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SÉANCE 4  Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie (1788)/Honoré de Balzac, Le Lys dans la vallée (1835)

Publié le 12/06/2015

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bernardin

SÉANCE 4  Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie (1788)/Honoré de Balzac, Le Lys dans la vallée (1835)

Cette nouvelle séance permet d'aborder les genres romanesques, en détruisant un certain nombre de clichés : tout en respectant les conventions du roman pastoral, Bernardin de Saint-Pierre invente le roman exotique ; en prétendant concurrencer l'état civil avec ses romans sociaux, Balzac utilise les matériaux les plus intimes.

· Objectifs :

— Approfondir la notion de genre littéraire.

Repérer les traits de l'esthétique romantique dans des oeuvres appartenant à d'autres classifications.

Poursuivre l'entraînement au commentaire composé.

Réponses aux questions [LIVRE ÉLÈVE, P. 78J

0 Lire

1. La structure narrative de ce texte est limpide et repose sur le jeu des temps.

Le 1" paragraphe, à l'imparfait, décrit une situation qui dure « depuis quelque temps «, ponctuée de saynètes récurrentes (« quelquefois, à la vue de Paul «), et se termine par un commentaire au présent de vérité générale : « un mal n'arrive guère seul «.

Le 2e paragraphe annonce, au passé simple, une modification ponc¬tuelle (« un de ces étés qui [...] vint étendre ici ses ravages «), suivie de la description du décor, à l'imparfait, qui a les mêmes valeurs que celui du paragraphe précédent et permet d'établir un parallélisme exact entre l'état de Virginie et le climat de l'île.

 

Le Y paragraphe marque une progression dans la localisation du mal : « dans une de ces nuits ardentes « fait suite à « un de ces étés « et «Virginie sentit« (1. 38) tranche sur « Virginie se sentait« (1. 1). La valeur ponctuelle de ce passé simple contraste avec les trois impar¬faits décrivant les symptômes récurrents (agitation), suivis, sans aucune marque de lien temporel, du présent de narration qui rend la scène du bain plus vivante et l'émotion de Virginie plus percep¬tible. Le retour au passé simple marque la fin de la crise de Virginie et le caractère maladif, presque compulsif, du « mal « : « plusieurs fois [...] elle lui pressa les mains «.

2. L'exotisme géographique est celui de la saison sèche dans un pays tropical de l'hémisphère Sud : « un été [...] vers la fin de décembre «. À ces observations climatiques s'ajoutent les réminiscences et les fan¬tasmes de Virginie au bain, sous « les palmiers « et « leurs cocos «, au milieu des « herbes aromatiques «. Enfin, le « cafre « conducteur du troupeau donne une dernière touche de couleur locale au récit.

3. Les correspondances entre la nature et Virginie tiennent à l'état de langueur (inertie) et de sécheresse (asphyxie). Elles culminent dans la scène du bain : Virginie cherche à se rafraîchir, comme la terre desséchée avec sa flore « brûlée « et sa faune cherchant « à se désalté¬rer « ; elle essaie de calmer le « feu dévorant « du désir, semblable aux « flammes « du soleil qui embrasent la terre.

4. Le trouble de Virginie est clairement d'origine sexuelle et ses manifestations morbides sont à porter au crédit de la morale sociale et religieuse. Virginie, comme son nom l'indique, porte le fardeau de sa virginité, vertu suprême inculquée par sa mère qui la forcera à s'éloigner de Paul, entraînant indirectement la mort de sa fille dans le naufrage qui la ramène sur l'île. Virginie n'échappera donc à son « mal « que par la mort qui la transforme en «ange qui prend son envol vers les cieux «.

 

Écrire

5. Il s'agit ici de construire un embryon de commentaire à partir d'un relevé lexical problématisé. Rappelons pour commencer que le roman n'a pas apparemment pour narrateur un personnage s'expri¬mant à la 1" personne et que les correspondances entre la nature et le trouble de Virginie ne tiennent pas à l'analyse psychologique, mais à la structure narrative : en insérant le paysage entre deux descrip¬tions du comportement de Virginie, le romancier laisse son lecteur effectuer lui-même les rapprochements et interpréter la description d'abord comme une étude de la nature tropicale, puis comme une vision symbolique des « ravages « du désir sexuel. Le plan suivi pour l'étude de la nature pourrait être celui des correspondances relevées dans la réponse à la question 3, inertie et sécheresse menant à l'image du désert. L'inertie de la nature est rendue par le caractère duratif du temps choisi pour la description qui suggère l'immobilité, ren¬forcé par la récurrence des tournures négatives. Rien ne pousse, rien ne bouge, si ce n'est les insectes au tournoiement stérile. Cette sen-sation d'inertie morbide (la vie est mouvement) est amplifiée par le lexique hyperbolique (« ravages «, « partout «) et les effets de symétrie entre le jour et la nuit parachèvent le tableau d'une nature accablée, écrasée même par les « feux verticaux« du Soleil au Capricorne. Là est la deuxième caractéristique climatique du lieu : le soleil vertical qui « échauffe «, brûle la végétation, assèche les cours d'eau, assoiffe « hommes et animaux «, et qui sévit (symboliquement) même la nuit sous la forme de l'« orbe de la lune «, « tout rouge «, « d'une grandeur démesurée «. La nature porte les stigmates de l'asphyxie : des « exha¬laisons chaudes sortaient du flanc des montagnes « et de « tristes mugissements« retentissent des vallons. Le tableau est celui d'une agonie dans « les flammes d'un incendie «. Les correspondances entre ce tableau de la nature et la description des « symptômes « du mal

 

dont souffre Virginie au cours de « ces nuits ardentes « invitent le lec¬teur à assimiler l'état de désir aux états du désert.

Réponses aux questions [LIVRE ÉLÈVE, P. 130]

Q Lire

1. Le roman est constitué d'une longue lettre de Félix de Vandenesse à Nathalie de Manerville, écrite longtemps après les faits rapportés. La destinataire n'est pas nommée, mais est présente dans l'incidente : « comme vous le savez... « (1. 18-19) ; c'est vraisemblablement à elle que s'adresse le conseil final : « si vous voulez [...] allez là [...] si vous voulez [...] revenez-y« (1. 27-29). Quant au caractère rétrospectif du récit, il apparaît dans le jeu subtil des temps.

2. Le présent de vérité générale sert à présenter les éléments du pay¬sage dont il souligne l'intemporalité. Ce présent atemporel du récit diffère du présent du discours rapporté au style direct, simple actua¬lisation de la pensée, et du présent d'habitude : « je me repose « (1. 10), «je m'interroge« (1. 11). Le passé simple, alternant avec l'im¬parfait, a d'abord une valeur temporelle d'antériorité, par rapport au présent de l'écriture : « je fus saisi « (1. 4), « je m'appuyai « (1. 9), à laquelle s'ajoute la valeur modale de la soudaineté, en opposition à l'imparfait duratif : «elle demeurait là« (1. 13), «elle était [...] le lys de cette vallée« (1. 18-19). Mais une autre époque plus ancienne est également évoquée au passé simple ; c'est le souvenir déclenché par la vue du lieu : «quand je m'assis « (1. 15), relayé par les imparfaits duratifs : «le soleil faisait pétiller« (1. 16), «sa robe [...] produisait« (1. 17). Quelques modalités aident à rétablir cette chronologie com¬plexe : «depuis ce jour [...] toutes les fois que je reviens [...] pen¬dant le temps qui s'est écoulé depuis le dernier jour« (1. 10-14).

3. La spécificité de cette description est de superposer l'image d'un

 

paysage-femme et celle d'une femme-fleur. Le rapport entre le pay¬sage et la femme dépasse celui des correspondances rencontrées dans les textes précédents, la fusion des deux est manifeste : l'émotion « voluptueuse « et le saisissement du narrateur devant le paysage se confondent avec les émotions ressenties lors de la première rencontre.

4. Tous les procédés sont destinés à rendre compte du choc affectif (fortement érotisé) ressenti devant le paysage et à le rendre sensible à la destinataire de la lettre (nombreuses adresses à la « personne « désignée par «vous «) et, par identification émotionnelle, au lecteur du roman.

0 Écrire

5. Cet entraînement au commentaire composé s'inscrit dans la série d'exercices s'appuyant sur les relevés lexicaux et la technique descrip¬tive pour composer un commentaire. On trouvera tous les éléments nécessaires à la rédaction dans les réponses aux questions 3 et 4.

 

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