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Structures sémantiques et conceptions du monde. PIERRE GUIRAUD.

Publié le 22/02/2012

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J. TRIER dans son Der deutsche Wortschatz im Sinnbezirk des Verstandes (Heidelberg, 1931) étudie les mots se rapportant au secteur conceptuel de l'entendement et montre qu'ils constituent un ensemble structuré à l'intérieur duquel chacun est sous la dépendance des autres. L'idée de Trier, comme celle de Weisberger, est que nos concepts recouvrent tout le champ du réel sans laisser de vide ni se chevaucher, comme les pièces d'un puzzle. Il en résulte que tout changement dans les limites d'un concept entraîne une modification des concepts voisins et par contrecoup des mots qui les expriment. C'est ainsi que Trier constate que le vocabulaire allemand de la connaissance repose au début du XIIIe siècle sur trois mots : Wîsheit (la sagesse), Kunst (l'art) et List (l'artifice) ; à un siècle de distance on trouve Wîsheit, Kunst et Wizzen ; mais il ne faudrait pas croire qu'il y a eu simple substitution de Wizzen à List ; en fait le sens des trois mots a changé dans un complet renouvellement de la structure lexicologique et de la vision du monde qu'elle reflète.... Les mots forment un « champ linguistique » recouvrant un champ conceptuel et expriment une vision du monde qu'ils permettent de reconstituer. Les idées de Trier ont été à l'origine de nombreux travaux. Dans le domaine français, Hans Sckommodau, par exemple, a montré comment au cours du XVIIIe siècle la dégradation des notions morales a abaissé la valeur des mots de la vie affective ; le vocabulaire de la sensibilité est transformé par l'assimilation de la sensibilité morale à la sensibilité physique. La notion du champ linguistique, définie par Trier, constitue la grande révolution de la sémantique moderne. PIERRE GUIRAUD.

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