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Parenté génétique et convergence affinitaire. ROMAN JAKOBSON

Publié le 22/02/2012

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Si l'évolutionnisme orthodoxe enseignait que « l'on doit prendre en considération les similitudes de structure des organes uniquement si elles dénotent que les porteurs de ces organes descendent d'un seul et même ancêtre », les recherches de nos jours font au contraire voir l'importance des similitudes secondaires acquises.... Dans ces conditions la distinction des organismes en apparentés et non-apparentés perd son caractère décisif. Le développement convergent, englobant des masses immenses d'individus sur un vaste territoire, est à considérer comme une loi prédominante. C'est un des mérites inoubliables du maître de la linguistique moderne, Antoine Meillet, d'avoir fait ressortir un fait trop souvent méconnu malgré sa grande portée : les concordances entre deux ou plusieurs langues surgissent fréquemment après la dissolution de la langue mère et proviennent, beaucoup plus qu'on ne l'imagine au premier abord, de développements parallèles'.... On connaît la tendance de maints faits phonologiques à faire tache d'huile sur la carte, et l'on a plus d'une fois fait remarquer que les langues contiguës d'origine diverse offrent quantités de ressemblances dans leur structure phonologique aussi bien que grammaticale (Jespersen, Sandfeld, Schmidt, Vendryès et en particulier Boas et Sapir). Fréquemment ces affinités, tout en rapprochant des langues contiguës non parentes, scindent des familles de langues. Ainsi le domaine du russe (y compris celui du blanc-russe et de l'ukrainien) et du polonais s'oppose à la région tchécoslovaque par le manque de l'opposition quantitative des voyelles et forme à cet égard un tout avec le gros des langues finno-ougriennes et turques de la Russie européenne ou cisouralienne — tandis que quelques autres langues des familles finno-ougrienne et turque possèdent cette opposition : par ex. le hongrois appartient à ce point de vue au même ensemble que le tchèque ou le slovaque. Les isophones d'une affinité croisent non seulement les limites d'une famille de langues, mais souvent même celles d'une langue. Ainsi les parlers orientaux du slovaque se rangent par le manque de l'opposition quantitative du côté des langues voisines du nord-est, c'est-à-dire du russe et du polonais.

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