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Silvio Berlusconi, mégalomane ressuscité

Publié le 17/01/2022

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berlusconi
13 mai 2001 S'IL y a une chose dont Silvio Berlusconi est sûr, c'est que sa victoire est non seulement méritée mais tout à fait légitime. Comment les Italiens auraient-ils pu ne pas donner leur confiance à un homme qui s'est toujours considéré comme le meilleur de tous à l'échelle de la planète ? N'a-t-il pas déclaré, il y a seulement deux mois, qu' « il n'y a personne sur la scène mondiale qui puisse prétendre se mesurer à moi. Mon habileté, mes qualités humaines, mon passé sont hors de discussion. Tous en rêvent et c'est à eux de démontrer qu'ils sont meilleurs que moi et non l'inverse ». Un an auparavant, ce parfait mégalomane avait déjà estimé qu'un seul homme, Bill Gates, « lui faisait de l'ombre ». « A quand la proclamation d'immortalité ? », avait ironisé Clemente Mastella, l'un de ses anciens alliés. Nouveau pape de la politique italienne, Silvio Berlusconi a toujours considéré qu'il était un homme providentiel venu pour sauver l'Italie des griffes du communisme, de la bureaucratie et de la « politicaillerie », comme il l'appelle. Se prenant pour un croisé de la libre entreprise et du libéralisme, il est convaincu que les Italiens l'adorent et voient en lui le magicien qui fera gagner le pays avec autant de succès qu'il a réussi dans les affaires. Il est en effet incontestable que cet autodidacte fait rêver tous ceux qui ont voté pour lui. L'admirateur de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan, le zélateur de l'Amérique, d'où « tout ce qui vient ne peut qu'être bon », dresse un bilan sans faille de son oeuvre : « Lorsque j'ai acquis le Milan AC, on m'a dit que j'échouerais. Nous sommes devenus la première équipe au monde. J'ai construit la TV privée et vous avez vu comment cela a marché ! Puis j'ai fait de l'information et on m'a dit que je ne connaissais que les soubrettes, et maintenant la télé d'Etat me copie. Et pour finir, en politique, on était sûr que je ferais «splash». Nous sommes devenus le premier parti d'Italie et, au sein du PPE (Parti populaire européen), on ne bouge pas un oeil avant d'avoir consulté Berlusconi. Je ne dis pas tout cela par vantardise, mais l'Italie a un homme qui a construit un empire et veut en faire profiter son pays. » Dans ces conditions, pourquoi ne pas l'essayer ? se sont dit des millions d'Italiens, pour reprendre l'argumentaire utilisé dans Une histoire italienne, livre hagiographique du nouvel élu copieusement distribué à des millions de citoyens pour preuve de la qualité du produit. La première expérience de sept mois à la tête du gouvernement en 1994 avait pourtant été plutôt désastreuse. Qu'importe, le temps avait été trop court. Et comme le dit le doyen des journalistes, Indro Montanelli : « Cet homme est une maladie qui se soigne seulement avec un vaccin, avec une belle injection de Berlusconi au palais Chigi [siège du gouvernement]. Seulement après, nous serons immunisés. » De toute façon, Silvio Berlusconi n'est pas du genre à se laisser enterrer sans lutter. Depuis des années, il a voulu démontrer qu'il était capable de prendre sa revanche sur le seul terrain où il a jusqu'à présent échoué : la politique. Et cela afin de prouver qu'il est l'homme universel qu'il prétend être. Pourtant, cet homme au sourire carnassier, aux rares cheveux parfaitement lissés, au complet croisé toujours impeccable et à l'allure apprêtée d'un séducteur mal à l'aise s'efforce de faire savoir qu'il est « un homme comblé » et « en paix avec l'image que lui renvoie son miroir ». Heureux et ravi d'avoir accompli toutes ses ambitions, selon ses dires, il a toujours prétendu que sa candidature était « un devoir, parce que les électeurs m'ont voulu et que je n'ai pu me soustraire ». En avant donc ! Par fidélité à ses admirateurs et pour le bien de l'Italie qu'il est convaincu de pouvoir faire. Et cela selon ses méthodes : celles du marketing. Les hommes et les idées se vendent comme des savonnettes. En parfait bonimenteur, ce « Monsieur Propre » aventuré dans la politique connaît les recettes. Il les a transmises à ses candidats dans un vade-mecum riche d'enseignements : « Attention à votre haleine ; soignez votre apparence, jetez aux ordures les chaussettes courtes. Choisissez de préférence des couleurs sombres. Soyez toujours souriants, ne serrez pas trop fort la main, et surtout n'ayez jamais les mains moites. » Et ça a marché ! Pour la deuxième fois, l'homme le plus riche de la sixième puissance économique mondiale - classé comme la quatorzième fortune de la planète par le magazine Forbes - est à la tête du gouvernement italien. Une belle revanche pour l'entrepreneur qui a quitté le pouvoir en décembre 1994 sous les injures d'Umberto Bossi, lequel le traitait de « Berluskaiser » et l'accusait de « considérer l'Etat comme si c'était son fief personnel ». La victoire de la gauche, le 21 avril 1996, semblait condamner définitivement cet homme d'affaires égaré dans la politique. Officiellement, « il Cavaliere », nom donné au chevalier de l'ordre du Travail, est entré dans l'arène publique le 26 janvier 1994, deux mois avant les élections législatives anticipées, afin d'empêcher l'arrivée de la gauche au pouvoir. « Je me suis regardé dans le miroir et je me suis dit que je ne pouvais laisser le pays à ces gens-là », rappelle-t-il. En fait, les raisons sont plus prosaïques. Sa société, la Fininvest, a de sérieux ennuis financiers (13 milliards de francs de dettes, près de 2 milliards d'euros) et des menaces pèsent sur son empire audiovisuel depuis la disparition de la scène politique de son ami Bettino Craxi. Le parti du leader socialiste et la Démocratie chrétienne sont pratiquement anéantis par le scandale « Mani pulite » (Mains propres). Il y a un énorme vide politique à combler. En homme astucieux qu'il est, Silvio Berlusconi saisit l'opportunité. En quelques jours, Forza Italia, sa formation, est lancée à partir de rien. Une construction artificielle, sans racines, sans identité, un parti-plastique pour mettre en mouvement ce qu'il appelle le « nouveau miracle italien », dont le premier objectif est la création d'un million d'emplois. Le slogan fera par la suite l'objet de maints sarcasmes. LA belle aventure s'achève piteusement. Le 22 novembre, alors qu'il préside le sommet de l'ONU sur le crime organisé, à Naples, la presse annonce que le parquet de Milan a ouvert une information pour corruption à son encontre. Un fait sans précédent pour un chef de gouvernement en exercice. Ce sera le début d'un long calvaire judiciaire, qui est loin d'être terminé. En première instance, Silvio Berlusconi a été condamné, au total, à six ans et cinq mois d'emprisonnement pour trois dossiers. Depuis, il a bénéficié en appel soit de relaxes, soit de mesures de prescription en raison de la lenteur du processus judiciaire savamment entretenue par des artifices de procédure. Restent malgré tout encore trois gros boulets attachés aux basques du prochain président du conseil : un dossier sur la falsification de bilan du groupe Fininvest, une affaire de corruption de magistrats pour l'achat de la société SME et un procès pour falsification de bilan dans le cadre de l'acquisition d'un joueur de football. Restent aussi une procédure d'appel à propos du rachat des éditions Mondadori favorisé, là encore, selon l'accusation, par la corruption de magistrats et l'enquête pour fraude fiscale du juge espagnol Baltasar Garzon à propos de Telecinco. La Fininvest est soupçonnée d'avoir mis sur pied une double comptabilité grâce à la création de soixante- quatre sociétés offshore permettant de créer une caisse noire de 1 500 milliards de lires (plus de 774 millions d'euros) et de contourner la réglementation commerciale, fiscale et anti-trust pour Telecinco. Corruption de magistrats, de policiers, fraude fiscale, financement illicite de partis politiques, abus de biens sociaux et faux en écriture : tout n'est, aux dires de Silvio Berlusconi, que le fruit d'un complot ourdi par les juges rouges à la solde d'un pouvoir manipulé par les communistes. Il se pose en victime et en persécuté affirmant qu'il a reçu quatre cent cinquante visites de la guardia di finanza (police économique) et que ses incriminations totalisent presque mille audiences. « Je fêterai le chiffre pour prouver que j'ai survécu » , fanfaronne-t-il en assurant que cet acharnement judiciaire n'a contribué qu'à lui apporter de la sympathie et des votes. Ce qui n'a pas empêché celui qui se définit comme « un croisé de la liberté » de critiquer violemment la magistrature comme aucun homme politique en Europe ne se serait permis de le faire. Cette attitude frondeuse et offensante a été dénoncée, d'autant qu'il a promis, de retour au pouvoir, de donner la faculté au Parlement d'établir chaque année la priorité des délits à réprimer. Ce qui subordonnerait le pouvoir judiciaire au pouvoir politique. Toujours sûr de son bon droit, torturant au gré de ses intérêts la vérité, fidèle au principe « avec moi ou contre moi », habile manipulateur, ce padrone s'est vu prêter bien des péchés qu'il n'avait sans doute pas commis. Il n'empêche que les origines de sa fortune restent mystérieuses. L'histoire de l'irrésistible ascension de ce fils d'employé de banque aurait pu être édifiante s'il n'y avait quelques gros points d'interrogation. A priori, il s'agit presque d'un conte de fées. Né à Milan, le 29 septembre 1936, cet enfant ambitieux et audacieux surnommé Mandrake aidait ses camarades de classe à faire leurs devoirs en échange de bonbons ou de pièces de monnaie, de préférence. Représentant d'aspirateurs, photographe de mariages et d'enterrements ou animateur sur des croisières au cours desquelles il pousse la chansonnette pour se faire son argent de poche à l'université, il deviendra, comme son père, employé de banque après sa licence de droit obtenue en 1961. Son sens aigu des affaires se développe rapidement. Les montages financiers et l'entrelacs des sociétés deviennent vite une routine. Il a choisi son terrain de prédilection en cette période de miracle économique : l'immobilier, et notamment Milan 2, un nouveau quartier, véritable rampe de lancement de ce bateleur qui n'a pas son pareil pour vendre des appartements. Puis le vendeur se fait entrepreneur et développe ses activités tous azimuts sans que l'on sache d'où provient l'argent qui lui permet cette course effrénée vers la fortune, sinon de Suisse et sans doute de fonds recyclés de la mafia, bien que ce n'ait jamais été établi formellement. Dans un rapport rédigé par les experts de la banque d'Italie pour le parquet de Palerme, il est précisé qu'entre 1977 et 1985, au moins 200 milliards de lires (103 millions d'euros) ont transité sur les comptes des vingt-deux sociétés de la holding Italiana (propriété de Berlusconi), selon des parcours tortueux à tel point qu'il n'a pas été possible de déterminer la provenance de 114 milliards de lires (60 millions d'euros). POUR construire un empire audiovisuel, il faut beaucoup d'argent et de solides appuis politiques. « Des miracles sans trimer, il n'y a que l'Eglise qui en fasse », souligne ironiquement Gianni Agnelli. « Sua Emittenza » a en effet le bras de plus en plus long. Inscrit à la loge maçonnique P.2, il trouve l'argent au moyen de montages financiers dont la banque d'Italie n'a toujours pas pu démontrer les tenants et les aboutissants, et grâce à l'appui de Bettino Craxi, qui lui donne les autorisations nécessaires. Silvio Berlusconi saura le remercier en versant 23 milliards de lires (11,5 millions d'euros) sur des comptes offshore. « Il Cavaliere » a toujours vu les choses en grand et contourne allégrement la loi par des prête-noms et la répartition de ses sociétés au sein de sa famille (il a cinq enfants issus de deux mariages). Ses trois chaînes de télévision ont été un outil fantastique de promotion politique. Aujourd'hui, il contrôle de fait les trois chaînes publiques de la RAI sans que l'épineux conflit d'intérêts n'ait été, pour le moment, réglé. Au faîte du pouvoir économique et politique, plus rien ne peut résister à un homme qui a même vaincu, en mai 1997, son cancer de la prostate. Il ne lui reste plus qu'à prouver qu'il a les moyens de sa dernière ambition.
berlusconi

« Le parti du leader socialiste et la Démocratie chrétienne sont pratiquement anéantis par le scandale « Mani pulite » (Mainspropres).

Il y a un énorme vide politique à combler.

En homme astucieux qu'il est, Silvio Berlusconi saisit l'opportunité.

Enquelques jours, Forza Italia, sa formation, est lancée à partir de rien.

Une construction artificielle, sans racines, sans identité, unparti-plastique pour mettre en mouvement ce qu'il appelle le « nouveau miracle italien », dont le premier objectif est la créationd'un million d'emplois.

Le slogan fera par la suite l'objet de maints sarcasmes. LA belle aventure s'achève piteusement.

Le 22 novembre, alors qu'il préside le sommet de l'ONU sur le crime organisé, àNaples, la presse annonce que le parquet de Milan a ouvert une information pour corruption à son encontre.

Un fait sansprécédent pour un chef de gouvernement en exercice.

Ce sera le début d'un long calvaire judiciaire, qui est loin d'être terminé.

Enpremière instance, Silvio Berlusconi a été condamné, au total, à six ans et cinq mois d'emprisonnement pour trois dossiers.Depuis, il a bénéficié en appel soit de relaxes, soit de mesures de prescription en raison de la lenteur du processus judiciairesavamment entretenue par des artifices de procédure.

Restent malgré tout encore trois gros boulets attachés aux basques duprochain président du conseil : un dossier sur la falsification de bilan du groupe Fininvest, une affaire de corruption de magistratspour l'achat de la société SME et un procès pour falsification de bilan dans le cadre de l'acquisition d'un joueur de football. Restent aussi une procédure d'appel à propos du rachat des éditions Mondadori favorisé, là encore, selon l'accusation, par lacorruption de magistrats et l'enquête pour fraude fiscale du juge espagnol Baltasar Garzon à propos de Telecinco.

La Fininvestest soupçonnée d'avoir mis sur pied une double comptabilité grâce à la création de soixante- quatre sociétés offshore permettantde créer une caisse noire de 1 500 milliards de lires (plus de 774 millions d'euros) et de contourner la réglementationcommerciale, fiscale et anti-trust pour Telecinco. Corruption de magistrats, de policiers, fraude fiscale, financement illicite de partis politiques, abus de biens sociaux et faux enécriture : tout n'est, aux dires de Silvio Berlusconi, que le fruit d'un complot ourdi par les juges rouges à la solde d'un pouvoirmanipulé par les communistes.

Il se pose en victime et en persécuté affirmant qu'il a reçu quatre cent cinquante visites de laguardia di finanza (police économique) et que ses incriminations totalisent presque mille audiences.

« Je fêterai le chiffre pourprouver que j'ai survécu » , fanfaronne-t-il en assurant que cet acharnement judiciaire n'a contribué qu'à lui apporter de lasympathie et des votes.

Ce qui n'a pas empêché celui qui se définit comme « un croisé de la liberté » de critiquer violemment lamagistrature comme aucun homme politique en Europe ne se serait permis de le faire.

Cette attitude frondeuse et offensante a étédénoncée, d'autant qu'il a promis, de retour au pouvoir, de donner la faculté au Parlement d'établir chaque année la priorité desdélits à réprimer.

Ce qui subordonnerait le pouvoir judiciaire au pouvoir politique. Toujours sûr de son bon droit, torturant au gré de ses intérêts la vérité, fidèle au principe « avec moi ou contre moi », habilemanipulateur, ce padrone s'est vu prêter bien des péchés qu'il n'avait sans doute pas commis.

Il n'empêche que les origines de safortune restent mystérieuses.

L'histoire de l'irrésistible ascension de ce fils d'employé de banque aurait pu être édifiante s'il n'yavait quelques gros points d'interrogation.

A priori, il s'agit presque d'un conte de fées.

Né à Milan, le 29 septembre 1936, cetenfant ambitieux et audacieux surnommé Mandrake aidait ses camarades de classe à faire leurs devoirs en échange de bonbonsou de pièces de monnaie, de préférence.

Représentant d'aspirateurs, photographe de mariages et d'enterrements ou animateursur des croisières au cours desquelles il pousse la chansonnette pour se faire son argent de poche à l'université, il deviendra,comme son père, employé de banque après sa licence de droit obtenue en 1961. Son sens aigu des affaires se développe rapidement.

Les montages financiers et l'entrelacs des sociétés deviennent vite uneroutine.

Il a choisi son terrain de prédilection en cette période de miracle économique : l'immobilier, et notamment Milan 2, unnouveau quartier, véritable rampe de lancement de ce bateleur qui n'a pas son pareil pour vendre des appartements.

Puis levendeur se fait entrepreneur et développe ses activités tous azimuts sans que l'on sache d'où provient l'argent qui lui permet cettecourse effrénée vers la fortune, sinon de Suisse et sans doute de fonds recyclés de la mafia, bien que ce n'ait jamais été établiformellement.

Dans un rapport rédigé par les experts de la banque d'Italie pour le parquet de Palerme, il est précisé qu'entre1977 et 1985, au moins 200 milliards de lires (103 millions d'euros) ont transité sur les comptes des vingt-deux sociétés de laholding Italiana (propriété de Berlusconi), selon des parcours tortueux à tel point qu'il n'a pas été possible de déterminer laprovenance de 114 milliards de lires (60 millions d'euros). POUR construire un empire audiovisuel, il faut beaucoup d'argent et de solides appuis politiques.

« Des miracles sans trimer, iln'y a que l'Eglise qui en fasse », souligne ironiquement Gianni Agnelli.

« Sua Emittenza » a en effet le bras de plus en plus long.Inscrit à la loge maçonnique P.2, il trouve l'argent au moyen de montages financiers dont la banque d'Italie n'a toujours pas pudémontrer les tenants et les aboutissants, et grâce à l'appui de Bettino Craxi, qui lui donne les autorisations nécessaires. Silvio Berlusconi saura le remercier en versant 23 milliards de lires (11,5 millions d'euros) sur des comptes offshore.

« IlCavaliere » a toujours vu les choses en grand et contourne allégrement la loi par des prête-noms et la répartition de ses sociétés. »

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