Nuit et Brouillard

Mémoire 1956 - Ce film de trente minutes, émouvant à l'extrême et cependant d'une sobriété dont on se félicite, nous offre un raccourci de l'univers concentrationnaire, s'inspirant à cette fin de la véritable anthologie des camps qu'est la tragédie de la déportation, suite de témoignages recueillis par Olga Wormser et Henri Michel. C'est dire que Nuit et Brouillard se trouve essentiellement constitué de documents filmés extrait des bandes d'actualités tournées lors de l'avance des Alliés libérant, un à un, tant de bagnes ou bien de prises de vues réalisées par les nazis sur les lieux de leurs crimes. Cependant Alain Resnais s'est rendu lui-même en différents endroits à l'automne dernier, notamment en Pologne, d'où il nous rapporta d'Auschwitz-Birkenau de nombreux plans en couleurs d'une déchirante beauté parmi les blocks sinistres de brique sanglante ou de planches pourries. La nature envahit peu à peu ce décor de forêts et d'herbe rase qu'il nous fut donné de parcourir le coeur serré à la pensée des six millions d'hommes dévorés sur ces quelques arpents de glaise par les flammes des crématoires. Nuit et Brouillard nous rappelle opportunément que nous devons veiller désormais à leur place. A cet égard il convient de souligner la simple grandeur du commentaire du poète Jean Cayrol, un ancien de Mauthausen, l'heureux contre-point de la musique d'Eisler et l'aide qu'Alain Resnais reçut de son camarade Chris Marker.