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Peut-on s'en tenir au présent ?

Publié le 23/07/2010

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« Carpe diem «: cette sentence latine est le dernier vers d'une ode d'Horace, qui dans dans sa totalité traduite était: « cueille le jour, en te fiant le moins possible au lendemain. «. Ce discours du « carpe diem «, où le sage, détaché du passé, la racine de tout remord et du futur, source de vaines espérances, sait vivre au présent, a traversé les âges. Ronsard, Baudelaire, Queneau, toutes les époques connaissent cette volonté de s'en tenir simplement au présent, sans les remords du passé et les angoisses du futur.  Peut-on pourtant s'en tenir uniquement au présent? Etymologiquement parlant, cette phrase semble déjà paradoxale: se tenir relève d'une volonté d'immobilisme, d'arrêt, de constance vis-à-vis de soi-même et des autres: celui qui « sait à quoi s'en tenir « n'est-il pas celui qui a une opinion arrêtée sur un sujet et qui n'est pas prêt d'en changer? La conception habituelle que l'on se fait du temps qui passe ne permet que difficilement d'imaginer pouvoir retenir, arrêter, laisser en l'état le temps. On se figure en effet souvent le temps comme une jonction de deux demi droites, le passé et le futur, où leur point de rencontre serait le présent. Cependant cette conception ne permet pas de définir précisément le présent et le temps: il est vu comme un mécanisme nécessaire et donc impossible à arrêter, à l'instar d'un fleuve qui coule, image courante et acceptée par l'opinion. Quelle dimension peut-on donner au présent? Quelle peut être sa durée? Les philosophies de l'instant présent qui découlent ou ressemblent à l'épicurisme sont pourtant suffisamment nombreuses et structurées pour nous pousser à nous demander s'il est humainement possible d'exister dans le présent ou, au contraire si cette volonté ne relève que de la peur d'une vieillesse inéluctable et par extension à la mort, inconnue et terrifiante?  Si dans un premier temps on peut penser que les philosophies de l'instant présent sont un remède aux angoisses concernant le futur et aux regrets ayant traits au passé, il nous semble pourtant que cette définition ne prend pas en compte la nature même de l'homme, construite sur ces deux faits. En outre cette volonté de ne vivre qu'au présent relevant peut-être d'une peur de la mort, on peut se demander, en raisonnant par l'absurde si l'immortalité serait elle-même un remède à ces angoisses. Pourtant, les remèdes trouvés par l'homme transcendent le présent en s'y inscrivant: l'art et la religion.    « Qu'est-ce donc que le temps? Si personne ne m'interroge, je le sais; si je veux répondre à cette demande, je l'ignore. « Saint-Augustin, dans le chapitre XI des Confessions, montre bien à quel point le temps nous est familier, et pourtant aussi, à quel point sa conceptualisation nous échappe.  L'opinion voit le temps comme quelque chose d'objectif, que nous subirions nécessairement. Cette conception linéaire du temps considère le passé, le présent et le futur comme ayant la même réalité, la même « consistance «. Pourtant, le passé et le futur n'existent de façon concrète, dans l'espace. Seul l'instant présent l'est. Cet instant présent pose lui aussi des problèmes de définition. On peut considérer l'instant présent comme le présent sensuel, celui on l'on voit, touche , sens, entend, goûte. Celui-ci dure, selon les scientifiques, quatre centièmes de seconde. Le temps serait alors l'enchainement successif de ces instants, suffisamment proches les uns des autres pour que l'on ne distingue pas de rupture entre eux. Mais le passé et l'avenir ne sont pas non plus « rien «. Le passé nous permet d'assurer à notre être une certaine continuité: nous voyons bien que nos pensées changent constamment, il en va de même pour nos émotions et finalement pour le monde. La présence de souvenirs nous permet d'avoir un regard rétrospectif sur notre conscience et ainsi de mesurer pleinement notre individualité. Une action passée, un concours, par exemple, modifie notre présent suivant qu'il est réussi ou passé. Le futur joue lui aussi un grand rôle chez l'individu: tous les choix que nous effectuons, ne sont pas eux-mêmes des finalités, ils ne sont que des intermédiaires. Par ces actions, nous visons pourtant des buts précis, des projets que nous formons et qui conditionnent ainsi nos actions présentes. Pour préparer un concours, je m'entraine. L'entrainement n'est pas lui-même une finalité.  L'épicurisme et toutes les philosophies de l'instant présent ne sont pourtant pas des négations totales du futur et du passé: il ne faut juste pas les considérer avec trop d'importance, car le passé n'existe plus et le futur n'existe pas encore; il serait par conséquent absurde de s'inquiéter de ce qu'on ne peut défaire et de ce que l'on a pas encore fait. Albert Camus, dans Noces, célèbre l'instant présent: pour lui les deux seules choses qui nous sont réellement données sont le corps et le présent. « Oui, je suis présent (…), car pour un homme, prendre conscience de son présent, ce ne plus rien attendre «. Ainsi, vivre pleinement le présent et s'en tenir à lui permettrait à l'homme de se libérer des angoisses de l'avenir. Ceci montre que la représentation du temps ligne avec pour présent un point est erronée: nous sommes dans le présent. Le présent est le temps de la perception, celui dans lequel nous sommes immergés. Même lorsque je me souviens du passé et que j'anticipe l'avenir, je suis dans le présent, car se souvenir et anticiper sont bein des actes que j'effectue dans le présent. Ce sont le présent du passé ou le présent de l'avenir. Le présent du présent réside quant à lui dans l'attention que je porte à ce que je suis en train de faire. Nous sommes pourtant souvent absents à nous-mêmes, que nous soyons « dans la lune «, loin de la réalité, à espérer des choses qui ne viendront peut-être jamais et à regretter des choses qui ne reviendront certainement plus. Ainsi, bien que nous ayons conscience de notre attachement au présent, nous ne pouvons nous empêcher de fantasmer, ce qui nous empêche pourtant bel et bien de vivre. Le présent nous rappelle à quel point le temps car il s'écoule lui même constamment dans le passé: le passé et le futur offre une certaine stabilité, s'enfermer dans le passé, à l'instar de se projeter constamment dans le futur, c'est fuir les présent.    La condition humaine, est donc condamné à ne pouvoir vivre pleinement, comme le montre la formule de Pascal: « condition de l'homme: inconstance, inquiétude, ennui. «. L'homme s'il pouvait vivre au présent s'arracherait donc au tragique de sa condition. Cette citation peut être éclairer par un autre extrait des pensées, moins elliptique: « Nous ne tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l'avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours; ou nous arrêtons le passé comme pour l'arrêter comme trop prompt; si imprudents que nous errons dans des temps qui ne sont pas les nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient, et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. «. Vivre est pour l'homme une course vaine où il s'aveugle sur la réalité de ce qu'il poursuit: à vivre dans les brumes du passé ou dans les hypothèses de l'avenir, il en oublie que le seul temps où il peut vraiment vivre et s'épanouir est le présent. Si nous niions volontairement le présent, c'est bien parce qu'il ne trouve à nos yeux que peu d'intérêt. Même s'il est le plus réel de tous les temps qui nous sont donnés ou que nous croyons pouvoir posséder, il nous semble toujours que quelque chose de meilleur est passé ou nous attend, d'où le mythe constant de l'age d'or, un temps originel et disparu ou la foi dans le progrès, où le futur sera nécessairement meilleur que le présent. Pour accepter de vivre, il faut donc accepter de vivre au présent.  Pourtant, peut-on considérer que vivre équivaut à exister, ou bien que l'existence se résume à la vie seule? Il est évident que l'existence ne pourrait être sans la vie, car exister c'est d'abord vivre dans le présent d'un point de vue biologique. Mais l’évidence de l’existence se rencontre finalement quand je m’interroge sur ma propre existence. C’est ce que fait Descartes, dans les méditations métaphysiques. Le cogito, c’est la certitude que je suis. Quand on dit « je pense «, le « je suis « est bien inclus. Pourtant, l'existence semble être irréductible à la vie seule. En effet, si exister c’est vivre alors pourquoi le verbe exister n'est-il utilisé que pour l’homme? La différence essentielle entre l'homme et les animaux, c'est qu'il est un être de pensées, il a une conscience qui lui souffle qu'il est fait pour la mort. Cette conscience de notre propre mort nous suit toute notre vie. On peut donc considère que la mort et la vie font partie de l'existence. En prenant conscience de l'existence, l'homme cherche le sens de la mort. Ce faisant, il pose une question sur sa nature même, et remet en question. On ne peut pas « savoir « l'existence comme objet de connaissance extérieur, car c'est bien une dimension de notre être. Sartre, avec son existencialisme montre les rapports que notre conscience entretient avec le monde: exister ce n'est pas simplement vivre intérieurement, mais aussi se tourner vers le monde, ouvrir sa conscience au monde. Pour ce faire il faut bien être présent au monde et à soi-même.  Le présent est donc tout à fait important dans la conscience qu'un homme a de lui même. Pour s'en convaincre, on peut penser à un raisonnement par l'absurde: si nous tenons tellement à notre présent , c'est bien parce que nous avons justement peur qu'il s'écoule. Mais s'il ne s'écoulait pas, que se passerait-il? La poursuite de la jeunesse est bien une pensée commune à beaucoup de civilisation: la fontaine de jouvence, le saint-graal ne sont-ils des mythes qui reflètent notre angoisse de cette si grande inconnue que représente la mort? Si l'immortalité nous était donnée, nous serions délivrer de l'angoisse de la vieillesse, annonciatrice de la mort. Pourtant c'est ce sentiment d'urgence qui nous permet de prendre en compte toute la valeur du présent. Se dépasser nous permet d'atteindre à travers le présent l'immortalité. Cette immortalité n'est bien sur pas physique, car la seule qu'il est permis d'espérer pour les mortels est celle apportée par la gloire. Elle se construit et reste après dans la mémoire des hommes. C'est elle qui pousse les hommes à s'illustrer dans le présent pour pouvoir inscrire leurs actes dans cette sorte d'immortalité et ne plus craindre le futur. Le choix d'Achille d'une vie courte mais glorieuse au lieu d'une vie longue mais obscure le montre bien: en se rendant à Troie et en acceptant son destin, il vit pleinement le présent en ayant toutefois conscience que cet acte aura des répercussions, ce qui est escompté, et c'est ce qui  lui permet de se défaire des angoisses concernant l'avenir et la mort.    Tout le monde pourtant n'est pas demi-dieu, ce qui n'empêche pas d'aspirer à cette immortalité qui transcenderaient le présent tout en le vivant pleinement. On peut cependant aussi considérer l'artiste comme tous ceux qui accomplissent quelque chose de remarquable pour l'humanité, comme des chercheurs de gloire dans l'accomplissement du présent. La remarque de Baudelaire, dans le peintre de la vie moderne, nous éclaire sur ce point: « La modernité, c'est le transitoire, le fugitif le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable. «. Une oeuvre d'art est donc un moyen d'échapper aux masques du passé et du futur qui nous cachent le présent. Elle peut l'être pour l'artiste comme pour le spectateur. Pour l'artiste, cependant cette délivrance n'est pas assurée: il faut en effet d'abord que son produit soit reconnu par ses pairs, ce qui n'arrive pas systématiquement du vivant de l'artiste. Pour ce qui est du spectateur, le cas est différent.  L'art est perçu pour la plupart de nos contemporains comme un certain éloge de la fuite, un échappatoire qui nous permettrait de nous évader, d'échapper, ne serait-ce qu'un instant à ce présent, cette seule réalité qui nous est donnée, tant nous la craignons. Le cinéma est l'art qui véhicule le plus cette image d'échappatoire: comment ne pas rêver face à certains films qui nous montrent exactement ce que nous aspirons à être, qui exhibent devant nos yeux ce que nous pensons être notre idéal? C'en est presque devenu le lieu commun de la post-modernité: nous avons besoin de rêver et l'art est le meilleur moyen de la faire. L'art se pose donc ici en rupture avec la réalité si triste et pragmatique. L'art pourtant ne se limite pas seulement à ce caractère palliatif. L'artiste est souvent considéré comme touché par la grâce, ce qui lui assurerait son talent. Cette grâce est souvent perçue comme divine ou du moins, émanant d'un être supérieur. Cet art ne pourrait pas être par conséquent ce produit de consommation qui n'est pas sans rappeler le pain et les jeux antiques. En effet, l'art de la consommation de masse est fait pour faire rêver les masses pour les détourner du présent. Platon incitait dans la République à se méfier de l'art en tant qu'il était imitation de la nature; l'art comme illusion peut s'avérer tout aussi dangereux. Pourtant si l'on ne considère pas l'art comme simplement puissance du divertissement, mais plutôt comme puissance d'éveil de notre sensibilité, on peut voir qu'il ne sert pas simplement à nous procurer notre dose d'illusion et d'évasion de notre réalité mais bien à nous y ramener par le sensible qu'il éveille en nous. Pour Proust, c'est ainsi: « La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c'est la littérature. Cette vie qui en un sens habite, chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l'artiste. Mais ils ne la voient pas parce qu'ils ne cherchent pas à l'éclaircir. «. Ainsi, pour éclaircir l'écrivain écrit, ce qui revient pour lui a faire passer la vie invisible dans l'oeuvre ce qui nous permet d'atteindre une forme de réalité épurée que l'on pourrait plus appeler vie que la « réalité «, sans le vide, l'absence de but pour laquelle la réalité est blâmer. L'art permet donc d'atteindre une sorte de plénitude.  Il n'est toutefois pas le seul à permettre à l'homme de vivre dans le présent pour pouvoir le dépasser: c'est en effet un des rôles de la religion. Elle nous arrache aux doutes et aux regrets de l'avenir et du passé. Pascal formule ainsi les raisons qui nous empêchent de trouver le bonheur: « Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. «. Pour Pascal, le véritable bonheur se situe dans la foi inconditionnelle. En effet, c'est bien le but des Pensées que faire faire douter le libertin pour pouvoir l'amener, ou le ramener à la foi. Par exemple, la religion catholique permet de ne plus souffrir de ses remords produits par les péchés que l'on a commis grâce à l'absolution. Celle-ci est le pardon divin administré par l'intermédiaire du prêtre lorsque l'on se repend pour les crimes ce qui commence par leur reconnaissance. La religion permet aussi de délivrer des angoisses du passé car elle promet le salut de l'âme du croyant. A l'inverse des religions polythéistes pour qui l'âme est mortelle tandis que le monde est lui immortel, les grandes religions monothéistes considèrent l'âme comme immortelle et le monde mortel. Certains d'entre nous par leur foi arrivent donc à s'arracher à la contingence et l'incertitude de ce que nous ne contrôlons plus ou pas encore.    Ainsi, le mental de l'homme lui camoufle le fait que le présent est la seule temporalité qui soit réelle. Ceci empêche l'homme d'être pleinement heureux. Pourtant, ce n'est pas en niant le passé et le futur que l'homme peut trouver le bonheur puisque nier le passé et le futur reviendrait à nier sa nature et à le rabaisser au rang des animaux qui n'ont pas conscience du temps qui passe. La seule façon pour l'homme de trouver le bonheur serait donc par l'art ou la religion qui permettent tout deux de vivre dans le présent tout en le dépassant.

« ceux qui ne sont rien et échappons sans réflexion le seul qui subsiste.

».

Vivre est pour l'homme une course vaine oùil s'aveugle sur la réalité de ce qu'il poursuit: à vivre dans les brumes du passé ou dans les hypothèses de l'avenir, ilen oublie que le seul temps où il peut vraiment vivre et s'épanouir est le présent.

Si nous niions volontairement leprésent, c'est bien parce qu'il ne trouve à nos yeux que peu d'intérêt.

Même s'il est le plus réel de tous les tempsqui nous sont donnés ou que nous croyons pouvoir posséder, il nous semble toujours que quelque chose de meilleurest passé ou nous attend, d'où le mythe constant de l'age d'or, un temps originel et disparu ou la foi dans leprogrès, où le futur sera nécessairement meilleur que le présent.

Pour accepter de vivre, il faut donc accepter devivre au présent.Pourtant, peut-on considérer que vivre équivaut à exister, ou bien que l'existence se résume à la vie seule? Il estévident que l'existence ne pourrait être sans la vie, car exister c'est d'abord vivre dans le présent d'un point de vuebiologique.

Mais l'évidence de l'existence se rencontre finalement quand je m'interroge sur ma propre existence.C'est ce que fait Descartes, dans les méditations métaphysiques.

Le cogito, c'est la certitude que je suis.

Quand ondit « je pense », le « je suis » est bien inclus.

Pourtant, l'existence semble être irréductible à la vie seule.

En effet,si exister c'est vivre alors pourquoi le verbe exister n'est-il utilisé que pour l'homme? La différence essentielle entrel'homme et les animaux, c'est qu'il est un être de pensées, il a une conscience qui lui souffle qu'il est fait pour lamort.

Cette conscience de notre propre mort nous suit toute notre vie.

On peut donc considère que la mort et la viefont partie de l'existence.

En prenant conscience de l'existence, l'homme cherche le sens de la mort.

Ce faisant, ilpose une question sur sa nature même, et remet en question.

On ne peut pas « savoir » l'existence comme objet deconnaissance extérieur, car c'est bien une dimension de notre être.

Sartre, avec son existencialisme montre lesrapports que notre conscience entretient avec le monde: exister ce n'est pas simplement vivre intérieurement, maisaussi se tourner vers le monde, ouvrir sa conscience au monde.

Pour ce faire il faut bien être présent au monde et àsoi-même.Le présent est donc tout à fait important dans la conscience qu'un homme a de lui même.

Pour s'en convaincre, onpeut penser à un raisonnement par l'absurde: si nous tenons tellement à notre présent , c'est bien parce que nousavons justement peur qu'il s'écoule.

Mais s'il ne s'écoulait pas, que se passerait-il? La poursuite de la jeunesse estbien une pensée commune à beaucoup de civilisation: la fontaine de jouvence, le saint-graal ne sont-ils des mythesqui reflètent notre angoisse de cette si grande inconnue que représente la mort? Si l'immortalité nous était donnée,nous serions délivrer de l'angoisse de la vieillesse, annonciatrice de la mort.

Pourtant c'est ce sentiment d'urgencequi nous permet de prendre en compte toute la valeur du présent.

Se dépasser nous permet d'atteindre à travers leprésent l'immortalité.

Cette immortalité n'est bien sur pas physique, car la seule qu'il est permis d'espérer pour lesmortels est celle apportée par la gloire.

Elle se construit et reste après dans la mémoire des hommes.

C'est elle quipousse les hommes à s'illustrer dans le présent pour pouvoir inscrire leurs actes dans cette sorte d'immortalité et neplus craindre le futur.

Le choix d'Achille d'une vie courte mais glorieuse au lieu d'une vie longue mais obscure lemontre bien: en se rendant à Troie et en acceptant son destin, il vit pleinement le présent en ayant toutefoisconscience que cet acte aura des répercussions, ce qui est escompté, et c'est ce quilui permet de se défaire des angoisses concernant l'avenir et la mort. Tout le monde pourtant n'est pas demi-dieu, ce qui n'empêche pas d'aspirer à cette immortalité qui transcenderaientle présent tout en le vivant pleinement.

On peut cependant aussi considérer l'artiste comme tous ceux quiaccomplissent quelque chose de remarquable pour l'humanité, comme des chercheurs de gloire dansl'accomplissement du présent.

La remarque de Baudelaire, dans le peintre de la vie moderne, nous éclaire sur cepoint: « La modernité, c'est le transitoire, le fugitif le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel etl'immuable.

».

Une oeuvre d'art est donc un moyen d'échapper aux masques du passé et du futur qui nous cachentle présent.

Elle peut l'être pour l'artiste comme pour le spectateur.

Pour l'artiste, cependant cette délivrance n'estpas assurée: il faut en effet d'abord que son produit soit reconnu par ses pairs, ce qui n'arrive passystématiquement du vivant de l'artiste.

Pour ce qui est du spectateur, le cas est différent.L'art est perçu pour la plupart de nos contemporains comme un certain éloge de la fuite, un échappatoire qui nouspermettrait de nous évader, d'échapper, ne serait-ce qu'un instant à ce présent, cette seule réalité qui nous estdonnée, tant nous la craignons.

Le cinéma est l'art qui véhicule le plus cette image d'échappatoire: comment ne pasrêver face à certains films qui nous montrent exactement ce que nous aspirons à être, qui exhibent devant nos yeuxce que nous pensons être notre idéal? C'en est presque devenu le lieu commun de la post-modernité: nous avonsbesoin de rêver et l'art est le meilleur moyen de la faire.

L'art se pose donc ici en rupture avec la réalité si triste etpragmatique.

L'art pourtant ne se limite pas seulement à ce caractère palliatif.

L'artiste est souvent considérécomme touché par la grâce, ce qui lui assurerait son talent.

Cette grâce est souvent perçue comme divine ou dumoins, émanant d'un être supérieur.

Cet art ne pourrait pas être par conséquent ce produit de consommation quin'est pas sans rappeler le pain et les jeux antiques.

En effet, l'art de la consommation de masse est fait pour fairerêver les masses pour les détourner du présent.

Platon incitait dans la République à se méfier de l'art en tant qu'ilétait imitation de la nature; l'art comme illusion peut s'avérer tout aussi dangereux.

Pourtant si l'on ne considère pasl'art comme simplement puissance du divertissement, mais plutôt comme puissance d'éveil de notre sensibilité, onpeut voir qu'il ne sert pas simplement à nous procurer notre dose d'illusion et d'évasion de notre réalité mais bien ànous y ramener par le sensible qu'il éveille en nous.

Pour Proust, c'est ainsi: « La vraie vie, la vie enfin découverteet éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c'est la littérature.

Cette vie qui en un sens habite,chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l'artiste.

Mais ils ne la voient pas parce qu'ils necherchent pas à l'éclaircir.

».

Ainsi, pour éclaircir l'écrivain écrit, ce qui revient pour lui a faire passer la vie invisibledans l'oeuvre ce qui nous permet d'atteindre une forme de réalité épurée que l'on pourrait plus appeler vie que la« réalité », sans le vide, l'absence de but pour laquelle la réalité est blâmer.

L'art permet donc d'atteindre une sortede plénitude.Il n'est toutefois pas le seul à permettre à l'homme de vivre dans le présent pour pouvoir le dépasser: c'est en effetun des rôles de la religion.

Elle nous arrache aux doutes et aux regrets de l'avenir et du passé.

Pascal formule ainsi. »

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