Nos vices prennent leur pli dès l'enfance.
Publié le 22/02/2012
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Je trouve que nos plus grands vices prennent leur ply de nostre plus tendre enfance, et que nostre principal gouvernement est entre les mains des nourrices. C'est passe-temps aux mères de veoir un enfant tordre le col à un poulet et s'esbatre à blesser un chien et un chat; et tel père est si sot de prendre à bon augure d'une âme martiale, quand il voit son fils gourmer injurieusement un païsant ou un laquay qui ne se défend point, et à gentilesse, quand il le void affiner son compagnon par quelque malicieuse déloyauté et tromperie. Ce sont pourtant les vrayes semences et racines de la cruauté, de la tyrannie, de la trahyson; elles se germent là, et s'eslevent après gaillardement, et profittent à force entre les mains de la coustume. Et est une très dangereuse institution d'excuser ces villaines inclinations par la foiblesse de l'aage et legiereté du subjet. Premierement, c'est nature qui parle, de qui la voix est lors plus pure et plus forte qu'elle est plus gresle. Secondement, la laideur de la
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piperie ne despend pas de la difference des escus aux esplingues. Elle despend de soy. Je trouve bien plus juste de conclurre ainsi : « Pourquoy ne tromperoit il aux escus, puisqu'il trompe aux esplingues? » que, comme ils font : « Ce n'est qu'aux esplingues, il n'auroit garde de le faire aux escus. » Il faut apprendre soigneusement aux enfans de haïr les vices de leur propre contexture, et leur en faut apprendre la naturelle difformité, à ce qu'ils les fuient, non en leur action seulement, mais sur tout en leur coeur; que la pensée mesme leur en soit odieuse, quelque masque qu'ils portent. MONTAIGNE.
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