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Pétain rencontre Franco

Publié le 02/08/2006

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13 février 1941 -   Le 7 février 1941, le maréchal Pétain est informé par l'ambassade française à Madrid que " le général Franco doit se rendre sans plus tarder en Italie pour y conférer avec Mussolini ". Il est également précisé que, " si le Caudillo demande à circuler incognito sur le sol français, il a fortement souhaité, sur le chemin du retour, saluer le maréchal à la fois comme chef de l'Etat voisin et ami personnel ".

   Pétain accepte aussitôt le principe d'une rencontre, conscient des avantages qu'elle peut apporter : avantages bilatéraux pour renforcer les relations franco-espagnoles, avantages politiques pour briser l'isolement de Vichy, avantages diplomatiques, enfin, s'il parvient à percer le mystère de ce voyage précipité. Pour cela, les rapports qu'il a toujours entretenus avec Franco doivent le servir.

   Les deux hommes se sont connus durant la guerre du Rif en 1925 à Ceuta, où ils ont été présentés l'un à l'autre par le dictateur Primo de Rivera, puis, à Madrid, en 1939, où le vainqueur de Verdun était ambassadeur en Espagne.

   Ce 10 février 1941, en route pour l'Italie, Franco est le seul à connaître le contexte de crise larvée dans lequel intervient la convocation du Duce, ordonnée par Berlin. Depuis plusieurs mois, Hitler presse l'Espagne d'entrer en guerre contre l'Angleterre. Faisant toujours dépendre son ralliement d'exigences territoriales (Gibraltar, Maroc français, Oran, bande côtière en AOF...)et économiques exorbitantes pour l'Axe, Franco avait évité tout engagement militaire de son pays. Mais il avait déchaîné l'ire de Hitler.

   C'est bien à la demande de Hitler que le chef fasciste le fait venir, afin de le convaincre de la nécessaire participation de l'Espagne au conflit. Les objectifs allemands sont clairs : assujettir la Méditerranée occidentale avec ou sans l'accord des Espagnols, et au détriment des Français... Le 13 février au matin, c'est un Franco inquiet qui part pour la France y rencontrer le maréchal Pétain.

   Le Caudillo informe son interlocuteur des conversations de Bordighera, lui livre ses appréhensions et demande au maréchal d' " intervenir auprès du Führer pour l'appuyer, afin d'éviter l'entrée des troupes allemandes en Espagne ". Pétain rétorque qu'il " ne peut décemment s'acquitter de cette drôle de mission, tout en le regrettant ". Le Français s'estime être le plus mauvais intercesseur auprès de Hitler, dont il a reçu, deux semaines auparavant, " une lettre bourrée d'insultes " lui enjoignant de reprendre Laval.

   Pour écarter les visées allemandes, Franco indique " l'avantage qu'aurait la France à conjuguer son propre effort avec celui des deux autres nations méditerranéennes afin de parer le risque d'une incursion anglaise en Afrique du Nord ". Incursion à laquelle le Reich ne manquerait pas de répondre - voire de la prévenir - par l'occupation des colonies d'outre-Méditerranée.

   D'où l'idée franquiste de " bloc latin " capable d'offrir en Europe une union modératrice et compensatrice d'une complète victoire et domination germaniques.

   L'entretien achevé, devant l'insistance de la foule qui, au-dehors, n'a cessé de les réclamer, Pétain et Franco apparaissent au balcon, souriants. Une ovation les accueille.

   Accomplie hors de la sphère franco-allemande, cette rencontre spectaculaire entre " le Général neutraliste " et " le Maréchal attentiste " fut autant appréciée aux Etats-Unis qu'elle déplut à Berlin. Et même à Londres, où l'on crut que ce ballet diplomatique préparait une paix franco-italienne par l'entremise de l'Espagne.

   L'invasion de la zone libre en novembre 1942 mit fin à cette convergence et signifia à Madrid que le régime de Vichy avait cessé d'être une entité politique et militaire crédible.

   L'avait-il jamais été ? Pétain, chef nominal d'un Etat fictif, n'avait pas empêché la Wehrmacht d'atteindre le golfe du Lion.

   Dès lors, Franco ménagea l'Axe tout en jouant les Alliés et, en 1945, sauva sa dictature. 

 

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