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TEXTE: MEDITATIONS METAPHYSIQUES, REPONSES DE L'AUTEUR AUX SECONDES OBJECTIONS. DESCARTES

Publié le 22/02/2012

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En premier lieu, vous m'avertissez de me ressouvenir que ce n'est pas tout de bon et en vérité, mais seulement par une fiction de l'esprit, que j'ai rejeté les idées ou les fantômes des corps pour conclure que je suis une chose qui pense, de peur que peut-être je n'estime qu'il suit de là que je ne suis qu'une chose qui pense. De plus, à cause que nous n'avons eu jusques ici aucune idée des choses qui appartiennent à l'esprit qui n'aient été très confuses et mêlées avec les idées des choses sensibles, et que ça été la première et principale cause pourquoi on n'a pu entendre assez clairement aucune des choses qui se sont dites de Dieu et de l'âme, j'ai pensé que je ne ferais pas peu si je montrais comment il faut distinguer les propriétés ou qualités de l'esprit des propriétés ou qualités du corps, et comment il les faut reconnaître ; Encore que j'aie un corps qui me soit fort étroitement conjoint, néanmoins, parce que, d'un côté, j'ai une claire et distincte idée de moi-même en tant que je suis seulement une chose qui pense, et non étendue, et que, d'un autre, j'ai une claire et distincte idée du corps, en tant qu'il est seulement une chose étendue et qui ne pense point, il est certain que moi, c'est-à-dire mon esprit ou mon âme, par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement et véritablement distincte de mon corps, et qu'elle peut être ou exister sans lui. en telle sorte que sentir une chose sans une autre n'est rien autre chose sinon avoir l'idée d'une chose, et savoir que cette idée n'est pas la même que l'idée d'une autre : et cela ne peut être certainement connu si l'on n'a l'idée claire et distincte de ces deux choses : Que s'il y en a qui nient qu'ils aient des idées distinctes de l'esprit et du corps, je ne puis autre chose que les prier de considérer assez attentivement les choses qui sont contenues dans cette Seconde Méditation, et de remarquer que l'opinion qu'ils ont que les parties du cerveau concourent avec l'esprit pour former nos pensées n'est point fondée sur aucune raison positive, mais seulement sur ce qu'ils n'ont jamais expérimenté d'avoir été sans corps, et qu'assez souvent ils ont été empêchés par lui dans leurs opérations, et c'est le même que si quelqu'un, de ce que dès son enfance il aurait eu des fers aux pieds, estimait que ces fers fissent une partie de son corps, et qu'ils lui fussent nécessaires pour marcher. En second lieu, lorsque vous dites que nous trouvons de nous-mêmes un fondement suffisant pour former l'idée de Dieu, vous ne dites rien de contraire à mon opinion ; car j'ai dit moi-même en termes exprès, à la fin de la troisième Méditation, que cette idée est née avec moi, et qu'elle ne me vient point d'ailleurs que de moi-même. car au contraire j'ai averti que toute la force de mon argument consiste en ce qu'il ne se pourrait faire que la faculté de former cette idée fût en moi si je n'avais été créé de Dieu. Il ne me semble pas aussi que vous prouviez rien contre moi en disant que l'idée de Dieu qui est en nous n'est qu'un être de raison. Et j'ai déjà suffisamment averti en plusieurs lieux que je parlais seulement de la perfection ou réalité objective de cette idée de Dieu, laquelle ne requiert pas moins une cause qui contienne en effet tout ce qui n'est contenu en elle qu'objectivement ou par représentation, que fait l'artifice objectif ou représenté qui est en l'idée que quelque artisan a d'une machine fort artificielle. Et certes je ne vois pas que l'on puisse rien ajouter pour faire connaître plus clairement que cette idée ne peut être en nous si un souverain Etre n'existe, si ce n'est que le lecteur, prenant garde de plus près aux choses que j'ai déjà écrites, se délivre lui-même des préjugés qui offusquent peut-être sa lumière naturelle, et qu'il s'accoutume à donner créance aux premières notions, dont les connaissances sont si vraies et si évidentes que rien ne le peut être davantage, plutôt qu'à des opinions obscures et fausses, mais qu'un long usage a profondément gravées en nos esprits. C'est aussi une première notion que toute la réalité, ou toute la perfection, qui n'est qu'objectivement dans les idées, doit être formellement ou éminemment dans leurs causes ; Car d'où nous a pu venir le soupçon qu'elles existaient, sinon de cela seul que leurs idées venaient par les sens frapper notre esprit ? Or, qu'il y ait en nous quelque idée d'un être souverainement puissant et parfait, et aussi que la réalité objective de cette idée ne se trouve point en nous, ni formellement, ni éminemment, cela deviendra manifeste à ceux qui y penseront sérieusement, et qui voudront avec moi prendre la peine d'y méditer ; Et toutefois, en faveur de ceux dont la lumière naturelle est si faible qu'ils ne voient pas que c'est une première notion que toute la perfection qui est objectivement flans une idée doit être réellement dans quelqu'une de ces causes, je l'ai encore démontré d'une façon plus aisée à concevoir, en montrant que l'esprit qui a cette idée ne peut pas exister par soi-même ; Je ne vois pas aussi que vous prouviez rien contre moi en disant que j'ai peut-être reçu l'idée qui me représente Dieu des pensées que j'ai eues auparavant des enseignements des livres, des discours et entretiens de mes amis, etc. Car je veux bien ici avouer franchement que l'idée que nous avons, par exemple, de l'entendement divin ne me semble point différer de celle que nous avons de notre propre entendement, sinon seulement comme l'idée d'un nombre infini diffère de l'idée du nombre binaire ou du ternaire ; comme aussi nous connaissons que de plusieurs choses particulières qui n'ont point de fin, dont nous avons les idées, comme d'une connaissance sans fin, d'une puissance, d'un nombre, d'une longueur, etc. , qui sont aussi sans fin, il y en a quelques-unes qui sont contenues formellement dans l'idée que nous avons de Dieu, comme la connaissance et la puissance, et d'autres qui n'y sont qu'éminemment, comme le nombre et la longueur ; ce qui certes ne serait pas ainsi si cette idée n'était rien autre chose en nous qu'une fiction. car c'est une chose très remarquable que tout les métaphysiciens s'accordent unanimement dans la description qu'ils font des attributs de Dieu, au moins de ceux qui peuvent être connus par la seule raison humaine, en telle sorte qu'il n'y a aucune chose physique ni sensible, aucune chose dont nous ayons une idée si expresse et si palpable, touchant la nature de laquelle il ne se rencontre chez les philosophes une plus grande diversité d'opinions qu'il ne s'en rencontre touchant celle de Dieu. Et certes jamais les hommes ne pourraient s'éloigner de la vraie connaissance de cette nature divine s'ils voulaient seulement porter leur attention sur l'idée qu'ils ont de l'Etre souverainement parfait. Mais ceux qui mêlent quelques autres idées avec celle-là composent par ce moyen un Dieu chimérique, en la nature duquel il y a des choses qui se contrarient ; et, après l'avoir ainsi composé, ce n'est pas merveille, s'ils nient qu'un tel Dieu, qui leur est représenté par une fausse idée, existe. Ce que vous ajoutez de l'idée d'un ange, laquelle est plus parfaite que nous, à savoir, qu'il n'est pas besoin qu'elle ait été mise en nous par un ange, j'en demeure aisément d'accord ; car j'ai déjà dit moi-même, dans la troisième Méditation, qu'elle peut être composée des idées que nous avons de Dieu et de l'homme. Quant à ceux qui nient d'avoir en eux l'idée de Dieu, et qui au lieu d'elle forgent quelque idole, etc. Car certainement je ne pense pas que cette idée soit de même nature que les images des choses matérielles dépeintes en la fantaisie ; Et il importe fort peu qu'on donne le nom d'idée à ce concept d'un nombre indéfini, ou qu'on ne le lui donne pas. Mais, pour entendre quel est cet être plus parfait que je ne suis, et si ce n'est point ce même nombre dont je ne puis trouver la fin, qui est réellement existant et infini, ou bien si c'est quelque autre chose, il faut considérer toutes les autres perfections, lesquelles, outre la puissance de me donner cette idée, peuvent être en la même chose en qui est cette puissance ; Et vous ne prouvez rien contre moi en disant que l'idée de l'unité de toutes les perfections qui sont en Dieu est formée de la même façon que l'unité générique et celle des autres universaux. Mais puisqu'il ne peut y avoir en nous rien de réel qui ne nous ait été donné par lui, comme il a été démontré en prouvant son existence, et puisque nous avons en nous une faculté réelle pour connaître le vrai et le distinguer d'avec le faux, comme on peut prouver de cela seul que nous avons en nous les idées du vrai et du faux, si cette faculté ne tendait au vrai, au moins lorsque nous nous en servons comme il faut, c'est-à-dire lorsque nous ne donnons notre consentement qu'aux choses que nous concevons clairement et distinctement, car on ne saurait feindre un autre bon usage de cette faculté, ce ne serait pas sans raison que Dieu, qui nous l'a donnée, serait tenu pour un trompeur. Car toute impossibilité, ou, s'il m'est permis de me servir ici du mot de l'Ecole, toute implicance consiste seulement en notre concept ou pensée, qui ne peut conjoindre les idées qui se contrarient les unes les autres ;
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« Or, qu'il y ait en nous quelque idée d'un être souverainement puissant et parfait, et aussi que la réalité objective de cette idée nese trouve point en nous, ni formellement, ni éminemment, cela deviendra manifeste à ceux qui y penseront sérieusement, et quivoudront avec moi prendre la peine d'y méditer ; Et toutefois, en faveur de ceux dont la lumière naturelle est si faible qu'ils ne voient pas que c'est une première notion que toute laperfection qui est objectivement flans une idée doit être réellement dans quelqu'une de ces causes, je l'ai encore démontré d'unefaçon plus aisée à concevoir, en montrant que l'esprit qui a cette idée ne peut pas exister par soi-même ; Je ne vois pas aussi que vous prouviez rien contre moi en disant que j'ai peut-être reçu l'idée qui me représente Dieu des penséesque j'ai eues auparavant des enseignements des livres, des discours et entretiens de mes amis, etc. Car je veux bien ici avouer franchement que l'idée que nous avons, par exemple, de l'entendement divin ne me semble pointdifférer de celle que nous avons de notre propre entendement, sinon seulement comme l'idée d'un nombre infini diffère de l'idéedu nombre binaire ou du ternaire ; comme aussi nous connaissons que de plusieurs choses particulières qui n'ont point de fin, dont nous avons les idées, commed'une connaissance sans fin, d'une puissance, d'un nombre, d'une longueur, etc. , qui sont aussi sans fin, il y en a quelques-unes qui sont contenues formellement dans l'idée que nous avons de Dieu, comme laconnaissance et la puissance, et d'autres qui n'y sont qu'éminemment, comme le nombre et la longueur ; ce qui certes ne serait pas ainsi si cette idée n'était rien autre chose en nous qu'une fiction. car c'est une chose très remarquable que tout les métaphysiciens s'accordent unanimement dans la description qu'ils font desattributs de Dieu, au moins de ceux qui peuvent être connus par la seule raison humaine, en telle sorte qu'il n'y a aucune chosephysique ni sensible, aucune chose dont nous ayons une idée si expresse et si palpable, touchant la nature de laquelle il ne serencontre chez les philosophes une plus grande diversité d'opinions qu'il ne s'en rencontre touchant celle de Dieu. Et certes jamais les hommes ne pourraient s'éloigner de la vraie connaissance de cette nature divine s'ils voulaient seulementporter leur attention sur l'idée qu'ils ont de l'Etre souverainement parfait. Mais ceux qui mêlent quelques autres idées avec celle-là composent par ce moyen un Dieu chimérique, en la nature duquel il y ades choses qui se contrarient ; et, après l'avoir ainsi composé, ce n'est pas merveille, s'ils nient qu'un tel Dieu, qui leur est représenté par une fausse idée, existe. Ce que vous ajoutez de l'idée d'un ange, laquelle est plus parfaite que nous, à savoir, qu'il n'est pas besoin qu'elle ait été mise ennous par un ange, j'en demeure aisément d'accord ; car j'ai déjà dit moi-même, dans la troisième Méditation, qu'elle peut être composée des idées que nous avons de Dieu et del'homme. Quant à ceux qui nient d'avoir en eux l'idée de Dieu, et qui au lieu d'elle forgent quelque idole, etc. Car certainement je ne pense pas que cette idée soit de même nature que les images des choses matérielles dépeintes en lafantaisie ; Et il importe fort peu qu'on donne le nom d'idée à ce concept d'un nombre indéfini, ou qu'on ne le lui donne pas. Mais, pour entendre quel est cet être plus parfait que je ne suis, et si ce n'est point ce même nombre dont je ne puis trouver la fin,qui est réellement existant et infini, ou bien si c'est quelque autre chose, il faut considérer toutes les autres perfections, lesquelles,outre la puissance de me donner cette idée, peuvent être en la même chose en qui est cette puissance ; Et vous ne prouvez rien contre moi en disant que l'idée de l'unité de toutes les perfections qui sont en Dieu est formée de la mêmefaçon que l'unité générique et celle des autres universaux. Mais puisqu'il ne peut y avoir en nous rien de réel qui ne nous ait été donné par lui, comme il a été démontré en prouvant sonexistence, et puisque nous avons en nous une faculté réelle pour connaître le vrai et le distinguer d'avec le faux, comme on peutprouver de cela seul que nous avons en nous les idées du vrai et du faux, si cette faculté ne tendait au vrai, au moins lorsque nousnous en servons comme il faut, c'est-à-dire lorsque nous ne donnons notre consentement qu'aux choses que nous concevons. »

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