SCIENCE ET MYTHE
Publié le 22/02/2012
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Source: http://www.peiresc.org/DINER/Lexique.pdf
Le mythe est un mode de pensée particulier qui occupe une large place à certaines époques et dans certaines cultures. Si l'on considère l'esprit scientifique comme opposé à l'esprit mythique, on peut à juste titre s'étonner de ce que la Science au XXème siècle atteigne les sommets que l'on sait, à une époque où le Mythe joue un rôle écrasant dans la culture et dans l'Histoire. On peut voir ici à l'oeuvre l'un des grands paradoxes de la culture scientifique moderne. Elle se veut rigoureuse, théoricienne et démonstrative. Mais à la regarder de près on la voit très proche des formes générales des mythologies anciennes ou des métaphysiques et des religions que la science prétend supplanter. Le mythe resurgit au XXème siècle sous des formes tout à fait surprenantes. A la lumière de la pensée mythique, certains traits de la pensée actuelle s'éclairent et apparaissent pour ce qu'ils sont : de vieilles traditions de pensée rehaussées d'un rafistolage scientifique afin de les rendre présentables. Il y a toujours une profonde unité dans la culture d'une époque et l'Histoire nous enseigne que les grandes époques mythiques sont aussi les grandes époques scientifiques. Dans « La Jeunesse de la Science Grecque » Abel Rey voit la science grecque naître au milieu même du mythe et de la magie qui se donnent la main. 290 C'est l'esprit mythique qui a développé le besoin qu'a l'homme d'être satisfait par une réponse à ses étonnements. C'est cet esprit qui pousse chez les grecs à la rationalisation, à l'explication. Il a fallu un grand souffle mystique pour porter cette science hors du sensible et de la mesure humaine : la mystique de la démonstration et de la raison..... On ne doit alors pas s'étonner de découvrir l'atmosphère d'ésotérisme dans laquelle est née la Science Classique du XVIIème siècle. Kepler, Leibniz et Newton sont les héritiers des astrologues et des alchimistes et s'intéressaient aux idées kabbalistes. Les conceptions de Boyle (le pilier de la philosophie mécanique) sur la structure corpusculaire de la matière doivent tout autant à son oeuvre expérimentale qu‘à sa familiarité avec les traditions pneumatiques véhiculées par la Quintessence des distillateurs alchimistes. Mais plus encore que l'ésotérisme, c'est le souci théologique qui domine la pensée du XVIIème siècle. Jamais avant, ni après, science, philosophie et théologie ne sembleront une seule et même pensée. Galilée, Descartes, Leibniz, Newton, Hobbes, Vico ne font pas partie du clergé et n'ont pas une formation supérieure de théologie, mais ils n'ont pas cessé de traiter longuement de problèmes théologiques. Une sécularisation de la théologie qui va à la fois créer la Science et déboucher sur l'Athéisme au XVIIIème siècle. Il en découlera que le XVIIIème siècle, le Siècle des Lumières, et le XIXème siècle, siècle du Réalisme, pourront être considérés comme des siècles de « démythologisation de la culture ». Le XXème siècle par contre est un siècle de « remythologisation ». Le passage du réalisme du XIXème siècle au modernisme a comme composante essentielle la tendance à sortir des cadres socio-historiques et spatio-temporels. La mythologie, de par son caractère symbolique, s'avère un langage naturel et commode pour traduire cette évasion hors du « réel ». Evasion provoquée par la prise de conscience de la crise de la culture bourgeoise comme crise de la civilisation toute entière. De Nietzsche à Freudet Jung, de Lévi-Brühl à Cassirer, Eliade, Dumézil et Lévi-Strauss, la vision de l'homme est avant tout mythologique. Rien d'étonnant alors à ce que la Science du XXème siècle soit une pensée mythique. Mais le révéler sans en compromettre le message est une entreprise délicate.
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