installer là, pour défoncer le pays sauvage. «

« On vous laissera tranquille, Prosper, dit Gandalf. Il y a assez de place pour des royaumes entre l’Isen et le Flot Gris, ou le long des côtes au sud du Brandevin, sans que personne ne vienne vivre à moins de plusieurs ours de chevauchée de Bree. Et bien des gens résidaient autrefois dans le Nord, à une centaine de milles ou davantage d’ici, tout au bout du Chemin Vert : sur les Hauts du Nord ou près du Lac Evendim. «

« Là-bas, près de la Chaussée des Morts ? dit Poiredebeurré, l’air encore plus dubitatif. C’est un endroit hanté. Seul un voleur irait là. «

« Les Rôdeurs y vont, dit Gandalf. La Chaussée des Morts, dites-vous. C’est ainsi qu’on l’a appelée de longues années, mais son vrai nom, Prosper, c’est Fornost Erain, le Norchâteau des Rois. Et le Roi y reviendra un jour, et alors, vous verrez passer de belles gens. «

« Eh bien, voilà qui paraît prometteur, je vous le concède, dit Poiredebeurré. Et ça fera marcher les affaires, sans aucun doute. Pour autant qu’il laisse Bree tranquille. «

« Il le fera, dit Gandalf. Il le connaît et il l’aime. «

« Vraiment ? dit Poiredebeurré, l’air déconcerté. Encore que je ne voie pas comment cela se ferait, assurément, assis qu’il est dans son grand fauteuil dans son grand château à des centaines de milles d’ici. Et en train de boire du vin dans une coupe d’or, ça ne m’étonnerait pas. Que représenteraient pour lui Le Poney, ou des pots de bière ? Non que ma bière ne soit pas bonne, Gandalf. Elle l’a été particulièrement depuis que vous êtes venu à l’automne de l’année dernière et que vous y avez mis une bonne parole. Et ç’a été un réconfort au milieu de tous les ennuis, pour sûr. «

« Ah ! dit Sam. Mais il dit que votre bière est toujours bonne. «

« Il le dit ? «

« Bien sûr. C’est Grands-Pas. Le chef des Rôdeurs. Vous ne vous êtes pas encore fourré ça dans la tête ? «

L’idée y pénétra enfin, et le visage de Poiredebeurré fut une image de l’étonnement. Les yeux s’arrondirent dans sa large face, sa bouche s’ouvrit toute grande, et il en perdit le souffle. « Grands-Pas ! s’écria-t-il, quand il l’eut retrouvé. Lui, avec une couronne et tout, et une coupe d’or ! Eh bien, où va-t-on ? «

« À des temps meilleurs, pour Bree en tout cas «, répondit Gandalf.

« Je l’espère, pour sûr, dit Poiredebeurré. Eh bien, ç’a été la plus agréable causette que j’aie eue depuis un mois de jours creux. Et je ne cacherai pas que je dormirai plus à l’aise cette nuit, et d’un cœur plus léger. Vous m’avez donné bonne matière à penser, mais je remettrai cela à demain. Je suis pour aller au lit, et je ne doute pas que vous serez heureux de trouver les vôtres aussi. Hé, Nob ! appela-t-il, allant à la porte. Nob, clampin ! «

« Voyons ! se dit-il à lui-même, se frappant le front. Qu’est-ce que cela me rappelle donc ? «

« Pas une autre lettre que vous auriez oubliée, j’espère, monsieur Poiredebeurré ? « dit Merry.

« Allons, allons, monsieur Brandebouc, ne me rappelez pas encore cela ! Mais voilà que vous avez coupé court à ma réflexion. Où en étais-je donc ? Nob, les écuries, ah ! j’y suis. J’ai quelque chose qui vous appartient. Si vous vous rappelez Bill Fougeron et le vol des chevaux : son poney que vous aviez acheté, eh bien, il est ici. Il est revenu de lui-même. Mais où il avait été, vous le savez mieux que moi. Il était aussi hirsute qu’un vieux chien et maigre comme un clou, mais il était vivant. Nob s’est occupé de lui. «

« Quoi ! Mon Bill ! s’écria Sam. Eh bien, je suis né veinard, quoi qu’en puisse dire mon vieux. Voilà encore un souhait réalisé ! Où est-il ? « Sam ne voulut pas se coucher avant d’avoir rendu visite à Bill dans son écurie.

Les voyageurs restèrent à Bree toute la journée suivante, et M. Poiredebeurré n’eut pas à se plaindre des affaires de la soirée du lendemain en tout cas. La curiosité surmonta toutes les craintes, et sa maison regorgea de monde. Les hobbits vinrent par politesse dans la Salle Commune au cours de la soirée, et ils répondirent à bon nombre de questions. Les mémoires étant à Bree tenaces, on demanda maintes fois à Frodon s’il avait écrit son livre.

« Pas encore, répondait-il. Je rentre maintenant chez moi pour mettre mes notes en ordre. « Il promit de traiter des étonnants événements de Bree et de donner ainsi quelque intérêt à un livre qui semblait devoir traiter principalement des affaires lointaines et secondaires de « là-bas dans le Sud. «

Puis l’un des jeunes demanda une chanson. Mais un silence et la réprobation générale suivirent son appel, qui ne fut pas répété : Personne ne désirait, à l’évidence, le retour d’événements mystérieux dans la Salle Commune.

Aucun trouble diurne ni aucun son nocturne ne dérangèrent la paix de Bree durant le séjour des voyageurs, mais, le lendemain matin, ils se levèrent de bonne heure, car, le temps étant toujours à la pluie, ils voulaient atteindre la Comté avant la nuit, et c’était une longue randonnée. Toute la population de Bree était dehors pour les voir partir, et elle était d’humeur plus gaie qu’elle ne l’avait été depuis un an, ceux qui n’avaient pas encore vu les étrangers dans tout leur appareil en restèrent bouche bée, devant Gandalf avec sa barbe blanche et la lumière qui semblait sortir de lui, comme si son manteau bleu ne fût qu’un nuage sur la clarté du soleil, et devant les quatre hobbits semblables à des chevaliers errants sortis de contes presque oubliés. Même ceux qui avaient ri de tout ce qu’on avait raconté sur le Roi commencèrent à penser qu’il y avait peut-être du vrai là-dedans.

« Eh bien, bonne chance sur votre route et bonne chance à votre retour chez vous ! dit M. Poiredebeurré. J’aurais dû vous avertir que tout n’allait pas bien dans la Comté non plus, si ce qu’on dit est vrai. Il s’y passe de drôles de choses, dit-on. Mais une chose en entraîne une autre, et j’étais plein de mes propres soucis. Cependant, si je puis me permettre de le dire, vous êtes revenus changés de vos voyages, et vous paraissez être gens à pouvoir affronter les difficultés de but en blanc. Je ne doute pas que vous n’arrangiez tout bientôt. Bonne chance à vous ! Et plus souvent vous viendrez, plus vous me ferez plaisir. «

Ils lui dirent adieu et s’en furent, ils franchirent la Porte de l’ouest et prirent la route de la Comté. Ils avaient avec eux Bill le poney, qui, comme précédemment, portait une bonne quantité de bagages, mais il trottait à côté de Sam et paraissait tout content.

« Je me demande à quoi le vieux Prosper faisait allusion «, dit Frodon.

« Je peux en deviner une partie, dit Sam sombrement. Ce que j’ai vu dans le Miroir : des arbres coupés et tout, et mon vieil Ancien chassé du Chemin. J’aurais dû me presser de revenir plus tôt. «

« Et, de toute évidence, quelque chose cloche dans le Quartier Sud, dit Merry. Il y a pénurie générale d’herbe à pipe. «

« Quoi que ce soit, dit Pippin, Lothon en est à l’origine : vous pouvez en être sûrs. «

« Profondément engagé dedans, mais pas à l’origine, dit Gandalf. Vous avez oublié Saroumane. Il avait commencé à s’intéresser à la Comté avant le Mordor. «

« En tout cas, vous êtes avec nous, dit Merry, les choses s’éclairciront donc bientôt. «

« Je suis avec vous pour le moment, dit Gandalf, mais je ne tarderai pas à n’y plus être. Je ne vais pas à la Comté : Vous devez régler vos affaires vous-mêmes, c’est à cela que vous avez été entraînés. Ne comprenez-vous pas ? Mon temps est terminé : ce n’est plus mon affaire de réparer les désordres, ni d’aider les gens à le faire. Quant à vous, mes chers amis, vous n’aurez besoin d’aucune aide. Vous avez crû, à présent. Crû très haut, en fait, ous êtes parmi les plus grands, et je n’ai plus aucune crainte pour aucun de vous.

« Mais, si vous tenez à le savoir, je vais bientôt vous quitter. Je compte avoir une longue conversation avec Bombadil : une conversation comme je n’en ai pas eu de toute mon existence. C’est un ramasseur de mousse, et ’ai été une pierre condamnée à rouler. Mais mes jours de roulement se terminent, et nous aurons à présent bien des choses à nous dire. «

Ils arrivèrent peu après à l’endroit où ils avaient pris congé de Bombadil sur la Route de l’Est, et ils espérèrent, et s’y attendirent à moitié, le trouver là debout pour les accueillir au passage. Mais ils ne virent aucun signe de sa présence, et il y avait une brume grise sur les Hauts des Galgals vers le Sud, et un voile épais sur la Vieille Forêt dans le lointain.

Ils firent halte, et Frodon regarda avec quelque envie vers le Sud.

« Que j’aimerais revoir ce vieil ami, dit-il. Je me demande comment il va. «

« « Personne ne nous a inquiétés, en tout cas, dit Pippin, et nous circulions lentement, sans faire garde.

Nous pensions avoir laissé tous les ennuis derrière nous. » « Ah, pour ça, non, Maître, c’est d’autant plus regrettable, dit Poiredebeurré.

Mais il n’ est pas étonnant qu’ils vous aient laissés tranquilles.

Ils ne se lanceraient pas contre des gens armés, munis d’épées, de casques, de boucliers et de tout ça.

Ça leur donnerait à réfléchir.

Et je dois dire que ça m’a un peu interloqué de vous voir. » Les hobbits se rendirent alors soudain compte que, si on les avait considérés avec stupéfaction, c’était moins par surprise de leur retour que par étonnement de leur accoutrement.

Ils s’étaient tellement habitués à la guerre et à chevaucher en compagnies bien ordonnées qu’ils avaient complètement oublié que les mailles brillantes entr’aperçues sous leurs manteaux, les casques de Gondor et de la Marche et les beaux emblèmes de leurs boucliers paraîtraient bizarres dans leur propre pays.

Et aussi Gandalf montait à présent son grand cheval gris, tout vêtu de blanc avec un vaste manteau bleu et argent par -dessus tout, et la longue épée Glamdring à son côté.

Gandalf rit.

« Enfin, dit - il, s’ils ont peur simplement de cinq d’entre nous, nous avons rencontré de pires en nemis au cours de nos voyages.

En tout cas, ils vous laisseront en paix la nuit tant que nous serons là.

» « Combien de temps cela fera -t- il ? demanda Poiredebeurré.

Je ne nierai pas que nous serions heureux de vous avoir un peu par ici.

Nous ne sommes pas habitués à pareils troubles, vous comprenez, et les Rôdeurs sont tous partis, à ce qu’on m’a dit.

Je crois que nous n’avions pas bien compris jusqu’à présent tout ce qu’ils faisaient pour nous.

Car il y a eu pire que les voleurs dans les environs.

Les lou ps hurlaient autour de la clôture, l’hiver dernier.

Et il y a des formes sombres dans les bois, d’horribles choses qui vous glacent le sang rien que d’y penser.

Ça nous a beaucoup perturbés, si vous me comprenez. » « Je m’en doute, dit Gandalf.

Presque tous les pays ont été perturbés ces temps - ci, très perturbés.

Mais courage, Prosper.

Vous avez été bien près de très grands troubles, et je suis seulement heureux que vous n’y ayez pas été plus profondément engagés.

Des temps meilleurs approchent toutefois.

P eut- être meilleurs qu’aucun dont vous puissiez vous souvenir.

Les Rôdeurs sont revenus.

Nous étions avec eux.

Et il y a de nouveau un roi, Prosper.

Il tournera bientôt son attention de ce côté -ci.

« Alors le Chemin Vert sera rouvert, ses messagers viendron t dans le Nord, il y aura des allées et venues, et les mauvaises choses seront chassées des terres incultes, et il y aura des gens et des champs dans ce qui fut le désert. » M.

Poiredebeurré hocha la tête.

« S’il y a quelques personnes honnêtes et respecta bles sur les routes, ça ne fera pas de mal, dit -il.

Mais on ne veut plus de racaille ni de bandits.

Et on ne veut pas d’intrus à Bree.

On veut qu’on nous laisse tranquilles.

Je ne veux pas que toute une foule d’étrangers vienne lamper ici, ou s’installer l à, pour défoncer le pays sauvage. » « On vous laissera tranquille, Prosper, dit Gandalf.

Il y a assez de place pour des royaumes entre l’Isen et le Flot Gris, ou le long des côtes au sud du Brandevin, sans que personne ne vienne vivre à moins de plusieurs jours de chevauchée de Bree.

Et bien des gens résidaient autrefois dans le Nord, à une centaine de milles ou davantage d’ici, tout au bout du Chemin Vert : sur les Hauts du Nord ou près du Lac Evendim.

» « Là -bas, près de la Chaussée des Morts ? dit Poired ebeurré, l’air encore plus dubitatif.

C’est un endroit hanté.

Seul un voleur irait là. » « Les Rôdeurs y vont, dit Gandalf.

La Chaussée des Morts, dites - vous.

C’est ainsi qu’on l’a appelée de longues années, mais son vrai nom, Prosper, c’est Fornost Erain, le Norchâteau des Rois.

Et le Roi y reviendra un jour, et alors, vous verrez passer de belles gens. » « Eh bien, voilà qui paraît prometteur, je vous le concède, dit Poiredebeurré.

Et ça fera marcher les affaires, sans aucun doute.

Pour autant qu’il laiss e Bree tranquille.

» « Il le fera, dit Gandalf.

Il le connaît et il l’aime.

» « Vraiment ? dit Poiredebeurré, l’air déconcerté.

Encore que je ne voie pas comment cela se ferait, assurément, assis qu’il est dans son grand fauteuil dans son grand château à d es centaines de milles d’ici.

Et en train de boire du vin dans une coupe d’or, ça ne m’étonnerait pas.

Que représenteraient pour lui Le Poney , ou des pots de bière ? Non que ma bière ne soit pas bonne, Gandalf.

Elle l’a été particulièrement depuis que vous êtes venu à l’automne de l’année dernière et que vous y avez mis une bonne parole.

Et ç’a été un réconfort au milieu de tous les ennuis, pour sûr. » « Ah ! dit Sam.

Mais il dit que votre bière est toujours bonne.

» « Il le dit ? » « Bien sûr.

C’est Grands -Pas.

Le chef des Rôdeurs.

Vous ne vous êtes pas encore fourré ça dans la tête ? » L’idée y pénétra enfin, et le visage de Poiredebeurré fut une image de l’étonnement.

Les yeux s’arrondirent dans sa large face, sa bouche s’ ouvrit toute grande, et il en perdit le souffle.

« Grands -Pas ! s’écria- t- il, quand il l’eut retrouvé.

Lui, avec une couronne et tout, et une coupe d’or ! Eh bien, où va -t- on ? » « À des temps meilleurs, pour Bree en tout cas », répondit Gandalf.

« Je l’es père, pour sûr, dit Poiredebeurré.

Eh bien, ç’a été la plus agréable causette que j’aie eue depuis un mois de jours creux.

Et je ne cacherai pas que je dormirai plus à l’aise cette nuit, et d’un cœur plus léger.

Vous m’avez donné bonne matière à penser, ma is je remettrai cela à demain.

Je suis pour aller au lit, et je ne doute pas que vous serez heureux de trouver les vôtres aussi.

Hé, Nob ! appela -t- il, allant à la porte.

Nob, clampin ! ». »

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