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Révolution française de février 1848 Révolution française

Publié le 11/02/2013

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1   PRÉSENTATION

Révolution française de février 1848, journées révolutionnaires françaises (22-25 février 1848) qui ont entraîné la chute de la monarchie de Juillet et ouvert une période transitoire ayant abouti à la fondation de la IIe République (4 mai 1848).

2   LES ORIGINES DE LA RÉVOLUTION
2.1   L’usure de la monarchie de Juillet

À partir du milieu des années 1840, la monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe est confrontée à une crise de fin de règne.

Déjà, la mauvaise récolte de 1846 et la crise agricole qui en découle — ajoutées à la déstabilisation des marchés industriels et financiers — engendrent une crise conjoncturelle et économique. Ses conséquences sociales sont désastreuses pour les couches défavorisées, en particulier pour le prolétariat urbain ; hausse des prix (notamment du pain), maladie de la pomme de terre, cherté des matières premières pour l’artisanat traditionnel, maladie et chômage nourrissent alors le mécontentement social.

Mais la crise est également structurelle et politique. L’émergence des ouvriers en tant que groupe social — vivant dans l’insécurité de l’emploi et subissant la mécanisation des tâches — est une mutation importante de la société. Parce qu’il est malmené et victime de paupérisation, ce groupe social est de plus en plus pénétré des idéaux démocratiques et socialistes. Parallèlement, la petite et moyenne bourgeoisie est frustrée par un système politique qui profite essentiellement à la grande bourgeoisie d’affaires ; elle aspire pour sa part à un égalitarisme réel, celui du suffrage universel alors que, pour l’heure, les cens d’électeur (200 francs) et d’éligibilité (500 francs) restent trop sélectifs. Enfin, la jeunesse (des universités) et les élites intellectuelles républicaines se détournent du libéralisme officiel qui sert les seuls notables. Leurs maîtres mots, imprégnés de révolutionnarisme, sont « liberté « et « égalité «.

De l’usure des structures sociales au refus des suprématies établies par la monarchie, la crise est donc profondément politique, mais également morale. Le déclin patent du sentiment monarchique, lié à l’autoritarisme répressif et ultra-conservateur des ministres de Louis-Philippe (Guizot en tête), renforcé par le manque de libertés politiques (limitation des libertés de la presse et de réunion), parachève la déstabilisation du régime. Une partie non négligeable de la nation perçoit de moins en moins sa légitimité. Or, Louis-Philippe ne discerne pas la profondeur de la fracture qui traverse le pays et laisse son ministère empêcher toute réforme électorale susceptible d’apaiser les mécontents.

2.2   Les causes immédiates de l’insurrection

Le contentieux entre le pays et l’État est mis en exergue par la « campagne des Banquets «. Lancée le 9 juillet 1847, la campagne rassemble toute l’opposition républicaine autour d’une revendication unique : la réforme électorale.

Durant ces banquets protestataires rassemblant parfois plusieurs milliers de convives, la tradition veut que l’on porte des toasts à la réforme — des toasts longs, assez longs pour se métamorphoser en discours. Par ce subterfuge, la campagne ne cesse de gagner en ampleur et en succès, en dépit des interdictions prononcées par le ministère Guizot.

Le 12 février 1848, Guizot et la majorité de la Chambre rejettent l’amendement Sallandrouze, qui appelle le gouvernement à initier des réformes « sages, modérées, parlementaires «. En réaction, l’opposition décide de protester en organisant un dernier et gigantesque banquet à Paris, le 22 du même mois. Mais dès le 14 février, Guizot, inflexible, fait savoir au comité organisateur qu’il en interdit la tenue. Celui-ci maintient toutefois la manifestation mais, lorsque le 21 Guizot réitère son veto et mobilise la troupe, certains organisateurs cherchent à arrêter l’escalade et annulent le banquet.

Chef de la gauche dynastique et principal initiateur des banquets, Odilon Barrot déclare pour sa part que « le char est lancé et quoi que nous fassions le peuple sera demain dans la rue «. Il est en effet trop tard ; étudiants du Quartier latin et ouvriers des faubourgs défilent déjà à l’appel des sociétés secrètes et avancent vers la Concorde. Une première escarmouche a lieu avec les militaires.

3   DE L’ÉMEUTE À LA RÉVOLUTION
3.1   Les trois journées d'émeute

Le lendemain, le 22 février, Guizot demande à la Garde nationale parisienne de réprimer les fauteurs de troubles ; mais, alors qu’elle excelle dans ce rôle depuis 1830, la Garde n’agit pas. Les manifestants exigent la démission du ministère Soult-Guizot et une réforme politique. Désemparé, Louis-Philippe se plie à leur requête et, le 23, nomme Louis Molé. Pour fêter cette victoire, les Parisiens sortent massivement manifester leur joie ; la confusion règne ; l’agitation gagne. Adolphe Thiers remplace momentanément Molé dépassé par les événements.

Au soir du 23 février, tandis que la fièvre révolutionnaire gagne certains rangs de l’armée et que la Garde nationale passe dans le camp des insurgés aux cris de « Vive la réforme «, une cinquantaine de manifestants décident d’aller huer Guizot sous les fenêtres du ministère des Affaires étrangères. Cette fois, la troupe tire, laissant plusieurs morts sur le boulevard des Capucines. Transportées sur des charrettes, les dépouilles sont exhibées dans toute la capitale. Cette « promenade des cadavres « déclenche l’insurrection proprement dite, contre laquelle les forces de l’ordre n’osent pas intervenir.

Dans la nuit, le gouvernement ne fait plus face à une émeute, mais à une révolution avec barricades, batailles de rues et fusillades. Sollicité pour remplacer Thiers, Odilon Barrot se dérobe à nouveau. Pendant ce temps, les insurgés prennent l’Hôtel de Ville et le palais des Tuileries ; seize d’entre eux tombent sous les balles de la troupe.

Le 24 février, enfin conscient de la gravité des événements, Louis-Philippe abdique en faveur de son petit-fils, le comte de Paris, et fuit vers l’Angleterre. Cette décision tardive est dérisoire à double titre : le comte a neuf ans et, dans la journée, un gouvernement insurrectionnel s’est formé.

3.2   Le gouvernement provisoire

Quelques rares tempéraments modérateurs, dont Odilon Barrot, tentent alors de soutenir la candidature de la duchesse d’Orléans à la régence. Mais les insurgés ont déjà partie gagnée ; après la démission de la Chambre, Alphonse de Lamartine pousse les révolutionnaires à s’emparer du Palais-Bourbon. Une fois sur place, ces derniers pactisent avec la poignée de députés n’ayant pas fui, autrement dit les républicains. Ces députés forment alors un gouvernement républicain provisoire. Parallèlement, à l’Hôtel de Ville, un second gouvernement (plus avancé) est formé. Le 24 février au soir, les deux délégations ouvrent de laborieuses tractations qui aboutissent à la désignation d’un unique gouvernement provisoire de onze membres.

Le 25 février, tandis que des émeutiers saccagent les châteaux de Neuilly et de Suresnes, le gouvernement commence son travail réformateur à l’Hôtel de Ville.

Ce gouvernement de compromis tire sa légitimité de son éclectisme ; il comprend deux groupes que l’on peut distinguer en se référant à la coloration politique des deux principaux journaux d’opposition. Du côté du National, dirigé par Armand Marrast (membre du gouvernement), les ex-députés républicains libéraux : Dupont de l’Eure, François Arago, Lamartine, Adolphe Crémieux, Ledru-Rollin, Marie et Louis Antoine Garnier-Pagès. Du côté de la Réforme et de Ferdinand Flocon, son rédacteur en chef (également au gouvernement), deux démocrates socialistes : le théoricien socialiste Louis Blanc et l’« ouvrier « Albert, chef de file d’une société secrète.

La légitimité du gouvernement tient donc à sa collégialité effective et au fait que les profils de ses membres — du savant Arago à l’ouvrier Albert en passant par le poète Lamartine — renvoient l’image d’une représentativité hétérogène. Du reste, le gouvernement constitue parallèlement un ministère dans lequel, par méfiance envers leurs positions avancées, Blanc et Albert ne possèdent pas de ministère, alors que des hommes extérieurs au gouvernement, tels Schlœcher, Sadi Carnot, Bedeau ou Bethmont, en ont un. L’unanimité n’est donc qu’apparente.

D’emblée, le courant le plus conservateur (issu de l’Assemblée) prend le dessus, comme le souligne le rejet par Lamartine du drapeau rouge — qui pourrait inquiéter les dirigeants étrangers sensibles au souvenir de 1793.

Les premières décisions du gouvernement provisoire soulignent cependant son désir d’ouvrir une période de réformes sociales et politiques qui, pour ne pas être révolutionnaires, n’en symbolisent pas moins la légitimation de droits fondamentaux revendiqués de longue date. Le 25 février, il proclame le droit au travail (préfiguration des Ateliers nationaux de la Seine, fondés le 6 mars) ; le lendemain est prononcée l’abolition de la peine de mort en matière politique ; le 2 mars, la journée de travail est limitée à 10 heures, et le principe du suffrage universel est acquis et devient dès lors la base intangible de toute constitution ; le 4, la liberté totale de la presse s’assortit de celle de réunion ; l’esclavage est aboli selon un décret du 27 avril, etc.

4   L'HÉRITAGE DE FÉVRIER 1848
4.1   L’ancrage de l’idéal républicain

L’insurrection de 1848, à peine plus longue que celle des Trois Glorieuses (voir Révolution de juillet 1830), n’en est pas moins intense et lourde de conséquences sur la vie et sur l’histoire politique françaises. Même si la République socialiste échoue dès mars 1848 et si le retour à l’ordre après les journées insurrectionnelles de juin 1848 amorce le processus menant d’une République bourgeoise et conservatrice au second Empire napoléonien, l’esprit républicain est renforcé par le souvenir actif des journées de février.

Pour prendre la mesure de l’importance de février 1848, moment « d’illusion lyrique « selon une expression d’époque, un retour en arrière s’impose.

Dès le 28 janvier 1848, depuis la tribune du Palais-Bourbon, Alexis de Tocqueville a prophétisé l’inéluctabilité d’une révolution. Dans ses Souvenirs (posthumes), il explique avec clairvoyance que la révolution résulte d’une crise politique déterminée par l’usure progressive du régime, incapable de gérer la contradiction de laquelle il est né : entre les aspirations à l’Ordre libéral de Guizot ou de Thiers et les aspirations à la démocratie universelle défendue par les révolutionnaires de juillet 1830. À cette usure s’ajoute le manque de lucidité des dirigeants du régime. En particulier, ils ne discernent pas l’incidence de la misère populaire (symbolisée au début des années 1840 par la reconstitution de bandes de mendiants) dans le retour en force des mots d’ordre égalitaristes et révolutionnaires utilisés par les sociétés ouvrières. Ils ne comprennent pas que les émeutes qui émaillent les années 1830-1840 sont les signes avant-coureurs d’une grave crise à venir. Dès lors, la rupture est totale entre le peuple et Louis-Philippe.

Cette fracture profonde est entretenue par l’existence d’une opposition, certes muselée, mais qui résiste depuis 1830. Ainsi le National, auréolé de son rôle clef dans le déclenchement des Trois Glorieuses, est un des principaux supports d’une critique d’inspiration républicaine et / ou libérale.

Parallèlement, et toujours afin d’expliquer la profondeur de la crise de 1848, il faut encore insister sur la progression des idéaux socialistes et communautaires dans les années 1830-1840. Déjà, au lieu de les anéantir, la répression des classes « dangereuses « (honnies par les notables) exacerbe durablement les idéaux républicain, socialiste et révolutionnaire. Ces idéaux sont nourris par la pensée et par l’action plus ou moins contemporaines d’hommes tels que Louis Blanc, Charles Fourier, Joseph Proudhon, Étienne Cabet et surtout le comte de Saint-Simon. Dans la même optique, on ne peut négliger le rôle des sociétés secrètes. Les ouvriers les plus cultivés y apprennent à penser la politique en puisant leur inspiration dans les revues démocratiques (le Populaire d’Étienne Cabet, la Démocratie pacifique de Victor Considérant ou l’Atelier de Philippe Buchez). Il convient également de retenir la constitution de liens entre la bourgeoisie et les ouvriers d’opposition dont le scientifique Raspail, en affirmant sa volonté de mettre « chapeau bas devant la casquette «, en est l’archétype. L’opinion et l’espoir révolutionnaires y trouvent de bonnes raisons d’être, que le courant romantique renforce à son tour. En effet, les œuvres historiques et littéraires de Victor Hugo, d’Alfred de Musset, de Lamartine ou de Jules Michelet associent le refus des tyrannies et la dénonciation des élites, à l’idéal de libération sociale.

Fondée sur un profond mécontentement social, sur une crise structurelle et politique, sur un courant de fond utopique innervé par la mémoire de 1789, la Révolution de février 1848 joue un rôle central dans l’imprégnation de l’idéologie républicaine en France, idéologie transgressant les couches sociales et léguant un acquis hautement symbolique : le suffrage universel.

4.2   Le legs de l’esprit « quarante-huitard «

Ainsi, février 1848 ne se résume pas, selon le mot de Karl Marx, à une répétition comique des événements de la grande Révolution. À travers les peurs et les espoirs qu’elle fait naître, elle imprègne durablement les réflexes et la culture politiques des classes dominantes et dominées. Ce n’est pas un hasard si, dès le début du second Empire, Napoléon III s’applique à colmater les brèches dans lesquelles le mécontentement populaire pourrait s’engouffrer.

La Révolution de février 1848 devient un référent consensuel pour la famille républicaine, une mémoire active qui rejaillit sporadiquement dans l’histoire de la conquête républicaine et dans celle des gauches françaises.

Par ailleurs, s’il faut mettre un terme à l’idée que la révolution parisienne est l’événement déclencheur du « Printemps des peuples « (voir Révolutions de 1848), il convient de souligner l’influence symbolique de cette prise du pouvoir par le peuple sur les autres révolutions européennes de 1848. La France reste la mère des droits de l’homme ; elle a soutenu les nationalismes grec, belge et polonais dans les années 1830 ; elle soutient encore les nationalistes allemands et italiens. Elle apparaît comme la patrie de l’universalité, plaidoyer vivant en faveur de la défense des opprimés. À ce titre, la Révolution de février 1848 fait bien office d’exemple français et d’aiguillon, et ce n’est la moindre de ses influences.

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