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Vous chercherez dans quelle mesure l'oeuvre de Musset justifie ce conseil qu'il a donné : « Ah ! frappe-toi le coeur, c'est là qu'est le génie! »

Publié le 22/02/2012

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musset
L'examen de l'oeuvre de Musset (qu'il vaudra mieux passer en revue, tout d'abord, non chronologiquement, mais par genres : poésie, théâtre, nouvelles) nous montre tout de suite que cette oeuvre présente, selon les cas, deux caractères très différents : des pièces de vers, comédies, etc., ou fragments de pièces, de comédies où dominent l'esprit d'ironie, la fantaisie, l'observation psychologique et où le coeur n'a pas grand'chose à voir ; et des pièces, comédies, romans où Musset s'est frappé le coeur pour en évoquer tous les tourments (les Nuits, le Souvenir, Rolla, Lorenzaccio, la Confession d'un enfant du siècle, etc.). Nous aurons donc tout d'abord à constater qu'une partie de l'oeuvre n'a pas été inspirée par le conseil. Si nous nous attachons aux oeuvres ou parties d'oeuvre qui sont ou semblent jaillies du coeur, nous aurons donc non pas à les expliquer par l'ensemble de l'oeuvre, mais à constater que cet ensemble n obéit pas à la même inspiration et que Musset, par conséquent, a varié. Pour quelles raisons a-t-il varié? Il nous faut recourir à l'explication par a') et b'), c'est-à-dire par la vie et par un moment de la vie de l'auteur. Il y a en Musset deux hommes souvent tout à fait contradictoires : un homme avide de plaisirs, sceptique, spirituel et que le goût du plaisir jette souvent dans tous les excès; un homme épris d'idéal, de vie noble et profonde que tourmente le remords de ses excès. Longtemps le viveur spirituel tend à dominer, mais les amours avec George Sand, en 1833-1834, transforment l'âme de Musset. Il souffre profondément de ces amours malheureuses et cette souffrance avive en lui les aspirations généreuses : « Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur. — Les plus désespérés sont les chants les plus beaux. » C'est alors qu'il prétend puiser toute inspiration poétique dans les élans, dans les inspirations du coeur. L'étude du caractère et de la vie dans leur ensemble nous montrera d'ailleurs que ni la vie ni l'oeuvre de Musset ne se sont unifiés après cette date de 1834. Il a écrit des oeuvres jaillies du coeur, d'autres où reparaissent la fantaisie et le badinage, comme il est aussi bien retourné à ses aventures et à ses vices. Nous n'aurons pas à faire intervenir l'explication par c). La doctrine de Musset est bien en gros une doctrine romantique. Le lyrisme romantique de Chateaubriand, de Lamartine, etc., n'est souvent que l'histoire de leur coeur. Mais il suffira de rappeler brièvement le caractère général de ce lyrisme. Si nous voulions préciser, nous verrions que Musset s'oppose plutôt aux romantiques de son temps en réduisant la poésie à n être qu'un cri du coeur et en niant l'importance de l'art ou la mission morale et sociale du poète. Par contre, si vous connaissez avec assez de précision les moeurs de cette époque de 1830-1840, vous pourrez montrer que le Musset viveur fait partie du groupe des dandys, qu'on raffole de l'esprit « boulevardier » et qu'ainsi sa doctrine est en réaction non seulement contre lui-même, mais encore contre certains goûts de son temps.

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