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Salvador Dali «La métamorphose de Narcisse»

Publié le 01/11/2012

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Salvador Dali «La metamorphose de Narcisse«, 1937 [pic] Salvador DALI (1904-1989) Metamorphose de Narcisse (1937) Huile sur toile (50.8 x 76.2 cm) The Tate Gallery, Londres PARTIE I Analyse contextuelle Salvador Dalí, peintre surréaliste est né et mort à Figueres en Catalogne (Espagne) où il créa d'ailleurs son propre musée en 1974, le Teatre-Museu Gala Salvador Dalí. Aprés un baccalauréat facilement obtenu, Dalí entre à l'École des Beaux-Arts de San Fernando, à Madrid. Il se lie d'amitié avec Federico García Lorca et Luis Buñuel. En 1929, en compagnie de ce dernier, pour le tournage d'Un chien andalou, c'est la rencontre décisive avec les surréalistes : Louis Aragon, André Breton… Mais cette année est surtout marquée par la rencontre avec sa muse et son « Narcisse « : Gala, compagne d’Eluard. Surréaliste depuis 1930, Dali s’oriente vers un réalisme délirant, en adoptant la méthode de la paranoïa critique (selon l’expression créée par Breton) que le peintre définit lui-même comme « une méthode spontanée de connaissance irrationnelle basée sur l’objectivation critique et systématique des phénomènes délirants «. C’est évidemment cette méthode qui est appliquée par Dali lors de la création de « La Métamorphose de Narcisse « qui marque un désir de renouveau et de renaissance : « Si on regarde pendant quelque temps, avec un léger recul
et une certaine « fixité abstraite «, la figure hypnotiquement immobile de Narcisse, celle-ci disparaît progressivement jusqu’à devenir absolument invisible. La métamorphose du mythe a lieu à ce moment précis, car l’image du Narcisse est transformée subitement en l’image d’une main qui surgit de son propre reflet. Cette main tient au bout de ses doigts un œuf, duquel naît le nouveau Narcisse – la fleur. En juillet 1938, à Londres, grâce à Stefan Zweig, Dali montrera cette œuvre à Freud qui reviendra sur le jugement hâtif qu’il avait porté sur les surréalistes. Il écrit ainsi à Zweig : « Vraiment, il faut que je vous remercie d’avoir amené chez moi le visiteur d’hier. Car j’étais jusque là enclin à considérer les surréalistes qui semblent m’avoir choisi pour saint patron, comme des fous absolus (…) « Par ce tableau, l’artiste met l’accent sur le drame humain de l’amour, de la mort et de la transformation connue sous le nom de "narcissisme" en psychanalyse. Salvador Dalí, avec cette huile, a uni la tradition classique de la mythologie grecque (Texte d’Ovide : les Métamorphoses) aux dernières recherches scientifiques, en l’occurrence, la psychanalyse, recourant à un mythe chargé de sens, celui de Narcisse, pour un artiste qui s’emploie sans cesse à construire sa propre image. A l’occasion de la création de l’œuvre artistique, Dali publie également
un poème qui nous plonge encore plus profondément dans le mystère de cette peinture complexe. (cf l'annexe) PARTIE II Analyse plastique La métamorphose de Narcisse est une huile sur toile de 50.8cm sur 78.3cm. Cette œuvre est exposée à la «Tate Gallery« à Londres. L’image centrale dans l’oeuvre est le corps accroupi d’un homme, comme dans le mythe de Narcisse. L’homme semble regarder sa propre image dans un lac. Ce qui est interessant dans la peinture est que l’homme a une moitie immergée dans le lac et sa posture est celle d’un dormeur. De plus,   l'emploi des pieces d’eau nous rapproche avec l’inconscient : celles-ci representent l’inconnu. L’image de l’homme devient l’image d’un reveur, immergé dans l’inconscient, cherchant a voir la verite. En fait, on peut dire que le corps de l’homme est Le Surrealiste. L’œil est d’abord attiré par la couleur dorée et lumineuse du personnage déjà figé (seuls les cheveux sont encore en mouvement) puis par son double dans l’axe de symétrie verticale. Une main aux couleurs ternes et froides tenant un œuf d'où jaillit une fleur qui ne ressemble guère à un narcisse (« une fleur. couleur de safran, dont le centre est entouré de blancs pétales «). Cette main figée symbolise la création indifférente aux fourmis toujours en mouvement, qui ne sont que de passage. Narcisse est un personnage androgyne qui se reflète
dans des eaux déjà sombres, bien différentes de celles dont parle Ovide dans ses Métamorphoses : « une source limpide dont les eaux brillaient comme de l'argent « ce sont ici les eaux du Styx qui reflètent un Narcisse déjà mort, Il nous faut souligner quelques distinctions entre l'image de l'homme et l'image de la main qui jaillit. D’abord, l’homme devant l’eau est peint dans les couleurs naturelles d’un vrai corps humain. Avec l’emploi des ombres sur le corps, cette figure-ci parait etre sous la lumiere du temps du jour juste avant le crepuscule du soir. En contraste, les couleurs de l’autre image de l’homme sont artificielles, presque sinistres. Elle partage cette qualité avec les figures et les images autour d’elle. Avec ces images hallucinatoires et destructrices, le «double« appartient a un paysage cauchemardesque. Faite de pierre, elle a dans la couleur et dans la qualite physique, des ressemblances avec un cadavre. («Narcisse est devenu gele par la beaute de sa propre reflexion«). La tete, ici remplacee par une boule de pierre, qui est en meme temps l’image d’un oeuf, semble etre en train de craquer. En regardant les deux figures, on a l’impression de scruter les deux cotés de l’esprit humain, le conscient et l’inconscient. Le conscient dort pendant que l’inconscient crée, comme indique le remplacement du corps par une main. Par une illusion
d’optique recherchée, Narcisse (« il demeure immobile, le visage impassible, semblable à une statue taillée dans le marbre de Paros«) passe très vite au second plan, dès lors que l’œil a intégré dans sa vision le socle de la main. Dans ce décor minéral et mortifère, au second plan, derrière Narcisse, une falaise, qui semblerait etre la matérialisation de la nymphe Echo citée dans le mythe (« Les soucis qui la tiennent éveillée épuisent son corps misérable, la maigreur dessèche sa peau, toute la sève de ses membres s'évapore. Il ne lui reste que la voix et les os ; sa voix est intacte, ses os ont pris, dit-on, la forme d'un rocher. «) Egalement, un groupe de huit jeunes femmes nues danse et crée ainsi une ambiance de joie et d'amusement, tandis qu’à droite règne l’ordre, incarné par un damier au centre duquel s’est posé un personnage. Entre ces derniers, se trouve la main créatrice, traversée par   une route menant vers l'horizon. Seul témoignage de la vie passée de Narcisse : un chien de chasse, dévorant une charogne. Le serpent, que l’on distingue entre le doigt et l’œuf pourrait incarner la tentation mortifère de toute création. Il est intéressant que Dali ait choisi d’intituler sa peinture «La Metamorphose de Narcisse«, lui, qui etait bien connu pour son égo et son narcissisme. C’est une peinture egoiste : elle traite d’un heros et de
sa crise d’identite. Mais, surtout, les deux images d’un heros que Dali montre ici s’harmonisent bien pour exprimer la metamorphose de la realite quotidienne qu’on doit effectuer pour trouver le monde ‘vrai’ selon le surrealisme. ANNEXE - Poeme de S.DALI: la metamorphose de Narcisse Narcisse s'anéantit dans le vertige cosmique au plus profond duquel Chante la sirène froide et dionysiaque de sa propre image. Le corps de Narcisse se vide et se perd dans l'abîme de son reflet, comme le sablier que l'on ne retournera pas. Narcisse, tu perds ton corps, emporté et confondu par le reflet millénaire de ta disparition, ton corps frappé de mort descend vers le précipice des topazes aux épaves jaunes de l'amour, ton corps blanc, englouti, suit la pente du torrent férocement minéral des pierreries noires aux parfums âcres, ton corps... jusqu'aux embouchures mates de la nuit au bord desquelles étincelle déjà toute l'argenterie rouge des aubes aux veines brisées dans «les débarcadères du sang«. Narcisse, comprends-tu? La symétrie, hypnose divine de la géométrie de l'esprit, comble déjà ta tête de ce sommeil inguérissable, végétal, atavique et lent qui dessèche la cervelle dans la substance parcheminée du noyau de ta proche métamorphose. La semence de ta tête vient de tomber dans l’eau. L'homme retourne au végétal par le sommeil lourd de la fatigue
et les dieux par l'hypnose transparente de leurs passions. Narcisse, tu es si immobile que l'on croirait que tu dors. S'il s'agissait d'Hercule rugueux et brun, on dirait : il dort comme un tronc dans la posture d'un chêne herculéen. Mais toi, Narcisse, formé de timides éclosions parfumées d'adolescence transparente, tu dors comme une fleur d'eau. Voilà que le grand mystère approche, que la grande métamorphose va avoir lieu. Narcisse, dans son immobilité, absorbé par son reflet avec la lenteur digestive des plantes carnivores, devient invisible. Il ne reste de lui que l'ovale hallucinant de blancheur de sa tête, sa tête de nouveau plus tendre,sa tête, chrysalide d'arrière-pensées biologiques, sa tête soutenue au bout des doigts de l'eau, au bout des doigts de la main insensée, de la main terrible, de la main coprophagique, de la main mortelle de son propre reflet. Quand cette tête se fendra, Quand cette tête se craquèlera, Quand cette tête éclatera, ce sera la fleur, le nouveau Narcisse, Gala - mon narcisse.   - Citations tiré du texte d'ovide: les metamorphoses, livre III CROQUIS   Rouge,Bleu: Les axes de symetrie Noir: lignes de fuites Jaune : Lignes de fuites (damier) Les ombres allant des plus foncées aux plus claires

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