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Piłsudski, l'Année 1920 (extrait)

Publié le 04/04/2013

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Le 12 août 1920, les troupes soviétiques pénètrent en Pologne. Trotski lance : « Héros, prenez Varsovie ! Six vestres de plus et toute l’Europe sera en feu. « Vain mot d’ordre expansionniste car, durant l’été 1920, les armées polonaises battent l’Armée rouge. C’est le « miracle de la Vistule «. Commentant cet épisode en 1929, Jósef Klemens Piłsudksi, le héros de l’indépendance polonaise, chef du nouvel État de 1918 à 1922, revient sur l’arrogance soviétique, qu’il assimile à celle de la Russie d’avant la révolution. Convoquant Karl Liebknecht, le fondateur du mouvement Spartakus en Allemagne, pour répondre a posteriori à l’exhortation de Trotski, il célèbre avant tout la courageuse et résistante identité polonaise.

L’Année 1920 de Piłsudski

 

M. Toukhatchevski dirigea ses armées sur la Vistule et au-delà, au nom de ce qu’il appelle dans ses réflexions la Révolution et dans le but de l’imposer par la force. Aussi intitule-t-il son chapitre : « La Révolution exportée «. Le titre même de sa tâche de guerre indique clairement que la révolution à l’intérieur de la Pologne n’existait pas, puisqu’il a fallu l’y importer à la pointe des baïonnettes. En tout cas, il est un fait incontestable et que reconnaît M. Toukhatchevski lui-même, c’est que la Russie des Soviets, en nous faisant la guerre, obéissait à un mot d’ordre, celui de nous octroyer, à nous Polonais, une organisation identique à la sienne, c’est-à-dire soviétique, et que ce but elle le baptisa : « La Révolution exportée «. Le fait que c’était bien là le but de la guerre m’était bien connu. Aussi je constate tout de suite que, personnellement, je n’ai fait la guerre que pour éloigner de nous cette « révolution exportée « à la pointe des baïonnettes soviétiques. […] Et puis, il y a autre chose encore : nous sommes aussi la « Pologne des Seigneurs «. Combien tout cela me rappelle le temps de mon enfance où, à Wilno, je rejetais avec dégoût et répulsion les livres des auteurs si connus dans les écoles russes, comme ceux d’Ilovaïski. Là aussi on enseignait aux enfants les grands bienfaits dont les tsars de Moscou comblaient « la Pologne des Seigneurs «, les grands mérites qu’ils se sont acquis devant Dieu, devant l’humanité et devant la Pologne elle-même, tandis que cette insurgée, « la Pologne des Seigneurs «, célébrait à chaque génération le printemps de sa vie par un soulèvement sanglant. […] Beaucoup d’étrangers qui à ce moment visitaient la Pologne pour la première fois et qui comme M. Toukhatchevski étaient enclins à croire les historiens pour écoliers, comme Ilovaïski, plutôt qu’à « la réalité des choses «, me demandaient très souvent en conversant avec moi si, comme Chef de l’État polonais, je ne craignais pas de voir éclater une révolution à la russe en Pologne. Je leur répondais constamment et invariablement que si la Providence voulait, ce dont je doutais, que le monde fît l’expérience russe, nous serions, nous, Polonais, les derniers à la faire. J’ajoutais toujours que nous étions de trop proches voisins de la Russie pour nous laisser facilement aller à l’imiter. Toute la phraséologie de M. Toukhatchevski m’est bien connue. J’ai passé tant d’années de ma vie à collaborer au mouvement socialiste que je crains bien que M. Toukhatchevski ne fut pas encore de ce monde quand la littérature faite des mots employés par M. Toukhatchevski était déjà entre mes mains. Elle est empruntée aux travaux du distingué érudit et penseur Karl Marx, et bien que je n’aie jamais été un partisan de ce qu’on appelle la conception matérialiste de l’histoire, conception qui a toujours été placée à la base de toute la phraséologie marxiste, j’ai toujours su distinguer la grandeur du travail de Marx lui-même, de l’interprétation vulgaire de ses pensées toujours profondes. Par contre, quand je vois M. Toukhatchevski marcher sur les traces du « prince de Varsovie « Paskiewitch et frapper aux portes de Varsovie, en répétant les adjurations empruntées à Marx, je ne puis m’empêcher de lui répondre en lui citant le titre d’une brochure bien connue en Pologne d’un autre grand théoricien du socialisme, Liebknecht : « Soll Europa Kosakisch werden ? « (l’Europe doit-elle devenir cosaque ?) […]

 

 

Source : Piłsudski (Jósef Klemens), « l'Année 1920 «, in L'Autre Europe,1985.

 

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