Pinochet: le jour où la peur a changé de camp
Publié le 17/01/2022
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25 novembre 1998 - "Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants." C'était il y a cinquante ans. Il aura donc fallu un demi-siècle pour que la Déclaration universelle des droits de l'homme ne nous semble plus une pétition de principe, un catalogue des bonnes intentions de notre temps, mais un progrès possible, bientôt tangible. Quelle que soit la décision ultérieure du gouvernement britannique, le 25 novembre 1998 restera comme une date importante de notre histoire. Pour une simple raison : la peur a commencé à changer de camp. La peur, moyen de gouvernement de toutes les dictatures, arme absolue de tous les terrorismes d'Etat, n'est donc plus réservée aux victimes, à celles et ceux qui prétendent à une vie de citoyens. Les dictateurs passent de l'âge de l'impunité à celui de l'illégalité. L'avertissement est là : un jour ou l'autre, ils peuvent être à la merci d'un juge, à mesure que la justice, elle aussi, se mondialise.
Décidément, le monde était plus simple avant. Avant la chute du Mur, avant que la contagion démocratique n'ait gagné - certes pas encore complètement - la planète. Il y avait, d'un côté, quelques poignées de protestataires, témoins de la dureté des temps, et, de l'autre, les polices et les justices démocratiques protégeant, au nom de la diplomatie et de la raison d'Etat, la quiétude de tel ou tel potentat. Nos dirigeants vont être désormais confrontés à de solides et heureuses complications, au nom de nos propres idéaux. Pour nous, dont l'avenir est européen, il n'est pas indifférent que la bonne nouvelle soit venue de Londres : comment pourrions-nous nous priver de cette forme du génie anglais ?
Les Chiliens, qui viennent de vivre, démocratiquement, quarante jours sans Pinochet, ont enfin l'occasion de s'émanciper de leur propre fatalité. "L'ordre social se maintient au Chili grâce au poids de la nuit", écrivait au XIXe siècle Diego Portales . Le jour point.
JEAN-MARIE COLOMBANI
Le Monde du 27 novembre 1998
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